Raymond Blais, In « Ivry fidèle à la classe ouvrière et à la France »

Matricule « 45.252 » à Auschwitz

Raymond Blais : né en 1922 à Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne), où il est domicilié ; radio-électricien ; jeune communiste ; arrêté le 3 septembre 1941 ; relaxé ; arrêté comme otage le 28 avril 1942 ; ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.

Raymond Blais est né le 12 mai 1922 à Ivry-sur-Seine. Il est le fils d’Hélène Lebailly, née le 9 mars 1888 à Tinchebray (Orne), une des cadettes d’une famille de 6 enfants, et d’Eugène Blais son époux, charretier puis employé municipal. Ses parents se sont mariés le 18 mars 1906.
Raymond Blais est né au sein d’une famille nombreuse, de militants communistes, qui habite au 1, impasse du Moulin à vent à Ivry (Seine-Val-de- Marne) au moment de l’arrestation des deux frères, Raymond et Robert.
Leur père, Eugène Blais, né le 6 août 1884 à Livarot (Calvados), charretier puis employé communal, était avant la guerre de 1939/1940 membre du sous-rayon d’Ivry et du 4ème rayon de la Région parisienne du Parti communiste.
Raymond Blais est l’un des cadets d’une fratrie de neuf enfants (Cécile, née à Vire (Calvados) en 1906, Eugène, né à Bréançon (Seine-et-Oise / Val d’Oise) en 1908, Anna, née à Harravilliers (Seine-et-Oise / Val d’Oise) en 1910, André, né à Paris 9ème en 1912, Robert, Victor, né à Ivry en 1914, Adolphe, né à Ivry en 1917, Georges, né à Ivry en 1919, Raymond,
Louis
, né en 1922 à Ivry, et Suzanne, née à Ivry en 1925.
En 1921 la famille Blais habite au 9, rue du Bocage à Ivry. Le père et la mère sont charretiers. Cécile est employée, au chômage.
Ils vont ensuite, avant 1926, déménager au 1, rue du Bocage à Ivry. En 1936, ils ont encore cinq enfants à habiter chez leurs parents. Andrée est cartonnière, Adolphe est mécanicien, Georges est apprenti boulanger, et Suzanne est écolière.
Raymond Blais est apprenti électricien, puis il est embauché comme apprenti radio-électricien en 1937 aux établissements Radiel d’Ivry. Raymond Blais est membre des Jeunesses communistes.
Raymond Blais est aussi adhérent à l’Union Sportive du Travail d’Ivry, club affilié à la FST (ancêtre de la FSGT), comme Alexis Chaussinand et  Auguste Deshaies, tous deux déportés avec lui à Auschwitz, mais également comme d’autres jeunes sportifs du club qui seront également déportés comme Jacques Deshaies (fils d’Auguste), Jules Vanzuppe ancien conseiller municipal et 14 autres membres du club, morts dans les camps français ou déportés en Allemagne.

Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Fin juin, le fort d’Ivry est occupé par l’armée allemande, la Maison de santé et de nombreux logements sont réquisitionnés. L’armistice est signé le 22 juin.  Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Fiche de police du commissariat d’Ivry. Musée de la Résistance nationale

Pendant l’Occupation, sans doute à la suite de filatures opérées par des inspecteurs de la Brigade spéciale des Renseignements généraux (Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux), Raymond Blais est arrêté le 3 septembre 1941 pour infraction au décret du 26 septembre 1939 interdisant les organisations communistes. 11 autres militants d’Ivry sont arrêtés en même temps que lui – dont Guy GratiotPierre Raunier,qui seront déportés avec lui à Auschwitz – le frère de Pierre Raunier (Jules), Jean Le Galleux, responsable de la cellule (déporté à Mauthausen le 22 mars 1944, rescapé) et Roger Bézard qui sera torturé en 1944 et mourra des suites de ses blessures. Sept d’entre eux sont domiciliés dans les HBM du 173, route stratégique. Ils ont entre 17 et 24 ans. Les inspecteurs ont trouvé un revolver Colt au domicile de l’un d’eux. Quatre autres « mis en cause » habitant le 173, n’ont pu être arrêtés à cette date.
Le chef d’inculpation est d’avoir participé à la «reconstitution de la cellule clandestine du Fort» et distribué à la population des tracts édités par le « Front national de lutte pour l’indépendance de la
France
 » (fiche de police ci-contre établie par le commissariat d’Ivry, en date du 6 septembre 1941). Lire sur celle-ci l’article Le rôle de la police française. et  Fiches et registres de la police française dans la répression anticommuniste et la «politique des otages» : l’exemple d’Ivry et Vitry

