Henri Fontaine le 8 juillet 1942
Henri Fontaine en 1940

Matricule 45 548 à Auschwitz

Henri Fontaine : né en 1901 à Nancy (Meurthe-et-Moselle) ; domicilié à Ligny-en-Barrois (Meuse) ; mouleur ; syndicaliste et communiste ; arrêté comme otage communiste le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 2 novembre 1942

 

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz est désormais certain.
La photo d’immatriculation ci-contre a en effet été identifiée par l’une de ses arrière-petites-filles en le comparant avec un portrait d’avant guerre.
Ce numéro correspondait d’ailleurs logiquement à la liste des immatriculations des «45000» à Auschwitz, reconstituée par mes soins à partir de quatre listes distinctes.

Son frère Georges, lui aussi déporté dans le même convoi

le 8 juillet 1942 : son frère Georges, déporté dans le même convoi, y est immatriculé sous le n° « 45 547 ». La ressemblance entre les deux frères, évidente sur leurs deux photos d’Auschwitz, ne laisse d’ailleurs aucun doute.

Henri Fontaine est né le 27 août 1901 à Nancy (Meurthe-et-Moselle). Il habite route de Morlaincourt à Ligny-en-Barrois (Meuse), au moment de son arrestation. Il est le fils de Marthe Bohrer née en 1874 à Epernay (Marne) et de Claude, Léon Fontaine né en 1869 à Bar-le-Duc (Meuse), employé de commerce, son époux. Au moment de sa naissance il a deux sœurs et deux frères, Alphonse, né en 1898 à Toul, Georges, né le 23 novembre 1899 à Toul (Meurthe-et-Moselle) qui sera déporté avec lui à Auschwitz (1), Léontine, née en 1903 et Marie-Camille née en 1906 toutes deux à Nancy).
En 1909, la famille Fontaine habite Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), où naît Georgette, sa troisième sœur.
Selon sa fiche matricule militaire Henri Fontaine mesure 1m 58, a les cheveux et les yeux châtain, le front moyen et le nez rectiligne, le visage ovale. Au moment du conseil de révision, il travaille comme électricien et habite au 139 rue de Véel à Bar-le-Duc (Meuse). Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire et écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1921, Henri Fontaine a été classé en « 5ème position de la liste » par les conseils de révision en 1921 et 1922 et à chaque fois « ajourné pour faiblesse ». Il est exempté pour « faiblesse générale » par le conseil de révision du 15 mars 1923.

Il a épousé Henriette Klipffel à Bar-le-Duc (Meuse) le 16 janvier 1926. Le couple a deux filles : Jacqueline née en septembre 1927 (ou 1930) puis Colette. Jacqueline a eu trois enfants  (Marie-Josée, Jean-François et Patrick).

Henri Fontaine est mouleur aux Fonderies Durenne à Bar-le-Duc. Il adhère au Parti communiste en 1926. Syndicaliste, il est secrétaire par intérim du Syndicat unitaire des Métaux.
Il est candidat du Parti communiste aux élections législatives d’avril 1928 dans l’arrondissement de Bar-le-Duc (Maitron). Il est alors trésorier de la section communiste de Ligny-en-Barrois.
Le 28 septembre 1929, à Bar-le-Duc, sa sœur Léontine épouse Gaston Varin.
Père de famille de deux enfants vivants, Henri Fontaine est rattaché à la classe de mobilisation de 1917 le 1er février 1940. Le 7 février 1940, il est classé « service auxiliaire, inapte infanterie » par la commission de réforme de Bar-le-Duc. 
Il est rattaché au dépôt d’infanterie n° 64, et y arrive le 15 avril 1940. Puis il est transféré au dépôt n° 6 à Reims le 13 mai et affecté à l’hôpital complémentaire Libergier le 15 mai. Avec la débâcle, il est dirigé le 20 juillet 1940 sur la 16
ème SIM (Section d’infirmiers militaires) de Lunel (Hérault).

Il est démobilisé à Lunel le 21 juillet 1940 et « se retire » à Ligny-en-Barrois (Meuse).

Henri Fontaine est employé par la Société  
Energie Electrique de Meuse et Marne, à Ligny-en-Barois, au moment de son arrestation (dossier au DAVCC).

