Matricule « 46 125 » à Auschwitz

René talbot est candidat au conseil général en 1937
René Talbot : né à Maulévrier (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; domicilié au Trait (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; ajusteur ; communiste ; prisonnier de guerre libéré en 1941 ; arrêté comme otage dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941 ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 4 août 1942.

René Talbot est né le 5 novembre 1905 à Maulévrier (Seine-Inférieure / Seine-Maritime ), qui s’appelle «Maulévrier-Sainte-Gertrude depuis le 31 mars 1965.  Il habite rue «Petites-Nantes» au Trait (Seine-Inférieure / Seine-Maritime ), au moment de son arrestation.
Il est le fils de Françoise, Julia Lanée, 25 ans, domestique et de Pierre, Albert Talbot, 25 ans également domestique. Tous deux habitent à Tourny, après leur mariage en 1904. René Talbot un frère cadet, Robert, né le 19 avril 1910.

Le 5 novembre 1927 à Barentin
(Seine-Inférieure) René Talbot épouse Léonie, Marie Alphonsine Duchesne. Le couple a deux enfants, dont Renée (ils sont âgés de 15 et de 6 ans en décembre 1941).
Robert Talbot est ajusteur au chantier naval du Trait, « Chantiers et Ateliers de la Seine Maritime« , qui est le nom du chantier naval du Trait (CASM). Les fondateurs du chantier l’ont appelé ainsi par allusion au fleuve navigable. C’est pourquoi il l’ont écrit sans trait d’union entre Seine et Maritime.
René Talbot est membre du Parti communiste et de la CGT. 

L’Humanité du 8 octobre 1937

En octobre 1937, il est présenté par le Parti communiste aux élections au Conseil général, pour le canton de Doudeville (Seine-Inférieure). Au premier tour le candidat URN est élu avec 771 voix, le conseiller sortant UDCS est battu avec 493 voix, le candidat SFIO a 177 voix, et René Talbot recueille 32 suffrages (in Journal de Rouen du 11 octobre).

Mobilisé en 1939 avec le grade de sergent de réserve, René Talbot est fait prisonnier de guerre et il est libéré le 5 avril 1941, selon sa fille Renée, à la demande des chantiers de la CASM, où il reprend son emploi.

Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.

Sous la direction de Louis Lecoq, René Talbot fait partie d’un groupe de résistance au Petit-Quevilly, avec Roger Girod, Louis Debord, Maurice Leclerc, Thomasini, René Demerseman et Adam Lefranc : «Comme il existait un dépôt de munitions de l’armée allemande sur la commune de Sainte-Marguerite-sur-Duclair, j’avais décidé de la faire sauter avec mes collègues. Je ne sais pas si nous avons été vendus, toujours est-il que le 21 octobre 1941, les gendarmes de Duclair sont venus nous arrêter à nos domiciles» (Louis Lecoq, rescapé du convoi des 45.000).

René Talbot est arrêté à son domicile par la gendarmerie de Duclair dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941. «Mon père est arrêté en pleine nuit, très brutalement, avec des paroles cruelles envers ma mère qui pleurait, je ne l’oublierais jamais», écrit sa fille.
La famille a pensé à une dénonciation. En réalité son arrestation comme otage est ordonnée par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly).
Lire dans le site
Le « brûlot » de Rouen.
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre. Écroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le
Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. La moitié d’entre eux seront déportés à Auschwitz.

Le 11 mars 1942, son frère Robert est lui aussi  arrêté à son domicile par la Feldgendarmerie, pour possession d’un fusil de chasse caché dans sa cave. Il est  conduit au Palais de Justice de Rouen (il s’agit cette fois là peut-être d’une dénonciation car les Feldgendarmes sont allés directement à l’endroit où se trouvait l’arme).
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, René Talbot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. 

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

René Talbot est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46 125» selon la liste dite N°3 (DAVCC).

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 524 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

© Photo des barbelés d’Auschwitz : Claudine Cardon-Hamet.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

René Talbot est affecté au camp principal d’Auschwitz.

Dessin de Franz Reisz, 1946

René Talbot meurt le 4 août 1942 d’après la liste établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Il aurait été atteint de dysenterie infectieuse.

Sa fille madame Renée Sauzereau rapporte que selon un survivant (sans doute Louis Lecoq) il aurait été achevé à coups de crosse dans un caniveau.

René Talbot est déclaré «Mort pour la France» en 1963.
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès paru au Journal Officiel n° 251 du 28 octobre 1999, acte de décès qui porte la  mention : décédé le 31 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne).
Il est homologué «Déporté politique» (Rouen le 30 avril 1949, n° 1170302).
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune.

Sources 

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles et rempli par sa fille, Madame Renée Sauzereau, le 6 juin 1992
  • Décédés du convoi de Compiègne en date du 6/7/1942. Classeur Ausch. 1/19,liste N°3(Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère dela Défense, Caen).
  • Liste de déportés de Seine-Maritime établies à son retour de déportation par Louis Eudier in «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
  • Liste de militants de la CGT fusillés ou déportés pour leur action dans la Résistance établie par la CGT de Seine Maritime.
  • Témoignages de Lucien Ducastel et de René Demerseman, rescapés du convoi.
  • Témoignage de son épouse (par téléphone) le 3 mai 1992.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946). 
  • Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.     
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
  • Renseignement de la Mairie du Trait le 26 mai 1992.
  • © Photo des barbelés d’Auschwitz : Claudine Cardon-Hamet.
  • Courriel de M. Laurent Quevilly (juin 2016), que je remercie pour ses précisions sur le CASM.

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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