Georges Le Bigot : né en 1899 à Villejuif (Seine / Val-de-Marne), où il habite ; commis de mairie, permanent du Parti communiste ; militant syndical ; maire adjoint, conseiller général, puis maire de Villejuif ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné au camp d’Aincourt, aux maisons centrales de Fontevraud, de Clairvaux et de Gaillon, interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 11 septembre 1942.
Georges Le Bigot est né le 11 février 1899 à Villejuif (Seine / Val-de-Marne) où il est domicilié au 1, rue Pierre Curie au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Adèle, Pauline Loury, 28 ans, sans profession et de François, Léon Le Bigot, 32 ans, employé son époux. Ils habitent au 9, rue de l’Haÿ. Il a eu cinq frères et une sœur : Juliette (1892-1990), Gustave dit Henri (1892-1971), Eugène (1896-1900), Maurice (1900-1935), André (1910-1993).
« Georges Le Bigot passa toute son enfance à Villejuif : son père François Le Bigot, originaire de l’Eure-et-Loir, contrôleur à la Compagnie du Gaz, fut conseiller municipal radical de la commune puis adjoint avant 1921, date à laquelle il démissionna ; sa mère fut tour à tour nourrice et couturière. Il poursuivit ses études à l’école primaire supérieure (deux ans) de cours complémentaire et un an d’Ecole Primaire Supérieure) et entra comme petit commis à la mairie de Gentilly en 1915 ». (Le Maitron).
Entre 1916-1917, il travaille à la mairie de Villejuif. Conscrit de la classe 1919, (matricule 4868), il devance l’appel le 9 janvier 1918, et signe un engagement volontaire. Il est affecté au 8è régiment d’artillerie de Nancy qui est engagé à Verdun, puis en Picardie, en Flandres et sur l’Escaut. Son régiment est cantonné à Nancy, Toul et Lunéville en 1919, puis en occupation de la Sarre du 21 juin au 28 juillet. En 1920 son régiment occupe Francfort. Le 9 janvier 1921, il est démobilisé avec le grade de brigadier artilleur.
Il travaille alors à la mairie d’Arcueil (1921-1926), puis à nouveau à celle de Villejuif (1926-1929) « acquérant des connaissances administratives qui devaient, par la suite, lui être d’un précieux secours » (Le Maitron).
En 1923, Georges Le Bigot devient secrétaire administratif du Syndicat unitaire des employés et ouvriers des communes de la Seine, puis en est élu secrétaire général (responsabilité qu’il occupera jusqu’en 1928).
Le 21 mars 1924 Georges Le Bigot épouse à Villejuif Jeanne Falloux, relieuse ou brocheuse. Elle est née le 4 octobre 1902 à Paris 14è (1902-1989).
Il participe au IIIè congrès national de la C.G.T.U. en 1925, qui se tient à Paris salle du Chaumont-Palace, du 26 au 31 août 1925. L’ordre du jour est particulièrement significatif : Unité syndicale, lutte contre le fascisme, stratégie des grèves et solidarité, main d’œuvre étrangère.
On trouve le détail de ses votes en tant que mandant des communaux de la Seine (page 491 du compte rendu sténographique du congrès).
« Délégué par ses camarades syndiqués, au cours de l’été 1925, il se rendit en Union soviétique et, à son retour, adhéra au Parti communiste, en décembre. En 1927, il entra à la commission exécutive de la Fédération unitaire des Services publics. Il fit un autre voyage en URSS en 1931 et cosigna avec Chauvel et Gerbois une brochure intitulée : Ce que nous avons vu en URSS » (Le Maitron).
Il est, en 1927, membre de la Commission exécutive de la Fédération unitaire des Services Publics.
Georges Le Bigot est membre du Parti communiste depuis décembre 1925, et il devient membre du comité régional du Parti communiste.
« Employé à la mairie de sa commune natale, Georges Le Bigot participa alors activement à la gestion de la première municipalité communiste que Gaston Cantini avait enlevée en mai 1925 et accepta même d’être délégué sénatorial en janvier 1927 » (Le Maitron).
« Il était également avec Albert Vassart, secrétaire de rédaction de « l’Information municipale ». (IHOVAM 94).
