Dépose Chaudière aux Quatre-Mares
Maurice Voranget : né en 1901 à Elbeuf (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; domicilié au Grand-Quevilly (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; chaudronnier SNCF ; militant CGT et communiste ; arrêté le 22 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 4 novembre 1942.

Maurice Voranget est né le 5 février 1901 à Elbeuf (Seine-Inférieure / Seine-Maritime).
Il habite 11, rue Aimable Pélissier au Grand-Quevilly (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Constance, Désirée Dieudonné et de Léopold, Alphonse Voranget, ouvrier, son époux. Ses parents habitent au 21, rue des Rouvalets à Elbeuf (adresse où habitent encore des membre de la famille en 1936 : Georges, né en 1906, son épouse Louise er leurs quatre enfants, René, Marie, Lucien et Hélène, ainsi que Lucien Voranget né en 1903 et son épouse).
Maurice Voranget est journalier en 1920. Il est conscrit de la classe 1921 (matricule « 893 »), mais il devance l’appel et s’engage pour quatre ans à la Mairie de Rouen le 21 décembre 1920 comme matelot des équipages de la flotte.

Selon son registre matricule militaire, Maurice Voranget mesure 1 m 62, a le visage ovale, les cheveux châtains et le nez moyen. Il a un niveau d’instruction N°2 pour l’armée (sait lire, écrire et compter).
Son registre matricule militaire porte mention d’une condamnation par le conseil de guerre maritime permanent de Cherbourg à 6 ans de travaux publics pour : refus obéissance, rébellion (sans armes), outrage à supérieur par « paroles, gestes et menaces ». La sentence est exécutée à compter du 13 février 1921.  En 1924, Maurice Voranget obtient une remise de peine de trois mois. Sa peine est définitivement suspendue par décision du ministre de la Marine le 14 juin 1924. Il est renvoyé dans ses foyers le 5 octobre 1924.
Il est alors versé dans la première réserve de l’armée de mer (1er dépôt des équipages de la flotte) à cette date.

En octobre 1928, ayant été embauché comme homme d’équipes aux ateliers des Chemins de fer à Elbeuf-Saint Aubin (ou il habite), il est classé « affecté spécial » à la section des Chemins de fer de campagne (affectation confirmée en 1931 et 1935).
Le 6 décembre 1924 à Elbeuf, Maurice Voranget épouse Jeanne, Louise Jacquet,
née à Paris 19° le 18 mars 1905.
Le couple a quatre enfants : René, né en 1923 né à Elbeuf, Micheline et Maurice, né
s tous deux en 1925 à Elbeuf et Monique, née en 1931 au Grand-Quevilly.
Pour l’armée Maurice Voranget est alors classé dans la deuxième réserve de l’armée (en vertu de l’article 58 de la Loi du 31 avril 1928 concernant les pères de famille nombreuse).
En février 1932, il a déménagé au Grand-Quevilly, à la cité des Hauts-fourneaux. Deux mois plus tard, il habite rue Aimable Pélissier dans cette même ville.
Selon Louis Jouvin, il travaille comme aide-chaudronnier sur cuve à l’atelier SNCF des Quatre Mares de Deville-lès-Rouen, ce que confirme l’arrêté de la direction des Chemins de fer publié au Journal officiel du 12 juin 1935, qui le promeut à « l’emploi réservé » d’aide Chaudronnier.
Militant communiste, il est aussi un des responsables du syndicat CGT des Cheminots .
En 1936, la famille a déménagé au 18 de la rue Aimable Pélissier.
Il est membre de la direction du syndicat des cheminots aux ateliers des Quatre-Mares et membre du Parti communiste. Militant antifasciste, il est secrétaire du comité Amsterdam-Pleyel du Grand-Quevilly.

Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.

Le 3 octobre 1940 le commissariat central de Caen note que « son domicile a fait l’objet d’une visite de la part de la gendarmerie allemande ».
Maurice Voranget est arrêté le 22 octobre 1941. Son arrestation est ordonnée par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly) .
Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen.

Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure, dont 7 cheminots, sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre. Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. La moitié d’entre eux d’entre eux seront déportés à Auschwitz.

Menu de Noël 1941, avec le nom de Maurice Voranget

A Compiègne, il est affecté au bâtiment A2, chambre 8. Plusieurs internés de cette chambrée seront déportés à Auschwitz avec lui. Sur le « menu » de Noël 1941 d’Albert Vallet, repas fraternel organisé avec les pauvres colis reçus, où des « rôles » ont été distribués, on reconnait les noms ou signatures d’Emile Billoquet, Jean Binard, Emile Bouchacourt, Albert Champin, Marcel Le Dret, Maurice Voranget (« le policier »), tous déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Ursin Scheid est fusillé le 10 mai 1942 à Compiègne.

Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Maurice Voranget est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 46 201 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon deuxième ouvrage «Triangles rouges à Auschwitz».

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Maurice Voranget meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1280). La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (Journal Officiel du 9 décembre 2001).

La stèle en gare de Rouen

Son nom est inscrit sur la stèle située dans le hall de la gare de Rouen « A la mémoire des cheminots du centre de Rouen morts par faits de guerre, fusillés ou morts en déportation – 1939-1945 ».

Son nom est honoré sur la plaque de la Rue des Martyrs de la Résistance au Grand-Quevilly. Y figurent également ceux de ses camarades déportés dans le même convoi que lui : Charles Bachelet, Louis Briand, Michel Bouchard, Maurice Guillot, Marcel Le Dret, Robert Mouchart, Jean Valentin, et Maurice Voranget. Cinq autres déportés sont honorés : René Blantron déporté le 27 avril 1944, décédé à Flossenbürg cette même année, Albert Chevalier déporté le 23 janvier 1943, décédé à Sachsenhausen fin avril 1944, Léopold Jeantet, Maurice Nail, déporté le 28 avril 1943, décédé à Sachsenhausen et Charles Tailpied. Six fusillés ou
exécutés : Albert Lacour, Paul Lambard, Jacqueline Langenberg, Pierre Lefrançois, Robert Legros.

Plaque de rue à Grand- Quevilly
Mémorial du PCF à Rouen, Relevé Thierry Prunier.

Son nom est également honoré sur le monument installé dans la cour de la fédération du PCF de Seine Maritime (33, place Général de Gaulle, Rouen) : avec ce poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) qui accompagne les noms de 218 martyrs « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’ESPOIR et le Désespoir ».

On trouve mention, sur le site du Livre Mémorial de la FMD, du jeune Maurice, Louis, Jean Voranget, né à Elbeuf le 7 janvier 1925, déporté depuis Compiègne le 27 janvier 1944 à Buchenwald, puis Dora et décédé à Bergen-Belsen. L’âge, le prénom, le lieu de naissance et l’engagement politique de Maurice, André Voranget né en 1901 peuvent faire penser à un lien de proche parenté.

La veuve de Maurice Voranget est décédée le 13 novembre 1995 à Bourg-Achard (Eure).

Sources

  • Témoignage de Robert Gaillard, arrêté le même jour que lui.
  • Listes de déportés de Seine-Maritime établies à leur retour de déportation par Louis Jouvin et par Louis Eudier in «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en janvier 1992).
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Site www.mortsdanslescamps.com
  • © www.gaqm.fr/ Le Groupe Archives Quatre-Mares, à la mémoire des Cheminots de Q.M.
  • © Menu d’Albert Vallet : courriel de son arrière petit-fils, Didier Rivière (19/12/2012).
  • Plaque en gare de Rouen © Danièle Robbe
  • Registre matricule militaire.
  • Etat civil en ligne de Paris 19°.

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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