Le 19 juin 1940, Bar-le-Duc

Fin juin 1940, La Meuse est occupée : elle est avec la Meurthe-et-Moselle et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté. La présence militaire, policière, administrative et judiciaire de l’occupant y est nettement plus importante que dans le reste de la zone occupée. La région est essentiellement agricole et le Parti communiste (3 % des voix aux élections de 1936) y est presque inexistant. Son activité est pratiquement interrompue après l’arrestation, entre le 21 et le 23 juin 1941, de vingt communistes qui sont internés à Compiègne, antichambre de la déportation. Parmi eux Jules Allaix, Lucien Bonhomme, Adrien Collas, Pierre Collas, Charles Dugny, Henri Fontaine, Antoine Laurent, Pierre Lavigne, Jean Nageot, Jean Tarnus, qui seront tous déportés à Auschwitz, le 6 juillet 1942.

Henri Fontaine est arrêté le 22 juin 1941 par les autorités allemandes comme militant communiste, tout comme les autres « 45000 » de son département, arrêtés entre le 22 et le 24 juin 1941 dans le cadre de l’ «Aktion Theoderich». Les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française, à la suite de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique.
«Son colonel lui avait dit de ne pas revenir à Ligny-en-Barois. Il lui avait dit que les Allemands allaient l’arrêter. Il est tout de même rentré chez lui car il ne voulait pas laisser sa femme et ses filles seules. Jacqueline, ma grand-mère, avait donc 14 ans environ lorsque son père a été pris par la Gestapo et jusqu’à son dernier jour elle a vécu dans une grande culpabilité car, tétanisée de peur, elle n’a pas pu courir vers son père pour le prévenir que les Allemands étaient chez eux. Elle est restée figée dans le jardin en le regardant rentrer chez eux en passant par le chemin jouxtant ce jardin. Elle ne s’est jamais pardonnée. Nous avions beau la rassurer et lui dire qu’elle
n’était pour rien dans toute cette horreur, elle souffrait terriblement. C’est lors de ses dernières heures, qu’elle souriait en disant qu’elle allait enfin rejoindre son père. Elle ne s’est jamais vraiment autorisée à vivre après le départ d’Henri. Lorsque j’étais en vacances, je dormais dans sa chambre et elle me racontait chaque soir le départ de son père et comment il était avec elle. Elle lui vouait une admiration énorme. Elle me disait que c’était quelqu’un de profondément bon et attentionné
» (témoignage de l’une de ses arrières-petites-filles).

D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par les Allemands (pour la Haute-Marne, l’ancienne Ecole normale de Bar-le-Duc), les vingt meusiens sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. Selon Henri Pasdeloup (1), le groupe de vingt meusiens est immatriculé le 28 juin 1941 entre les numéros « 542 » et « 564 ».
Il est  interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstallag 122) probablement le 27 juin 1941 avec ses camarades.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».


Depuis le camp de Compiègne, Henri Fontaine est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Henri Fontaine est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 548 » (2).
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (2) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.

Henri Fontaine meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 300).

Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «mort à Auschwitz en septembre 1942». Et il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (arrêté du 7 avril 2009 paru au Journal Officiel n°139 du 18 juin 2009).Ceci était pourtant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts dans le parc de la commune et sur la plaque commémorative dans l’église de Ligny-en-Barrois. Son frère aîné, Georges Fontaine, né le 23 novembre 1899 à Toul est également déporté dans le même convoi (45 547) à Auschwitz où il meurt le 14 août 1942.

Pour lire sa biographie, cliquer sur Fontaine Georges

Note 1 : Henri Pasdeloup, n° 59206 à Sachsenhausen, récit sur le départ des « 45 000 », in « Sachso », page 36, par l’Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen. 
Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Mairie de Bar-le-Duc (5 juillet 1991).
  • Site internet Mémorial «GenWeb » (relevé Guy Chaillaud).
  • Blog du club Mémoires 52, association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 28, p. 103.
  • Souvenirs et photo de famille communiqués par ses arrière-petites-filles (février 2012).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Dossier individuel consulté en mars 2012 à ma demande par M. Arnauld Bouligny, précisant en particulier sa date d’arrestation.
  • Registres matricules militaires.

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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