Immatriculé à Auschwitz le 8 juillet 1942
André Amarot fiche de police Ivry

Matricule « 45.168 » à Auschwitz

André Amarot : né en 1902 à Sornac (Corrèze) ; domicilié à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne) ; cultivateur, blanchisseur, paveur, cimentier ; arrêté le 10 mai 1941, condamné à 3 mois de prison (Santé) ; arrêté le 19 septembre 1941 ; interné ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 17 septembre 1942.

André Amarot est né le 23 mars 1902 au hameau des Valettes à Sornac (Corrèze).  Au moment de son arrestation, il habite au  37, avenue du Rocher, devenue à la Libération rue Pierre Brossolette à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne),  Sa mère Marie, Françoise Lecadet, 41 ans (née en 1861) est cultivatrice, son père Pierre Amarot, 48 ans (né en 1854),  est colon (métayer). Les parents Amarot, louent une ferme au hameau des Valettes : ils ont 11 enfants (2 filles et 9 garçons), dont Jean, né en 1884, Paul, né en 1886, François né en 1887 – tué en 1914, Marie-Henriette, née en 1889 – épouse Legathe, Joseph, né en 1891, tué en 1914, Laurence, née en 1893 – épouse Vinatier, Paul, né en 1895, François, né en 1897, Pierre Lucien, né en 1899 – décédé en 1945, Emile, né en 1905. La famille est très éprouvée par la guerre 1914-1918 (deux de ses frères sont tués pendant le conflit, deux autres sont grièvement blessés). En 1921, seul son frère Paul, cocher, vit encore avec leurs parents au 7, rue de la République à Sornac.

Au conseil de révision agrandissement
Au service militaire entre les deux fumeurs, agrandissement

André Amarot effectue son service militaire en 1922 – 3ème brigade (photos ci-contre et ci-dessous, au conseil de révision en 1922, et au service militaire, entre deux autres soldats).

Il vient habiter Ivry-sur-Seine en 1923 : il s’inscrit sur les listes électorales de la commune à cette date et habite alors au 61, quai des du Port à l’Anglais.
Il indique « cultivateur » comme profession au bureau des élections.
En 1927, il déménage au 120, avenue Anatole France. Il est alors manœuvre. Son frère cadet Emile, né à Sornac en 1905, habite, le logement voisin du sien. Il est lui aussi manœuvre.

André Amarot épouse Simone Chafournel le 25 août 1934, à Ivry. Elle est née le 4 décembre 1912 à Sornac. Selon la fiche de police du commissariat d’Ivry, elle est peut-être une militante (mais la fiche ajoute que c’est « plutôt » Marthe Merlot). Le couple qui habite alors au 120, avenue Anatole France, se sépare (sans doute assez rapidement si on en croit la main courante des Renseignements généraux de 1941).  André Amarot est membre du Parti communiste, et il est responsable du Comité de Défense de l’Humanité d’Ivry, membre de la direction de section au secteur propagande. Habitant Vitry, il est membre de la cellule du « Port à l’Anglais », responsable de la vente de l’Humanité et membre du Comité de section (sources Renseignements généraux). Il travaille chez Ferrand-Renaut (Ets Chalumeau), puis Ferrand, entreprise de blanchiment de tissus par le chlore, où il est très actif pendant les grèves de 1936.  Il travaille ensuite sur un chantier comme paveur, au salaire de 7 francs 50.

En 1936, André Amarot est toujours domicilié à la même adresse du 120, avenue Anatole France. Le registre du recensement indique qu’il est cimentier, au chômage, tout comme son frère.
En 1936 selon les renseignements généraux, André Amarot vit maritalement avec Marthe Fargeix, veuve de Merlot Albert décédé en novembre 1934. Elle a 29 ans selon les RG, et habite au 37, avenue du Rocher, adresse de son domicile à Vitry. Issue comme lui d’une fratrie de 11 enfants, elle est née à Ivry, le 12 décembre 1910 (1). Selon la fiche de police du commissariat d’Ivry, elle est une « militante fervente » avec laquelle André Amarot vit maritalement depuis 7 ans au moment de son arrestation (1).

A partir de 1936, il est surveillé par la police, qui sait qu’André Amarot est membre de «l’ex groupement des «Amis de l’URSS» (en octobre 1940 le commissariat de Vitry a établi sur ses activités et sa vie privée une fiche de police (ci-dessous) lire l’article du blog Le rôle de la police française dans les arrestations des «45000» de Vitry et Fiches et registres de la police française dans la répression anticommuniste et la «politique des otages» : l’exemple d’Ivry et Vitry.  On y lit ses activités pendant les grèves de 1936, qu’il vit avec son amie Marthe Merlot, née Fargeix, qualifiée de «militante fervente». « Militant, son nom figurait sur une liste de la permanence 11 place de l’Eglise ». Cette fiche est réactualisée le 27 avril 1941. Les Renseignements généraux ayant constaté une recrudescence des activités communistes clandestines dans la région sud de Paris mettent sous surveillance et filature un certain nombre de militants connus, dont André Amarot. Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux

11 mai 1941, Main courante de la BS1 des Renseignements généraux

C’est ainsi que le 10 mai 1941 deux inspecteurs de la BS1 perquisitionnent à son domicile en son absence (à 15 h 30), mais en présence de Marthe Merlot.  En fouillant dans un vêtement de cuir, ils trouvent trois brochures, dont « les Cahiers du Bolchevisme« . Ils vont alors l’arrêter sur le chantier où il travaille.