Georges Le Bigot est élu conseiller municipal en 1929, en troisième position sur la liste de Paul Vaillant-Couturier (1), et devient alors deuxième adjoint. Il a du abandonner son emploi de secrétaire de mairie pour être éligible : « Devenu permanent du Parti communiste, il s’imposa comme la véritable cheville ouvrière du conseil. II fut membre du bureau de l’Union des municipalités communistes et du comité régional Sud. Il fut celui qui anima, en 1934, les premières rencontres locales entre le Parti socialiste et le Parti communiste » (Le Maitron).
Avec Vaillant-Couturier, les nouveaux élus vont insuffler une nouvelle dynamique à l’urbanisation et à l’équipement collectif de Villejuif (création du dispensaire de l’avenue de Paris, stade de l’avenue Karl-Marx, bains-douches de la rue Jean-Jaurès. Inauguration du boulevard Maxime-Gorki, en présence d’André Gide. Et inauguration de l’école Karl-Marx (aujourd’hui classée monument historique) toute de béton et en verre dont l’architecte est André Lurçat.
Le couple Le Bigot a une fille, Dounia, qui nait le 20 avril 1932.
Cette même année 1932, Georges Le Bigot visite avec Paul Vaillant-Couturier la propriété des Bernardoux près de Marsac-sur-l’Isle en Dordogne, que la municipalité vient d’acquérir pour en faire une colonie de vacances. Après l’émeute fasciste du 6 février 1934 à Paris qui a tenté de prendre d’assaut l’Assemblée nationale, le PC et la CGTU organisent une manifestation le 9 février. La répression policière fait 9 morts. La CGT appelle à une grève générale antifasciste et pour la défense de la République pour le 12, relayée par la SFIO.
Le PCF décide d’appeler à y participer. Georges Le Bigot est blessé : « Il fut blessé le 12 février 1934, assailli par la police, menacé par une arme à feu qui tira en l’air, alors qu’il attendait pour se rendre à la manifestation du cours de Vincennes. Hospitalisé, il porta plainte » (Le Maitron). Cet événement est rapporté à la une de « Front Rouge » du 17 février, qui précise que l’agression a eu lieu à Villejuif, alors qu’il attendait les ouvriers communistes et socialiste de l’Haÿ-les-Roses pour se rendre avec eux à la manifestation au Cours de Vincennes.
Le 15 octobre 1934 Georges Le Bigot habite au 1, rue Pierre Curie à Villejuif.
Le 5 mai 1935, il est réélu conseiller municipal, et il est désigné comme premier adjoint.
En juin 1935 il est élu conseiller général de la seconde circonscription du canton de Villejuif.
Il bat le conseiller sortant, Georges Gérard, maire SFIO du Kremlin-Bicêtre (ayant fait allégeance à Pétain, nommé conseiller général en 1942, Gérard sera abattu à la Libération – dans son bureau à la mairie – par des résistants).
A peine élu, il intervient au Conseil général sur de nombreux sujets, dont ceux qui concernent directement Villejuif, comme la viabilisation de la déviation de Villejuif.
1936 : Pendant le Font Populaire, il est très présent aux côtés des travailleurs en grève. Sur la coupure de journal ci-contre (in « Front Rouge » du 27 juin 1936), on le voit saluer la lutte des 700 travailleurs en grève de chez Géo, lors de la Kermesse de Villejuif. Derrière lui, la banderole du comité de grève de chez Olida.
1937 : Au Conseil général de la Seine, il soulève la question des terrains de la « Belle Epine » à Thiais, achetés au prix fort par le Conseil général pour un premier lot de70 hectares en 1927 auprès de M. Thirouin, conseiller municipal de Rungis, puis pour un deuxième lot de165 hectares auprès d’une société, La Nouvelle ville de Rungis, créée par MM Adler et Heckly à deux fois le prix des terrains.
L’objectif était de bâtir à La Belle Epine une « cité satellite » de Paris. Le contrat signé par le Conseil général de la Seine avec la Société La Nouvelle ville de Rungis, faisait reporter tous les frais sur le Conseil général (viabilisation, canalisations, alimentation eau et gaz, transports pour une population d’environ 30.000 habitants) et le coût étant exorbitant, le projet est sans cesse reporté. Georges le Bigot, expose dans un article paru dans « Front Rouge » du 12 février 1937, les arguments qu’il a présentés au nom de la fraction communiste pour que ces terrains en friche soient mis à disposition des sociétés sportives de Paris et de la banlieue. La proposition est acceptée. Il fait des propositions précises au Conseil général de la Seine concernant l’aménagement de terrains de sports à La Belle-Epine (plusieurs stades, vestiaires, douches).