Une perquisition (infructueuse) est effectuée au domicile de ses parents le 5 septembre. Raymond Blais est écroué au dépôt de la Préfecture de police de Paris, puis bénéficie d’un non-lieu.
Raymond Blais est arrêté une nouvelle fois, comme otage communiste, le 28 avril 1942 à son domicile, avec son frère Robert par la police allemande, aidée de la police française, lors d’une rafle organisée par l’occupant dans tout le département de la Seine, à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff). Les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages et procèdent à cette rafle (387 arrestations) qui touche pour l’essentiel des militants arrêtés une première fois par la police française pour activité communiste depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine et qui sont vraisemblablement destinés à la déportation.
Raymond Blais est arrêté en même temps que son frère Robert, François Le Bris, Omer Proust et Pierre Raunier, tous d’Ivry.
Raymond Blais est conduit ce même 28 avril 1942, au camp de détention au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122).  A Compiègne, il reçoit le matricule « 4035 » et est affecté au bâtiment C1.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Raymond Blais est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45252» selon le site du Mémorial et Musée d’Auschwitz-Bikenau (son frère Robert reçoit le numéro 45253).
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

La liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz indique en face du numéro 45252 (dont le nom n’est pas indiqué) la date de décès du 14 novembre 1942.
Cette date correspond au souvenir de René Besse «45240» et de Jean Thomas «46164» pour lesquels Raymond Blais est mort dans les mois qui ont suivi l’arrivée du convoi.

Après la guerre, l’état civil français fixe sa date de son décès au 15 décembre 1942. Raymond Blais a été déclaré « Mort pour la France» en 1949. Raymond Blais est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes  GR 16 P 62208
Il est homologué la même année au grade de Sergent au titre de la Résistance Intérieure Française. Le titre de «Déporté politique» lui est attribué le 3 janvier 1955. La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès porte la date du 15 décembre 1942 (arrêté du 24 juillet 1987 paru au Journal Officiel du 10 septembre 1987).
Son frère Robert, déporté avec lui, meurt à Auschwitz le 19 septembre 1943.
Le conseil municipal donne le nom de Raymond Blais et de son frère Robert à l’impasse du Moulin à vent où ils avaient vécu, qui devient la « rue des Frères Blais« .

Sources

  • Supplément au numéro 1319 du « Travailleur »

    «Ivry fidèle à la classe ouvrière et à la France» page 110, supplément au «Travailleur d’Ivry» N°1319  (photo p. 93, épreuve papier au Musée de la Résistance nationale de Champigny).

  • Liste «de noms de camarades du camp de Compiègne», collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800) (DAVCC).
  • Listes – incomplètes – du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (archives des ACVG / DAVCC).
  • © Mémorial et Musée d’Auschwitz-Birkenau (Raymond orthographié Rajmund).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le
    Maitron
    , Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997.
  • © Site Internet «Légifrance.gouv.fr»
  • © Ivry94.fr, le portail citoyen de la ville d’Ivry-sur-Seine.
  • Matricule à Compiègne : Lettre à sa famille, service des Archives municipales, esplanade Georges Marrane.
  • © Fiches de police des commissariats d’Ivry et Vitry / Musée de la Résistance Nationale à Champigny : tous mes remerciements à Céline Heyten.
  • Archives de la Préfectures de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.

Notice biographique rédigée en 2003, installé en 2012 mise à jour en 2015, 2020 et 2022, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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