Pierre Raunier, in brochure « Ivry fidèle à la classe ouvrière et à la France »

Matricule « 46.034″ à Auschwitz

Pierre Raunier : né en 1920 à Pouru-Saint-Rémy (Ardennes) ; domicilié à Ivry-sur-Seine (Seine - Val-de-Marne) ; mécanicien auto ; jeune communiste ; arrêté le 6 octobre 1941 ; arrêté comme otage le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt. 

Pierre Raunier est né le 7 novembre 1920 à Pouru-Saint-Rémy (Ardennes). Il est célibataire, et habite chez ses parents (au 3, rue Jean Dormoy à Ivry-sur-Seine (Seine – Val-de-Marne), puis au 173, route Stratégique à Ivry (appartement 294).
Il est le fils de Louise Métens, née le 12 mars 1895 à Pouru-Saint-Rémy, giletière (décédée en 1983) et Joseph Raunier, né en 1898, à Gignac (Hérault), employé des Chemins de fer, son époux. Ses parents se sont mariés le 18 mai 1920.
Il a une sœur, Solange, née en 1922 à Pouru-Saint-Rémy, un frère, Jules, né en 1923 à Floing (Ardennes) et une autre sœur, Fernande, née à Floing en 1925. La famille s’installe à Ivry.
L’ensemble des HBM construites sur cette voie par la Société des logements économiques et familiaux à partir de 1928 compte 1032 habitants en 1938.

Les jeunes du 173 ©  Claude Bézard

Les jeunes des HBM du 173, route stratégique, ont constitué une équipe de football, au sein de laquelle figurent des membres des jeunesses communistes (photo collection Claude Bézard, frère de Roger Bézard). Son camarade Guy Gratiot habite l’appartement voisin n° 295.

Pierre Raunier est mécanicien-automobile avec son frère Jules, lui aussi mécanicien au garage Citroën d’Ivry, 63, route de Chany.  Il participe aux manifestations du Front populaire avec la Jeunesse communiste.

Son nom est mentionné sur sa fiche de police établie par le commissariat d’Ivry en 1940, avec les deux croix rouges attribuées aux «militants notoires et propagandistes».
Registres et fiche de police : lire l’article du site Le rôle de la police française dans les arrestations des «45000».

Fiche de police / commissariat d’Ivry

Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Pendant l’Occupation, il est de ceux qui reconstituent clandestinement la cellule du Fort du Parti communiste, dont Jean Le Galleu est le responsable. Ils se réunissent chaque jeudi soir « à 21 h 30 » dans les fossés du Fort.

Sans doute à la suite de filatures opérées par des inspecteurs de la Brigade spéciale des Renseignements généraux (Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux), Pierre Raunier est arrêté le 3 septembre 1941 pour infraction au décret du 26 septembre 1939 interdisant les organisations communistes. Onze autres jeunes militants d’Ivry sont arrêtés en même temps que lui – dont Raymond Blais, Guy Gratiot, qui seront déportés avec lui à Auschwitz – le frère de Pierre Raunier (Jules), Jean Le Galleux, responsable de la cellule (déporté à Mauthausen le 22 mars 1944, rescapé) et Roger Bézard qui sera torturé en 1944 et mourra des suites de ses blessures. Sept d’entre eux sont domiciliés dans les HBM du 173, route stratégique. Ils ont entre 17 et 24 ans. Les inspecteurs ont trouvé un revolver Colt au domicile de l’un d’eux. Quatre autres « mis en cause » habitant le 173, n’ont pu être arrêtés à cette date.

Fiche de Jules Raunier / commissariat d’Ivry

Son frère, Jules Raunier, qui est aussi membre des Jeunesses communistes est arrêté pour les
mêmes motifs (il a lui aussi les deux croix rouges attribuées aux «militants notoires et propagandistes»).

Ecroués au Dépôt de la Préfecture, ils bénéficient d’un non-lieu le 15 et sont relâchés le
16 novembre 1941 : de nombreux habitants des immeubles HBM du «173» ont pétitionné
pour obtenir leur libération qui intervient quelques jours plus tard.

