Edmond Gentil le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Matricule « 45 589 » à Auschwitz

Edmond Gentil : né en 1894 à Roches-sur-Rognon (Haute-Marne) ; domicilié à Joinville (Haute-Marne) ; ouvrier aux forges ; communiste ; arrêté le 23 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.

Edmond Gentil est né le 25 juin 1894 au domicile de ses parents à Roches-sur-Rognon (Haute-Marne) devenu Roches-Bettaincourt (52) depuis 1973. Il habite avenue de Lorraine à Joinville (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marthe, Joséphine Collin, 20 ans, sans profession et d’Adolphe, Eugène Gentil, 37 ans, chaînetier, son époux (son père Adolphe Gentil décède en 1897). Il a deux frères cadets jumeaux : Victor et Albert, nés en 1896.
Selon sa fiche de recensement cantonal, Edmond Gentil mesure 1m 73 et pèse 60 kg. Il a les cheveux châtain et les yeux bleus, le front moyen vertical et le « nez droit, moyen, horizontal ». Il a le visage rond. Au moment du conseil de révision, il travaille comme ouvrier de forges à Froncles (canton de Vignory / Haute-Marne). Il a une cicatrice de coupure au menton et à l’avant-bras gauche. Le registre signale qu’il est soutien de famille et qu’il sait nager.
Conscrit de la classe 1914, il est déclaré « bon pour le service » et a donc certainement été mobilisé lors de déclaration de guerre.
Il épouse Marie, Thérèse, Françoise Leclerc à Froncles (Haute-Marne), un village distant de 13 km de Roches-sur-Rognon, le 31 mai 1919. Le
couple aura deux enfants.

Fonderie Ferry-Capitain

A partir de 1920, Edmond Gentil est manœuvre à la fonderie Ferry-Capitain de Bussy Saint-Georges (commune de Vecqueville).
Dans cette même usine travaillent également
Louis Bedet, Georges Collin, Bernard Hacquin et Louis Thiéry qui seront eux aussi arrêtés et déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Edmond Gentil est membre de la cellule du Parti communiste de Joinville.

Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé.  Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

René Bousquet et à sa droite Carl Oberg, Gruppenführer, chef de la SS et de la Police pour la France

Après l’Armistice du 22 juin 1940 et l’Occupation allemande, René Bousquet, avait fait établir dès septembre 1940 en tant que Préfet de la Marne des listes de “communistes notoires” et effectuer des enquêtes dans les entreprises. Nommé par Vichy Préfet de Région (Marne, Haute-Marne et Aube) le 28 août 1941, René Bousquet va continuer cette politique dans la Haute-Marne. Avec l’invasion de l’Union soviétique le 22 juin 1941, les autorités allemandes se sont fait remettre les notices individuelles des communistes connus, déjà arrêtés ou incarcérés par la police française.  Le 10 septembre 1941, c’est le début de la « politique des otages ». Lire dans le site : La  politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).

Edmond Gentil est arrêté le 23 juin 1941, par la police française, dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (la prison de Chaumont pour la Haute-Marne), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.

Edmond Gentil remis aux autorités allemandes à leur demande est interné au camp de  Compiègne (le Frontstalag 122) le 27 juin 1941.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Edmond Gentil est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. 

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est immatriculé le 8 juillet 1942

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45589 ».
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz. 
On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.
Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz. Le document du DAVCC porte la mention « épuisement » (ce qui est dans doute le témoignage d’un rescapé. Mais dans les années d’après-guerre, l’état civil français n’ayant pas eu accès aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, a fixé celle-ci à la date fictive du 15 septembre 1942. Cette date est retenue par l’arrêté du 16 décembre 1992 – portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes de décès – paru au Journal Officiel du 29 janvier 1993.
Son nom est honoré sur le monument, près de la gare de Joinville. Monument destiné Aux enfants du canton de Joinville Morts pour la Patrie et sur le monument aux morts.

  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • M. Lionel Gallois, directeur des Archives départementales de Haute-Marne (13 novembre 1991)
  • Blog du club Mémoires 52, association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1991 et 1993).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Courriel de madame Jocelyne Legros, parente à la 5° et 6° génération (septembre 2018).

Notice biographique rédigée en 2010 (complétée en 2015, 2018, et 2020  par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *