Matricule « 45 959 » à Auschwitz

François Pelletan : né en 1911 à Pauillac (Gironde) ; domicilié à Rouen (Seine-inférieure / Seine-Maritime) ; ajusteur mécanicien SNCF ; communiste et syndiqué CGT ; arrêté le 26 octobre 1941 ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 1er septembre 1942.

François Pelletan est né le 7 juillet 1911 à Pauillac (Gironde) au lieu-dit Mousset.
Il habite au 35, rue du Pré de la Bataille (1) puis au 100, rue Eau de Robec à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), à quelques rues de la gare centrale, au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie-Louise Hervé (1891-1971), 20 ans, sans profession, née à Pauillac le 8 juin 1911 et de Jean Pelletan (1885-1963), 26 ans, né le 24 mars 1885 à Villegouge (Gironde), sans profession en 1911 (cultivateur, sans doute saisonnier, puis est cantonnier aux Chemins de fer de l’Etat). Ses parents se sont mariés à Pauillac le 23 septembre 1910. La famille habite Périssac, il a un frère, Max, né le 24 mai 1915 dans cette même commune. 

L’atelier de chaudronnerie en fer à Quatre Mares).

Son père travaille comme employé aux chemins de fer de l’Etat, et la famille est domiciliée au n° 5 au lieu-dit Frouin à Périssac en 1921.
En octobre 1925, François Pelletan entre comme apprenti aux chemins de fer de l’État.
François Pelletan est cheminot, ajusteur-mécanicien aux ateliers de Quatre-Mares à Sotteville-lès-Rouen (son matricule à la SNCF est le n° 44.460).
Il est membre du Parti communiste et adhérent à la CGT, selon Louis Eudier, rescapé du convoi.

Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dès le 31 août 1940 les Allemands arrêtent des otages au Trait et à Duclair à la suite de sabotages de lignes téléphoniques. A partir de janvier 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes.
Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.

Le 30 août 1941, à Rouen, François Pelletan épouse Solange, Marie, Huguette Foucault. Elle est née le 4 février 1904 à Poitiers (Vienne).

La caserne Hatry à Rouen

François Pelletan est arrêté fin octobre 1941, probablement le 21 ou le 22 (Maurice Choury indique cette dernière date pour les arrestations des cheminots de Quatre-Mares (2).
Le 17 septembre 1941, des tracts communistes sont distribués aux ateliers SNCF des Quatre-Mares. Plusieurs anciens militants communistes sont arrêtés entre le 21 et le 27 octobre et détenus à la caserne Hatry de Rouen. Ils sont interrogés par les Allemands qui ont demandé à être assistés par des inspecteurs du commissariat spécial de Rouen et le commissaire de police de Sotteville.

Les hommes accusés d’être les auteurs de la distribution de tracts sont Auguste Bérault, Gérard Marti et François Pelletan. Le commissaire de police de Sotteville fait incarcérer Auguste Bérault (3) le 26 octobre, Gérard Marti et François Pelletan le 28 octobre 1941.
Les deux hommes sont remis aux autorités allemandes comme otages à la demande des Allemands.
Cette désignation comme otage est ordonnée avec celle d’autres cheminots de Sotteville (
Henri Breton, André Poirier, Marius Vallée…) par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly).
Lire dans le site
Le « brûlot » de Rouen.
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre.
Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Le Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. La moitié d’entre eux d’entre eux seront déportés
à Auschwitz.  

François Pelletan reçoit  à Compiègne le numéro matricule « 2091 ». Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi.
Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, François Pelletan est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. 

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 450 00 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Les barbelés d’Auschwitz I © Claudine Cardon- Hamet

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45959» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

François Pelletan meurt à Auschwitz le 1er septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 916).

La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès, arrêté du 8 juillet 1996 paru au Journal Officiel du 27 août 1996. Cet arrêté porte toujours la date fictive du 31 octobre 1942 : il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans le «Death books» (qui correspond au registre d’état civil  d’Auschwitz) et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.

François Pelletan est homologué  «Déporté Politique» le 31 janvier 1948 et déclaré «Mort pour la France» le 4 février 1948.
La carte de déporté est attribuée à « madame Pelletan (…) Paris VIIème« .
Le nom de François Pelletan est inscrit sur le monument située  dans le hall de la gare SNCF de Rouen «A la mémoire des cheminots du centre de
Rouen morts par faits de guerre, fusillés ou morts en déportation – 1939-1945
».

Son nom est cité sur le site Internet du «Groupe Archives Quatre Mares» comme étant inscrit sur les monuments aux fusillés ou victimes de la déportation des établissements S.N.C.F. de Sotteville-lès-Rouen.

Mémorial PCF Rouen © Thierry Prunier / Mémorial Genweb.

Son nom est également honoré sur le monument installé dans la cour de la fédération du PCF de Seine Maritime (33, place Général de Gaulle, Rouen) : avec ce poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) qui accompagne les noms de 218 martyrs « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’ESPOIR et le Désespoir ». Mémorial du PCF à Rouen, Relevé Thierry Prunier.

  • Note 1 : Daniel Nagliouck, militant communiste déporté lui aussi le 6 juillet 1942, habite cet immeuble au moment de son arrestation
  • Note 2 : Son arrestation a sans doute lieu le 21 octobre 1941. En effet, les militants
    portant à Compiègne des numéros matricules voisins de celui de François Pelletan (2091) ont tous été arrêtés le 21 octobre et sont tous de la région rouennaise : Albert Valette de Malaunay (2088), Léon Poyer de Maromme (2090), Gérard Marti d’Oissel (2092), Daniel Nagliouk de Rouen (2093) pour lequel la date du 21 octobre figure sur sa fiche d’otage…
  • Note 3 : Auguste Bérault est né le 11 février 1888 à Paris, il est tourneur à Sotteville. Il est déporté le 24 janvier 1943 à Sachsenhausen (matricule 59071). Il est affecté au Block 6 KL. Auguste Bérault meurt le 10 avril 1945.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela Défense, Caen. Fiche
    individuelle consultée en février 1992.
  • © Informations et photo des ateliers de Quatre-Mares in Site Internet du Groupe Archives Quatre Mares, L’Histoire des Ateliers de Quatre Mares
  • Listes de déportés de Seine-Maritime établies à son retour de déportation par Louis Eudierin «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
  • Liste «de noms de camarades du camp de Compiègne», collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800). (DAVCC) Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Photo des barbelés d’Auschwitz : Claudine Cardon-Hamet.
  • © Site Internet «Mémorial-GenWeb». Relevé Daniel Robbe.
  • © Site Internet «Légifrance.gouv.fr»

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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