A Auschwitz, le 8 juillet 1942

Matricule « 45.359 » à Auschwitz

Pierre Chauffard ; né en à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne), où il est domicilié ; ébéniste ; communiste ; arrêté le 26 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 17 août 1942.

Pierre Chauffard est né le 22 juillet 1909 à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne), où il habite chez sa mère, domiciliée au 7, rue Alfred de Musset au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Laurent, née à Saint-Prix (Côte-d’Or) le 1er décembre 1876 (32 ans), ouvrière en limes, puis mécanicienne et d’Etienne Chauffard, né à Arnay-le-Duc le 5 novembre 1870 (38 ans), ouvrier en limes, métallurgiste.
Il a 2 sœurs aînées (Jeanne, née en 1897, Marie, née en 1904) et  un frère aîné (Pierre-Henri, né en 1903) tous à Arnay-le-Duc où la famille habite au 7, rue des grenouilles. Leurs parents se sont mariés à Arnay-le-Duc, le 7 septembre 1895. Au moment de la naissance de Pierre Chauffard, la famille a déménagé en région parisienne et habite au 2, rue Pierre Curie à Vitry. Elle s’installe ensuite au 7, rue Alfred de Musset en 1912. Ses parents sont connus comme militants syndicaux à Vitry.
En 1921, ses parents sont tous deux métallurgistes : sa mère travaille chez A.M à Ivry et son père chez Lemoine. Jeanne est sténo-dactylo chez Lemoine, Marie est dactylo, mais au chômage et Pierre-Henri, son aîné, ajusteur chez A.M à Ivry.

Pierre Chauffard à gauche. le 3ème à droite, habillé de façon identique est  son frère Pierre-Henri

Pierre Chauffard est célibataire et travaille comme menuisier (ébéniste) à Vitry. Souffrant d’une pathologie pulmonaire, il doit bénéficier d’un pneumothorax thérapeutique en 1929.
Lors du recensement de 1931, le registre indique qu’il vit seul avec sa mère et qu’il est ébéniste chez Castel à Alfortville.
Et par la suite il effectue en 1936 un séjour au sanatorium de Champrosay-Mimoret (hameau de Champrosay à Draveil). Il est passionné de photographie.
Lors du recensement de 1936, le registre indique qu’il  vit seul avec sa mère.

Membre du Parti communiste, Pierre Chauffard est secrétaire ou membre du bureau – avec André Amarot – de la cellule du Parti communiste du Port à l’Anglais à  Vitry.
Début 1940, il participe en même temps aux activités de la cellule clandestine Maurice Thorez à l’usine de Roulements SKF d’Ivry, où sa tante travaillait.

Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Ivry, Vitry et Villejuif les jours suivants.  L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Pendant l’Occupation, contacté par Paul Armangot (lire sa notice biographique dans le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?article18629)il participe à l’organisation d’un groupe qui, plus tard sera homologué sous le nom de 2ème groupe FTP de Vitry (sur le certificat d’appartenance à la Résistance Intérieure Française de Pierre Chauffard on lit qu’il fait des actions contre l’ennemi).

Le 26 juin 1941il est arrêté à 5 heures du matin à son domicile par la police française. Cette arrestation a lieu dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.
Lire Le rôle de la police française Ivry et Vitry, BS1).
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici l’Hôtel Matignon), ils sont envoyés en vue de leur déportation comme otages, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122 administré par la Wehrmacht.

Extrait de la liste des RG du 26 juin 1941, montage à partir du début de la liste

La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 26 juin 1941, mentionne pour Pierre Chauffard : « Meneur particulièrement actif ».

Marius Hoehn, militant chez Brié, Jacques Lambolez (déporté à Sachsenhausen dans le convoi du 24 janvier 1943) et Léo Souque-Laforgue (déporté lui aussi à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942), sont arrêtés le même jour.

Sa famille et ses amis ont pensé qu’il avait été dénoncé par un policier qui habitait le même immeuble (en fait Marius C… né en 1907, n’était pas policier mais employé à la Préfecture de police) et sur une plaque funéraire commémorative apposée à gauche de la porte d’entrée on peut lire :

Plaque sur son domicile

Sa famille et ses amis ont pensé qu’il avait été dénoncé par un policier qui habitait le même immeuble (en fait Marius C… né en 1907, n’était pas policier mais employé à la Préfecture de police) et sur une plaque funéraire commémorative apposée à gauche de la porte d’entrée on peut lire :  A la mémoire de Pierre Chauffard, sergent FTPF assassiné par les Nazis au camp d’Auschwitz, août 1942, victime d’un policier français. Cher Pierrot, nous ne t’oublierons jamais. Ce que nous savons désormais grâce aux relevés du Musée de la Résistance Nationale de Champigny de l’utilisation par les autorités allemandes, via la préfecture de police, d’informations consignées dans les fiches et registres des commissariats de police d’Ivry et Vitry, nous amènent à penser qu’une dénonciation n’était pas nécessaire pour expliquer son arrestation (bien que toujours possible). Les responsables du Parti et des Jeunesses communistes étaient bien connus et fichés ! Avec l’Occupation allemande, la police de Vichy surveille les anciens élus et militants communistes et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à la déportation de 14 vitriots on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Pierre Chauffard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le blog : Le KL Aushwitz-Birkenau

Pierre Chauffard le 8 juillet 1942

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45359» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (1) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le blog le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Pierre Chauffard meurt à Auschwitz le 17 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 165). Il convient de souligner que vingt-six autres «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz ce même jour (c’est le début d’une grande épidémie de typhus au camp principal, qui entraîne la désinfection des blocks, s’accompagnant d’importantes sélections et du transfert du camp des femmes). Lire 80 % des 45000 meurent dans les 6 premiers mois, pages 126 à 129 in Triangles rouges à Auschwitz.

Il est homologué sergent  à titre posthume, au titre de la Résistance intérieure Française. Une rue de Vitry porte son nom, qui est également honoré sur la plaque située place des martyrs de la Déportation à Vitry, inaugurée à l’occasion du 50ème anniversaire de la déportation : 6 juillet 1942, premier convoi de déportés résistants pour Auschwitz – 1175 déportés dont 1000 otages communistes – Parmi eux 14 Vitriots.
Son nom et son portrait apparaissent avec ceux de Daniel Germa dans le petit film tourné par des techniciens communistes en 1947 intitulé Vitry, cité Laborieuse Ciné-Archives – Ciné archives cinémathèque et fonds audiovisuel.
Sa sœur Jeanne, sera conseillère municipale communiste après la guerre.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Photographies confiés à José Martin, frère d’Angel Martin, par la tante de Pierre Chauffard, Mme Lasuie, en mars 1973, et remis à Roger Arnould.
  • La Résistance à Vitry, brochure édité peu de temps après la Libération par la municipalité, sans date.
  • Archives en ligne de Vitry, actes de naissance, recensements 1921, 1936.
  • Archives en ligne de Côte d’Or, état civil et recensement de 1906.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
  • © Photo d’identité et photo de la fiche de police du commissariat de Vitry (Musée de la Résistance Nationale à Champigny : mes remerciements à Céline Heyten.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.

Notice biographique rédigée rédigée en 2003 (complétée en 2012, 2016, 2017, 2020 et 2022, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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