Fiche de police du commissariat de Vitry

Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (interdisant le Parti communiste), il est écroué le 10 mai à la maison d’arrêt de la Santé.  Il est condamné à 3 mois de prison. A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, il est élargi.

Mais il est arrêté à son domicile une deuxième fois, à 6 heures du matin, par la police française le 19 septembre 1941.  Il est interné au camp de Séjour surveillé de Rouillé (2), où sa compagne pourra le visiter, comme en a témoigné Roger Mauger, un des autres Vitriots internés à Rouillé : Quand la femme à Amarot viendra, je lui donnerai ma grosse couverture, car avec les 3 de l’administration de Compiègne, j’en ai assez, vu que les froids sont passés. Je lui donnerai mon pardessus qui maintenant m’embarrasse plutôt et mon chandail bleu où il y a autant de trous que de laine (lettre du 1er avril 1942).

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé (2)  une liste d’internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne. Le nom d’André Amarot (n°20) y figure. C’est avec un groupe d’environ 160 internés (3) qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à la déportation de 14 Vitriots, voir les deux articles du blog : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Amarot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le blog : Le KL Aushwitz-Birkenau

Immatriculation à Auschwitz

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45168» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (4) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  Lire dans le blog le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

André Amarot meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 24). Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 17, 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée dans les blocks d’infirmerie.

La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 6 avril 1987 paru au Journal Officiel du 28 mai 1987). Cet arrêté porte la mention décédé en 1942 à Auschwitz : il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil de la municipalité d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).

André Amarot est homologué «Déporté politique» (la carte est au nom de sa sœur, Marie Legathe). Le 8 mai 1956 une plaque a été apposée solennellement par le secrétaire de la section de la FNDIRP de Vitry, L. Arnouil, sur son ancien domicile au 37, rue du Rocher, en présence de sa sœur Laurence et de son frère Emile.

Une rue de Vitry porte son nom, qui est également honoré sur la plaque  située place des Martyrs de la Déportation à Vitry, inaugurée  à l’occasion du 50ème anniversaire de la déportation : 6 juillet 1942, premier convoi de déportés résistants pour Auschwitz – 1175 déportés dont 1000 otages communistes – Parmi eux 14 Vitriots.

Comme en 1914 -1918, la famille Amarot est très éprouvée par la guerre et l’Occupation : le neveu d’André est fusillé en Allemagne où il était prisonnier, son frère Emile passe trois ans en Stalag, et deux autres de ses neveux sont requis au STO.

  • Note 1 : 12 décembre 1910, date vérifiée sur l’acte de naissance d’Ivry n° 677 de l’année 1910. Le 12/12/1912 selon les Renseignements généraux. Cette date est erronée, mais le calcul de l’âge indiqué sur la main courante (29 ans) correspond bien avec cette année de naissance, qui est celle de sa cadette Yvonne, née le 14 octobre 1912. Par ailleurs, la fiche de police indique que Marthe Marlot et André Amarot vivent ensemble depuis 7 ans, soit en 1934 : or, si cette date correspond au décès d’Albert Merlot, c’est aussi celle du mariage d’André Amarot avec Simone Chaufournel. Il est plus vraisemblable que leur vie commune ait commencé vers 1936, date à laquelle Marthe Fergeix-Merlot n’habite plus au 2, rue Auguste Blanqui à Vitry, adresse du domicile conjugal en 1934.
  • Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. Il a été fermé en juin 1944. In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 3 : Dix-neuf internés de cette liste de 187 noms ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps, ou sont hospitalisés. Trois se sont évadés. Cinq d’entre eux ont été fusillés.
  • Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Après le conseil de révision, 4ème à dr. rangée du haut

Sources

Au service militaire  (huitième en partant de la gauche rangée du haut)
  • Témoignages de sa sœur, Madame Laurence Vinatier et de son frère Emile Amarot.
  • Lettre de la FNDIRP locale (2 mai 1956).
  • Rouillé, liste du 22 mai 1942, transfert vers Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
  • La Résistance à Vitry, brochure édité peu de temps après la Libération par la municipalité, sans date.
  • Carton Brigades Spéciales (BS1), Préfecture de police de Paris.
  • Photos de famille (©  Madame Laurence Vinatier et son frère Emile Amarot).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
  • © Site Internet «Légifrance.gouv.fr»
  • © Photo d’identité et photo de la fiche de police du commissariat de Vitry (Musée de la Résistance Nationale à Champigny : mes remerciements à Céline Heyten).
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
  • © Archives en ligne de Corrèze.

Notice biographique rédigée rédigée en 2003 (complétée en 2012, 2016, 2017, 2020 et 2022, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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