Sur la photo ci-contre (reproduite dans « Front-Rouge » du 27 février 1937), il visite avec Georges Maranne, des représentants de la FSGT et des architectes, les terrains de potentielles implantations.
Au conseil général de la Seine, il fait partie des commissions “Assistance aux vieillards et aliénés”, “Hygiène et police” et “Assainissement”.
Georges Le Bigot succède à Paul Vaillant-Couturier comme maire le 15 novembre 1937 après le décès de celui-ci survenu le 10 octobre 1937.
Louis Doly est premier adjoint et Gaston Cantini (ancien maire de 1926 à 1929) deuxième adjoint.
Georges Le Bigot est mobilisé le 14 septembre 1939 après la déclaration de guerre. Il rejoint son unité stationnée en Seine-et-Marne à Coulommiers au « 220è Régiment Régional de Travailleurs » (2).
Les Régiments Régionaux de série 220 ont été réservés à des mobilisables qui n’étaient pas en odeur de sainteté (on pense d’abord aux communistes).
Louis Aragon décrit son 1er Bataillon du 220è RRT, stationné à Crouy-sur-Ourcq à 5 km de May-en-Multien où est stationné la compagnie de Georges Le Bigot, équipé pour tout uniforme « d’un bonnet de police et d’un brassard » recevant des suspects anarchistes, communistes mais aussi Russes blancs émigrés… et cagoulards).
Le 6 novembre 1939, le commissaire de Gentilly le signale au directeur des RG comme étant affecté au 220è RRT, 8è compagnie, 4è section à May-en-Multien.
Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Ivry, Vitry et Villejuif les jours suivants. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Georges Le Bigot est démobilisé à Le Blanc, dans l’Indre, le 1er août 1940.
De retour à Villejuif, « Il fut sollicité dans le cadre du cours légaliste qui suivit l’entrée des troupes allemandes à Paris à l’été 1940, pour « reprendre » la mairie de Villejuif. Il refusa de réapparaître légalement sous le contrôle des Allemands. Fin août 1940 il fut vivement mis en cause par les responsables communistes : « Ils blâment LB en lui montrant que la population le réclame et qu’il ne fait pas son devoir de communiste ». Il affirma qu’il ne « comprenait pas la politique des Allemands à notre égard » faisant allusion aux contacts avec Abetz. La réunion conclut : « L.B. a une politique de lâcheté et de trahison » et lui demande de « remplir sa tâche d’élu sous peine de sanction ». Odette Janvier qui représentait la direction du parti dans cette réunion conclut : « Le Bigot a fait figure d’accusé et il n’est suivi par aucun camarade responsable de Villejuif » et le qualifie de « petit bourgeois égoïste » (Roger Bourderon, in La négociation, 228-230). Son refus de reprendre place « légalement » à la mairie, sous le contrôle des Allemands, relevait de l’antifascisme, mais il fut transformé dans la mémoire militante locale comme un refus de participer à la Résistance (Le Maitron).
Georges Le Bigot est arrêté le 5 octobre 1940 par la police française dans le cadre de la grande rafle (1) organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la région parisienne : les militants parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et sont emmenés par cars à Aincourt. Le préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevallier, exécute une rafle identique à celle de Paris dans son département. Au total, plus de 300 militants communistes, syndicalistes ou d’organisations dites «d’avant-garde», sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940. Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.
Pour Villejuif, les militants arrêtés sont des élus, responsables communistes et syndicalistes qui viennent d’être démobilisés : avec lui il y a Armand Gouret (« dit Négus », 57 ans, terrassier, syndicaliste connu. Militant communiste, « meilleur diffuseur « de « Front Rouge » en 1937. Interné à Aincourt et Compiègne, il est déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943. Il meurt à Dachau le 25 février 1945) ; Louis Dolly (maire-adjoint en 1939, il est interné aux camps d’Aincourt, Clairvaux, Châteaubriant, Voves. Il s’évade du camp de Pithiviers. Responsable du PCF du Doubs et de Meurthe-et-Moselle, il participe à la libération de Nancy. Maire de Villejuif de 1944 à 1977. Conseiller général) ; André Darondeau (militant communiste depuis 1925. Interné à Aincourt puis Compiègne. Déporté et mort à Auschwitz).
Sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940» reçue par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7).
Pour Georges Le Bigot on lit : « 41 ans. Ex conseiller général et maire de Villejuif. Principal animateur de la propagande clandestine locale ».
En décembre 1940 le CSS d’Aincourt est totalement rempli. Les autorités françaises examinent des solutions pour le désengorger : transfert des éléments les plus dangereux à Fontevraud le 4 décembre (1) et « transportation en Afrique du Nord (2).
Georges Le Bigot fait partie des « 100 communistes les plus dangereux » qui sont transférés le 4 décembre 1940 à la Maison centrale de Fontevraud (Maine-et-Loire), considérée comme la centrale pénitentiaire la plus dure de France, avec celle de Clairvaux. Quatre-vingt militants communistes – emprisonnés à Fresnes, la Santé ou Poissy avant la fin de la guerre, où ils purgeaient de lourdes peines de prison – y ont été incarcérés depuis juin 1940, devant l’avancée allemande.
Georges Le Bigot y côtoie Henri Asselineau qui sera déporté avec lui à Auschwitz, Gaston Bernard, Fernand Alby (maire du 13è à la Libération), Lucien Chapelain (maire adjoint communiste de Bondy), qui seront également déportés dans des camps de concentration allemands et qui témoigneront de la dureté du régime pénitentiaire à Fontevraud.
Georges Le Bigot est transféré à Clairvaux le 20 janvier 1941. Le groupe d’internés transite par les gares de Saumur et d’Austerlitz. Ils sont rejoints à la gare de l’Est par un groupe de 68 autres militants communistes arrêtés le jour même à Paris. A leur arrivée à « l’arrêt Clairvaux » de la gare de Ville-sous-la-Ferté, ils sont transférés à Clairvaux par rotations d’un unique wagon cellulaire, escortés par des gardes mobiles (souvenirs de Pierre Kaldor et d’Henri Hannart).
Lire dans le site : La Maison centrale de Clairvaux
A Clairvaux le directeur du camp reçoit le 26 février 1941, via le préfet de police de l’Aube, un courrier émanant du Préfet de police délégué (Camille Marchand) – une liste répertoriée « confidentiel » de militants internés le 20 janvier, dont le nom est accompagné des motifs de l’arrestation. Pour Georges Le Bigot ce sont les mêmes mentions qu’à Aincourt : « Ex conseiller général et maire de Villejuif. Principal animateur de la propagande clandestine locale».
Georges Le Bigot est transféré au CSS de Gaillon le 6 septembre 1941, sous le numéro de dossier 307.935.
Lire dans le site : la-Maison-centrale-de-Gaillon
Le 18 février 1942, dans un pli confidentiel adressé à M. Caumont, préfet délégué (directeur du secrétaire général pour la police), le Préfet de police de Paris, Roger Langeron l’informe d’un projet d’évasion révélé par ses services, dans lequel figure le nom de Georges Le Bigot et de 30 autres militants « en vue de mettre en application les directives données par les dirigeants communistes à l’évasion « même par la force » d’un certain nombre de militants actuellement internés dans les camps de concentration, les responsables chargés de ce travail procèdent actuellement à l’élaboration d’une liste sur laquelle figurent les internés considérés comme des militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion. Après une première sélection, les dirigeants communistes ont retenu les noms ci-après de plusieurs internés de la région parisienne et de la province, qui seraient actuellement détenus pour la plupart au camp de Gaillon dans l’Eure» (4).
Un mois avant – le 17 janvier 1942 – Roger Ginsburger s’est évadé de Gaillon. Roger Ginsburger alias Pierre Villon : lire sa notice dans le Maitron : VILLON Pierre [GINSBURGER Roger, Salomon, dit] .
