Isidore Hoffman : né en 1918 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) où il est domicilié ; commerçant, marchand forain ; arrêté comme otage fin février 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 août 1942.
Isidore Hoffman ou Hoffmann est né le 17 octobre 1918 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime). Son nom de famille est orthographié Hoffmann sur plusieurs documents officiels. Il est déclaré à sa naissance sous le nom d’Hoffman, « fils de Jacob Hoffman », mais celui-ci signe « Hoffmann Jacob » avec deux « n » en bas des actes de naissance de chacun de ses enfants.
Isidore Hoffman habite au 3, rue Jean de la Fontaine au Havre au moment de son arrestation.
Il est le fils de Mariam Venitsky (nom inscrit sur l’acte de naissance de son fils, ou Vinitsky sur d’autres documents), 38 ans, née à Odessa (Russie) le 11 avril 1880 et de Jacob Hoffman ou Hoffmann (les deux orthographes existent dans leur dossier de naturalisation), 44 ans, son époux, né le 10 août 1874, à Braila (Brăila) en Roumanie (Valachie).
Jacob Hoffman (ou Hoffmann) et Mariam Venitsky (ou Vinitsky) quittent le Royaume-Uni en 1898 pour s’installer au Havre.
Jacob Hoffman (ou Hoffmann) y est marchand ambulant : il vend de la bonneterie mercerie et des parfums à bord des bateaux faisant escale au port.
Ils se marient à Londres (Royaume Uni) en octobre 1899 devant le grand rabbin de Londres.
Ils donnent naissance à sept enfants : deux sœurs jumelles, nées le 31 mars 1901, Frida et Adéla (qui sera sténo-dactylo) ; Anna, née le 24 octobre 1902 ; Salomon (Samy), né le 28 novembre 1903 (« employé de commerce » en 1939 – sans doute marchand forain comme son père – ; Henri, né le 22 mars 1907, également « employé de commerce » (et sans doute aussi marchand forain en 1939) ; Roger, né le 6 juin 1909, tapissier en 1939. Isidore, né le 17 octobre 1918 est leur dernier enfant.
A cette date, Jacob Hoffman (ou Hoffmann) et Mariam Venitsky (ou Vinitsky) ont obtenus leur naturalisation française depuis le 1er décembre 1909. Jacob est vice-président du comité de bienfaisance israélite du Havre au début des années 1910 et le demeure au moins jusqu’en 1923.
Isidore Hoffman (ou Hoffmann) habite au Havre dans le quartier du port au 3, rue Jean de la Fontaine au moment de son arrestation, en février 1942. Célibataire, il est commerçant selon les services de l’état civil, marchand forain comme son père, selon Louis Eudier.
Les troupes allemandes entrent dans Le Havre le jeudi 13 juin 1940, et transforment la ville et le port en base navale (on comptera jusqu’à 40.000 hommes de troupe). Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, et Rouen. Une Kreiskommandantur est installée à L’Hôtel de ville du Havre. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état
civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Isidore Hoffman (ou Hoffmann) est arrêté comme otage le 24 ou le 26 février 1942 au Havre à la suite de l’attentat du 23 février sur la Place de l’Arsenal.
Lire dans le site Le Havre, sabotages et attentats : avril 1941-février 1942.
Après l’attentat, les Allemands raflent le 23 février, au jugé, des hommes dans les cafés de la place de l’Arsenal et des environs. La rafle se poursuit le lendemain au Pont de La Barre et en direction des milieux communistes et syndicalistes. Dans son ouvrage l’Historienne Marie Paule Hervieux le mentionne ainsi qu’un autre petit commerçant juif, Simon Fdida.« Il fait partie des 8 Juifs (Samuel Biedny, Simon Ditchi, Simon Fdida, David Fourmann, Goldstein Abraham, Salomon Stein et Maurice Wolfovicz) arrêtés lors de la première rafle impliquant des Juifs au Havre les 23 et 24 février 1942. in site Havrais en résistance.
Les personnes arrêtées sont d’abord emprisonnées à la prison du Havre. Un certain nombre d’entre elles sont transférées au quartier allemand de la prison « Bonne-Nouvelle » de Rouen, puis au bout de 3 ou 4 mois au camp de détention de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otage (1).
Selon un document produit par l’Annuaire des Havrais en Résistance(s), copie de la fiche du DAVCC, il est passé par le camp de Drancy avant d’être transféré à Compiègne le 15 mai 1942, ce qui est tout à fait possible car nous connaissons plusieurs autres cas d’un transfert de Drançy à Compiègne, et ce document porte la mention Israélite. Mais si la date de naissance correspond bien à celle d’Isidore Hoffmann, la date d’arrestation recopiée est celle du 26-2-1941. On peut toutefois penser qu’il s’agit bien d’une erreur de transcription, puisque la date d’arrivée à Compiègne correspond bien au 15 mai 1942.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Isidore Hoffman (ou Hoffmann) est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore sous quel numéro il est immatriculé à son arrivée à Auschwitz, le 8 juillet 1942. Toutefois, selon la liste d’immatriculation des déportés du 6 juillet 1942 que j’ai reconstituée (mais où demeurent des incertitudes), il est probable qu’il ait reçu le numéro « 46 245 ». Ce numéro signifierait qu’il n’a pas été déporté du fait de ses origines juives (2).