Pierre Raunier est arrêté de nouveau – comme otage – le 28 avril 1942 par la police allemande, aidée de la police française, lors d’une rafle organisée par l’occupant dans tout le département de la Seine, à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu
au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff). Les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages et procèdent à une rafle en région parisienne (387 arrestations) qui touche pour l’essentiel des militants arrêtés une première fois par la police française pour activité communiste depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939) ou l’armistice et libérés à l’expiration de leur peine. Ils sont vraisemblablement destinés à la déportation.

Pierre Raunier est arrêté en même temps que les frères Blais, François Le Bris et Omer Proust, tous d’Ivry, et ils sont tous internés le même jour – le 28 avril 1942 – au camp de détention allemande de Royallieu à Compiègne, gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122). Un mois après son arrestation, Pierre Raunier écrit à sa famille pour qu’on lui envoie des vêtements chauds pour aller travailler dans un camp. Lorsque son père peut venir les lui apporter, le convoi est déjà parti.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Pierre Raunier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

 Pierre Raunier est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46034» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

On ignore la date exacte de son décès à Auschwitz : on sait seulement par un des registres d’Auschwitz qu’il a été admis dans un des Blocks d’infirmerie en 1942 (liste T3). Après la guerre, l’état civil français n’ayant pas connaissance de sa déportation fixe son décès au 6 juillet 1942 à
Compiègne (date du départ du convoi). La mention «Mort en déportation» est apposée depuis sur son acte de décès (arrêté du 2 décembre 1996 paru au Journal Officiel n°42 du 19 février 1997) avec la correction réglementaire de 5 jours reconnaissant sa déportation «décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise)».

Il est homologué au grade d’adjudant FFI au titre de la Résistance Intérieure Française. Il est homologué «Déporté politique» en 1950. Son nom
(orthographié Raumier) est inscrit sur le livre d’or de la Mairie (Déportés, internés, fusillés et morts aux combats).

  • Note : Son nom a été orthographié de manière différente selon les sources : il est orthographié Raumier dans la brochure d’Ivry et certaines listes de la FNDIRP, Rannier selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz, ou Raunier, orthographe qui correspond à son véritable état civil et à l’ordre alphabétique des immatriculations enregistrées par les Allemands à Auschwitz le 8 juillet 1942, ainsi qu’au registre de l’infirmerie d’Auschwitz (Raunier Peter).
  • Note 2 : Guy Gratiot et Raymond Blais, arrêtés eux aussi le 28 avril 1942, seront  déportés à Auschwitz. Roger Bézard sera torturé en 1944 et mourra des suites de celles-ci.

Sources

  • Bulletin municipal : Ivry Ma Ville n° 2012, p 7.
  • Ivry fidèle à la classe ouvrière et à la France, supplément au numéro 1319 du Travailleur d’Ivry brochure, 120 pages, Ivry, 1970 : photo p. 95.
  • Correspondance avec Madame Jeannine Zaidner, maire-adjointe (7-12-1992).
  • Mme Michèle Rault (archives municipales 1988, 1992, 2007).
  • Archives de Caen du ministère de la Défense(archives du
    ministère des Anciens combattants et victimes de guerre
  • Liste – incomplète – par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat
    d’Auschwitz-Birkenau) et liste des détenus ayant été soignés à l’infirmerie
    d’Auschwitz).
  • ©«Ardenne tiens-ferme», les ardennais du convoi des «45000».
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des
    détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Photo des barbelés d’Auschwitz : Claudine Cardon-Hamet.
  • © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
  • © Site Internet «Légifrance.gouv.fr»
  • © Ivry94.fr, le portail citoyen de la ville d’Ivry-sur-Seine.
  • © Photo  HBM route Stratégique et infos :Bulletin municipal n° 427.
  • Service des Archives municipales, esplanade Georges Marrane.

Notice biographique complétée en 2012, 2015 et 2022 (rédigée en 2003), par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6
juillet 1942 dit des «45000
», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce
site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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