Cette curieuse note peut soit révéler l’existence d’une « taupe » des RG au niveau de la direction nationale communiste, soit un « coup » monté par le préfet Langeron, qui est alors en disgrâce (il sera destitué par Vichy le 26 février 1941) afin de redorer son blason. Sur les 30 noms qui composent cette liste, 19 seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
La connaissance que nous avons de leurs biographies rend plausible un choix de caractère militaire « susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel » est il écrit dans la note. La plupart ont une trentaine d’années et ont été mobilisés en 1939. L’un d’entre eux, Marcel Boyer, d’Ivry, est un ancien commissaire politique des Brigades internationales en Espagne et on trouve sur la liste les noms de 8 militants d’Ivry ou Vitry internés à Gaillon, qu’il connaît bien. On note encore les noms de 5 militants de Suresnes et Colombes.
Georges Le Bigot qui est le plus âgé, a certes l’expérience militaire des deux conflits. Mais il a certainement été mis à l’écart par la direction clandestine à Aincourt à la suite du rapport d’Odette Janvier à la fin août 1940, et on ne voit encore moins la direction clandestine de la Région parisienne lui confier un rôle dans une évasion. Ce que la Préfecture ignore sans doute ! Tous les autres sont des militants provenant de villes différentes, sans liens particuliers entre eux, sans expérience militaire ou de membres de services d’ordre, ni les tout premiers responsables de l’appareil clandestin du PC. Il s’agit donc vraisemblablement d’une manipulation policière de Langeron.
Le 5 mars 1942, Georges Le Bigot est remis à leur demande aux autorités allemandes qui le transfèrent avec 15 autres internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122).
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Georges Le Bigot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Lire dans le site le récit du premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Le numéro « 45740 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Georges Le Bigot meurt à Auschwitz le 11 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 91) et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
Selon plusieurs témoignages il se serait jeté sur les barbelés d’Auschwitz en juillet 1942. Les témoignages d’Albert Rosse de Rosny et de Louis Lecoq du Trait en faisant état (« s’est suicidé à Auschwitz »), sont inscrits sur sa fiche individuelle au DAVCC.
J’ai recueilli également les témoignages de Gabriel Lejard, Georges Gourdon et d’Henri Peiffer, p. 77 de « Triangles rouges » : Chaque matin entre le réveil et l’appel, nous entendions des salves de mitrailleuses partant des miradors. C’étaient ceux qui se suicidaient en marchant vers les barbelés. Plusieurs Français l’ont fait. Parmi eux, Georges Le Bigot, ancien maire et conseiller général de Villejuif et Robert Philippot, ancien député d’Agen, découverts tous deux, un matin, tués par balles devant les barbelés.
Georges Le Bigot a été déclaré « Mort pour la France» le 19 octobre 1946.
Il a été homologué « Déporté politique ».
La brochure éditée par la Vie nouvelle sous l’égide de la municipalité et de la section communiste de Villejuif (29 septembre 1945) lui consacre une page entière (p. 24).
Une plaque commémorative et la rue centrale de Villejuif portent son nom.
En 1951 la cellule du PCF de la maison de retraite Emile Delande porte son nom, ainsi qu’une cellule locale dans les années 1960 (Mémoire pour demain).
« Son frère, André Le Bigot, né le 11 mai 1910 à Villejuif, employé, avait été un des animateurs de la grève de juin 1936 à La Samaritaine, reprit le flambeau après la guerre et fut, à son tour conseiller municipal de la commune à partir de 1953 et adjoint de Louis Dolly , maire communiste » IHOWAM 94.
En 2013, sur proposition de Mme Catherine Vieu-Charier, élue communiste, le Conseil de Paris ajoute le nom de Gorges Le Bigot et de Pierre Longhi (tous deux conseillers généraux de la Seine déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942) sur la plaque commémorative qui rappelait la mémoire de huit élus morts pour la France durant la dernière guerre : cinq conseillers municipaux de Paris et trois conseillers généraux de la Seine. Deux biographies succinctes de Georges Le Bigot et Pierre Longhi sont intégrées au projet de résolution.
