Robert Mouchard : né en 1903 à Nanterre (Seine / Hauts-de-Seine) ; domicilié au Grand-Quevilly (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; ouvrier charbonnier ; syndiqué CGT ; arrêté en 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942.
Robert Mouchard est né le 23 septembre 1903 à Nanterre (Seine / Hauts-de-Seine). Il est domicilié 24, route de Caen au Grand-Quevilly (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Henriette, Alice Lami, 23 ans, couturière et de Julien, Louis Mouchard, 30 ans, employé de commerce son époux. Ses parents sont domiciliés au 19, rue Becquet à Nanterre.
Le 18 octobre 1923, à Grand-Couronne, il épouse Marie, Madeleine Langer.
Robert Mouchard est alors ouvrier charbonnier sur le port de Rouen, adhérent au syndicat CGT.
Le 9 avril 1932, il se marie à Rouen avec Marcelle, Alphonsine Duchesne.
Le 30 avril 1938, il convole à Quinquampoix (grande banlieue de Rouen, Seine-Inférieure) avec Suzanne, Désirée, Caille.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Pendant l’Occupation, Robert Mouchard est arrêté en 1941, pour « distribution de tracts sur le port » (fiche de Roger Arnould). Il est emprisonné à la caserne Hatry de Rouen. Il est ensuite remis aux autorités allemandes à leur demande, qui l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122).
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Robert Mouchard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45906 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage «Triangles rouges à Auschwitz».
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Robert Mouchard meurt à Auschwitz, le 19 septembre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 834). Comme cent quarante huit autres «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, et qu’un nombre important d’autres détenus du camp a été enregistré à ces mêmes dates, on peut penser qu’ils sont morts gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée sans doute dans les blocks d’infirmerie (Robert Mouchard y figure à cette date avec le numéro 31702/42 sur la liste Van De Laar).
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 31 juillet 1997 paru au Journal Officiel du 14 décembre 1997).
Son nom est honoré sur la plaque de la Rue des Martyrs de la Résistance au Grand-Quevilly. Y figurent également ceux de ses camarades déportés dans le même convoi que lui : Charles Bachelet, Louis Briand, Michel Bouchard, Maurice Guillot, Marcel Le Dret, Robert Mouchart, Jean Valentin, et Maurice Voranget. Cinq autres déportés sont honorés : René Blantron déporté le 27 avril 1944, décédé à Flossenbürg cette même année, Albert Chevalier déporté le 23 janvier 1943, décédé à Sachsenhausen fin avril 1944, Léopold Jeantet, Maurice Nail, déporté le 28 avril 1943, décédé à Sachsenhausen et Charles Tailpied.
Son nom est également honoré sur le monument installé dans la cour de la fédération du PCF de Seine Maritime (33, place Général de Gaulle, Rouen) : avec ce poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) qui accompagne les noms de 218 martyrs « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’ESPOIR et le Désespoir ». Mémorial du PCF à Rouen, Relevé Thierry Prunier.
Sources
- Listes de déportés de Seine-Maritime établies à leur retour de déportation par Louis Jouvin et par Louis Eudier in «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juillet 1992.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère dela Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz.
- © Photo des barbelés d’Auschwitz : Claudine Cardon-Hamet
- AD 76, recensement de 1936 : il n’habite pas encore au 24, route de Caen au Grand-Quevilly.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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