Lire l’article : Les déportés juifs du convoi et
Les Juifs rapidement décimés après leur arrivée à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Isidore Hoffman meurt à Auschwitz à une date inconnue. La mention marginale apposée sur son acte de naissance en 1953 indique qu’il est « décédé à Auschwitz le 11 juillet 1942 ». Soit 5 jours après le jour de sa déportation comme cela était alors la règle pour les déportés dont on ignorait la date de décès. L‘arrêté du 4 février 1993 ordonnant l’apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de décès (Journal officiel du 15 mars 1993), le mentionne comme : « Hoffmann (Isidore), né le 17 octobre 1918 au Havre (Seine-Maritime), décédé le 6 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) ».
Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates in Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.
Les archives du camp d’Auschwitz ne sont pas suffisamment éclairantes. Un registre de l’infirmerie de Birkenau mentionne un « Hoffmann » ayant reçu des médicaments à la date du 7 novembre 1942 mais ce nom est accompagné du numéro matricule d’un autre « 45 000 » (le N° 45 418, Louis Daëns).
Son nom est inscrit sur le monument commémoratif de la Résistance et de la Déportation du Havre «Le 29 avril 1990, l’urne contenant des cendres de nos héros et de nos martyrs morts en déportation a été transférée dans ce monument».
Une adresse de la famille est indiquée sur une fiche au DAVCC timbrée à la date de « 1953 » : 10, rue Saint Antoine, Paris 4ème.
La famille Hoffman a été durement touchée par les mesures antisémites de Vichy et la politique d’extermination nazie.
Une des sœurs d’Isidore, Anna Hoffman est déportée à Auschwitz depuis Drancy le 18 juillet 1943, où elle meurt le 23 juillet 1943 (son mari, Charles Kajler est déporté le 22 juin et meurt le 27 juillet 1942 à Auschwitz).
Un autre de ses frères, Salomon (Samy) Hoffman, est déporté le 2 septembre 1943 depuis Drancy et meurt officiellement à Varsovie en septembre 1943, mais le plus vraisemblablement à Auschwitz.
Une autre de ses sœurs, Adela, s’est occupée de Régine Vinitsky, fille de Joseph et Enta Vinitsky au 10 rue saint Antoine, après la déportation de ces derniers.
Notes
- Note 1 : D’après sa fiche au « fichier national » des archives des Anciens combattants (Caen (DAVCC, Caen), Isidore Hoffman aurait d’abord été interné à Drancy, puis transféré le 15 mai 1942 à Compiègne. Voir également la note suivante.
- Note 2 : La liste des immatriculés à Auschwitz que j’ai reconstituée est incomplète (8 déportés n’ont pas encore été identifiés) et près de 400 numéros matricules n’ont pas encore pu être confirmés. Il faut savoir que l’immatriculation des déportés du convoi du 6 juillet 1942 à leur arrivée à Auschwitz, 8 juillet 1942 s’est faite à partir de la liste de départ du convoi dressée par l’administration allemande du camp de détention de Royallieu à Compiègne. Sur les 1175 (ou 1174) déportés le 6 juillet 1942, 4 ou 5 déportés manquaient à l’appel (dont 3 évadés identifiés), le 8 juillet 1942. La liste des immatriculés (1170 noms) était composée de 4 listes alphabétiques successives : sur les deux premières se trouvaient les noms des otages communistes (ou considérés comme tels) auxquels avaient été mêlés les noms d’une quinzaine d’ « otages asociaux » ; la 3ème portait les noms des 50 otages juifs extraits du « camp des Juifs » de Compiègne. Dans la 4ème liste, probablement établie en dernière instance et qui comptait une dizaine de noms, se trouvaient mêlés des Juifs et des communistes.
Sources
- Liste de déportés de Seine-Maritime établies à son retour de déportation parLouis Eudierin «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
- «Liste Boisard» des «Habitants du Havre morts dans les camps de concentration et dont il a été possible de retrouver les noms», établie en 1968 et fournie en 1973 par Louis Eudier à Roger Arnould, documentaliste àla FNDIRP. Il y figure sous le nom de Hoffmann.
- « Communistes au Havre » Histoire sociale, culturelle et politique, 1922-1983, par Marie Paule Dhaille-Hervieu. Publications de l’Université de Rouen et du Havre (11 janvier 2010). Thèse de doctorat.
- Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen, consulté en octobre 1993.
- Liste des déportés ayant reçu des médicaments à l’Infirmerie de Birkenau entre le 1ernovembre 1942 et le 28 mars 1943.
- © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
- JORF n° 63 du 15 mars 1993 page 410.
- Etat civil en ligne du Havre.
- Courriels d’ Evelyne Lemberski, parente du côté Venitsky et de Ian Hoffman, un de ses cousins (2017-2019).
- © Mémorial de la Shoah
- JORF.
- Envoi de photos de Samy Hoffman par Evelyne Lemberski (2019).
- Annuaire des Havrais en Résistance(s)
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018, 2022 et 2024. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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