Cette proposition de Mme Vieu-Charier fait suite à un colloque historique organisé par la Ville de Paris dans l’hémicycle, au cours duquel des historiens ont remarqué que deux élus, eux aussi morts pour la France, ne figuraient pas sur la plaque. « Afin de leur rendre hommage, il est proposé d’ajouter les noms de ces deux conseillers sur la plaque commémorative apposée dans la salle du Conseil de Paris » sur le mur de la salle du Conseil de Paris, face à la tribune. Texte de la délibération de septembre 2013 : « Article 1 : Est approuvée la proposition de M. le Maire de Paris d’ajouter les noms de deux conseillers généraux sur la plaque commémorative en hommage aux élus morts pour la France salle du Conseil de Paris à Paris 4e. Article 2 : Le texte de la plaque est complété par les noms des deux conseillers généraux : « Georges Le Bigot et Pierre Longhi ».
- Note 1 : Cinq fois condamné en raison de ses campagnes antimilitaristes, trois fois emprisonné, Paul Vaillant-Couturier est élu à Villejuif alors qu’il est détenu à la Santé. Une candidature imposée par la direction du Parti communiste qu’il a tenté- en vain – de refuser.
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Note 2 : note du 28 décembre 1940 « Ce centre étant entièrement rempli, j’ai dû, en présence de la nécessité de continuer les internements pour enrayer la propagande communiste, prendre la décision d’envoyer à la prison de Fontevrault les 100 plus dangereux, et notamment les anciens députés communistes, mais cette situation ne saurait s’éterniser, ces locaux ne pouvant, en aucun cas, continuer à servir de centre d’internement
Note 3 : Le préfet Ingrand représentant du ministre de l’Intérieur au sein de la délégation de Vichy auprès des Allemands à Paris, envisage la « transportation » des individus les plus dangereux du camp en Afrique du nord, suivant en cela les préconisations du cabinet De Brinon (1) : le 28 décembre 1940, note du cabinet de De Brinon au chef du 2ème bureau : « Jusqu’en novembre dernier, le seul camp dont la création avait été autorisée officiellement par les Autorités allemandes, était celui du sanatorium d’Aincourt, pouvant contenir environ 500 personnes et qui était uniquement destiné à recevoir les indésirables français de la Seine et de Seine-et-Oise. (…). J’ai demandé, à plusieurs reprises, que l’on envisage le transfert, en Afrique du Nord, des individus les plus dangereux qu’un coup de main pourrait facilement délivrer en raison des faibles moyens de gardiennage et de l’armement insuffisant du personnel ». En mars 1941, les communistes de Villejuif dénoncent ce projet dans le titre de « Front Rouge ».
Sources
- Notes manuscrites de Gilberte Le Bigot, belle-sœur de Georges Le Bigot qui fut déportée à Ravensbruck (1973).
- IHOVAM, « Entre hier et demain, écrire l’histoire sociale du Val-de-Marne aujourd’hui ». Président Claude Pennetier.
- Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition informatique 2012. Edition papier, tome 34, P. 22 (notices de Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule).
- « Villejuif à ses Martyrs de la barbarie fasciste », brochure éditée par la Vie nouvelle sous l’égide de la municipalité et de la section communiste de Villejuif (1945-1946). Imp. M. Boivent. Les documents ont été rassemblés par René Herz, employé à l’Asile, arrêté le 6 décembre 1940, et interné à Aincourt (collection Pierre Cardon).
- Marcelino Gaton et Carlos Escoda, Mémoire pour demain, Graphein, 2000.
- Villejuif à ses Martyrs de la barbarie fasciste. 50ème anniversaire de la Résistance (1940/1990).
- Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
- Fontevraud : archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- © Internés au camp de Gaillon / Archives de la Préfecture de police / BA 2374
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juin 1992.
- Témoignage d’Armand Saglier (1992).
- Gilberte et André Le Bigot, lettre à Roger Arnould (6 septembre 1972).
- © Site Internet Mémorial-GenWeb.
- © Site Internet Légifrance.gouv.fr
- © Site Internet Lesmortsdanslescamps.com
- © Site Les plaques commémoratives, sources de Mémoire.
- © Archives en ligne du Val de Marne.
- © Photo de wagon à Auschwitz, in Bulletin de l’Amicale des déportés tatoués du convoi du 27 avril 1944.
- © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
- © Google Maps.
- Résolution du Conseil de la ville de Paris, septembre 2013.
- Photos © Front Rouge, in archives du Conseil général du Val-de-Marne.
Notice biographique rédigée en 2003, mise en ligne en 2008, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45 000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com