Matricule « 45 936 » à Auschwitz

Antoine Omnès ; né en 1913 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) où il est domicilié ; navigateur, inscrit maritime ; arrêté comme otage le 24 février 1942 ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 4 novembre 1942.

Antoine, Jean-Baptiste Omnès est né le 15 juillet 1913 au Havre en Seine-Maritime, anciennement Seine-Inférieure.
Il habite au domicile de ses parents au 55, rue du Général Faidherbe au moment de son arrestation.
Il est le fils de Françoise, Marie Ascoët, 37 ans et de Jean, Marie Omnès, quarante-cinq ans, marin, son époux.
Il est navigateur (inscrit maritime) d’après un de ses camarades de déportation, Louis Eudier.
Il effectue son service militaire comme deuxième classe au 22ème Régiment d’infanterie.
Il est mobilisé à la déclaration de guerre (3 septembre 1939) à la 22e Division d’Infanterie. Antoine Omnès est fait prisonnier : ses noms prénoms, date et lieu de naissance figurent en effet sur la liste officielle fournie par les autorités allemandes / liste du 17 septembre 1940.
A moins qu’il n’ait bénéficié d’un retour en tant que navigateur (certains soldats aux professions jugées indispensables pour faire fonctionner l’économie ont été ramenés en France avec un statut de prisonnier de guerre), il s’est sans doute évadé, puisqu’il est au Havre en février 1942.

Le Havre sous occupation allemande, 1941, in AJPN

Les troupes allemandes entrent dans Le Havre le jeudi 13 juin 1940, et transforment la ville et le port en base navale (on comptera jusqu’à 40.000 hommes de troupe). Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, et Rouen. Une Kreiskommandantur est installée à L’Hôtel de ville du Havre. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). 

A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.

Antoine Omnès est arrêté le 23 ou 24 février 1942 comme otage à la suite de l’attentat de la place de l’Arsenal au Havre, le 23 février 1942. Les Allemands ont opéré immédiatement une rafle, notamment dans les cafés de la place. Annonce est faite que 30 otages seront fusillés si les coupables ne sont pas découverts (20 otages juifs et communistes internés à Compiègne seront fusillés). La rafle se poursuit le lendemain au Pont de La Barre en direction des milieux communistes et syndicalistes.
Lire dans le site Le Havre, sabotages et attentats : avril 1941-février 1942.

Selon sa sœur Anna, Antoine Omnès passe 3 ou 4 mois à la prison de Rouen avant son transfert à Compiègne. Il est ensuite remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent le 4 mai 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Antoine Omnès est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Antoine Omnès est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 presque certainement sous le numéro «45936», attesté par le registre de l’infirmerie d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz

Il se trouve à l’infirmerie d’Auschwitz en septembre 1942 et il en sort le 17 septembre 1942.

Antoine Omnès meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 884). En novembre 1993, son acte de naissance ne portait aucune mention marginale indiquant son décès à Auschwitz : il est considéré comme disparu.

Son nom est inscrit sur le monument commémoratif de la Résistance et de la Déportation du Havre «Le 29 avril 1990, l’urne contenant des cendres de nos héros et de nos martyrs morts en déportation a été transférée dans ce monument».

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Lettre de sa sœur, Anna Omnès (22 mars 1948) figurant au au dossier du DAVCC à Caen.
  • Liste officielle des prisonniers de guerre français : d’après les renseignements fournis par l’autorité militaire allemande : nom, date et lieu de naissance, unité / Centre national d’information sur les prisonniers de guerre (BNF).
  • Liste de déportés de Seine-Maritime établies à son retour de déportation par Louis Eudier in «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
  • «Liste Boisard» des «Habitants du Havre morts dans les camps de concentration et dont il a été possible de retrouver les noms», établie en 1968 et fournie en 1973 par Louis Eudier à Roger Arnould, documentaliste àla FNDIRP.(Cette liste est incomplète et n’est pas parfaitement exacte).
  • Documents fournis par Madame Sylvie Barot, conservateur des Archives du Havre (18 novembre 1993).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère dela Défense, Caen. Dossier individuel consulté en octobre 1993.
  • Liste des détenus ayant été soignés à l’infirmerie d’Auschwitz (DAVCC. Ausch 3/T3).
  • © Site Internet «Mémorial-GenWeb» Le Havre (relevé Thierry Prunier).
  • © Site Internet «Généanet»

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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