Matricule «45 973» à Auschwitz
Rescapé
Etienne Pessot : né à Paris 14è en 1914 ; domicilié à Cachan (Val-de-Marne) ; sympathisant communiste ; arrêté le 1er mai 1941 ; condamné à 8 mois de prison à Fresnes ; interné aux camps de Rouillé, puis Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Flossenbürg, Leitmeritz ; rescapé ; décédé le 8 février 1982.
Etienne Pessot est né à Paris (14°) le 14 mars 1914, au 4, passage des Thermopyles.
Il habite au 16, rue de Provigny (1) à Cachan (Val-de-Marne) au moment de son arrestation. Il est le fils de Pauline, Albertine Beuvelet, 24 ans, née en 1889 à Soissons, chapelière, et de Guillaume, Marie Pessot, 30 ans, tanneur, son époux.
Il a un frère aîné, Pierre, né le 4 mars 1911 à Bagneux.
La famille quitte Bagneux où elle habite au 12, rue de la Mairie en 1911, et demeure à Paris 14è au 4, passage des Thermopyles à la naissance d’Etienne.
Leur mère décède le 14 juin 1917. La famille habite alors au 10, rue Boileau à Montrouge. Son frère, monteur en sable à Aubervilliers, qui habite rue de Bagneux à Montrouge, se marie à Arcueil le 2 juin 1934, avec Georgette Gaultier.
Etienne Pessot effectue son service militaire en 1934, au 16è Régiment de Chasseurs à Nancy.
Etienne Pessot travaille comme plombier-couvreur.
Il est sympathisant communiste mais « non militant » (note sur sa fiche au DAVCC).
Il épouse Henriette, Léonie, Cécile Billiamattes à Montrouge le premier septembre 1937 (il se remariera à son retour des camps, en 1945).
Il habite au 16, rue de Provigny (1) à Cachan (Val-de-Marne) au moment de son arrestation avec Aîmée Coudert qu’il épousera à son retour des camps.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population.
La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Pendant l’occupation il distribue des tracts anti-allemands. Il est arrêté pour « distribution de tracts et propagande communiste » le 1er mai 1941 par des gendarmes français. Inculpé d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste et propagande notoire des doctrines de la IIIè internationale), il est mis à la disposition du procureur. Incarcéré le 2 mai à la maison d’arrêt de la Santé en attente de jugement. Il est condamné le 3 mai 1941 à 8 mois de prison par la 12è chambre du tribunal correctionnel de la Seine.
Etienne Pessot est écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes le 26 mai. Il a fait appel de sa condamnation, mais celle-ci est confirmée en appel le 7 juillet 1941.
A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, Etienne Pessot n’est pas libéré : le préfet de police de Paris, François Bard, ordonne le 2 novembre 1941 son internement administratif en application de la Loi du 3 septembre 1940 (2).
Etienne Pessot est transféré depuis le Dépôt de la Préfecture de police de Paris au Camp de séjour surveillé de Rouillé (3), via les gares d’Austerlitz et Poitiers, le 10 novembre 1941, au sein d’un groupe de 58 militants communistes parisiens.
Lire dans ce site : le camp de Rouillé
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122).
Le nom d’Etienne Pessot (n° 146 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Etienne Pessot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Etienne Pessot est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 973» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Lire dans le sitel e récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS
peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Son matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard. Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces).
Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal.
Le 13 juillet : Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi. Les autres, dont je suis nous restons à Birkenau où nous sommes employés pour le terrassement et pour monter des baraques appelées Block. (…) Pierre Monjault.
Etienne Pessot est ramené à Auschwitz 1. Il y est témoin de l’horreur au quotidien, décrite minutieusement par René Maquenhen (lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz).
Ils sont tous confrontés à l’horreur et à la mort. La plupart des « 45 000 » vont mourir dans les premiers mois de leur arrivée. Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
A la fin de l’année 1942, ils ne sont plus que 220 survivants et 150 environ en mars 1943, et 119 rescapés en 1945 !
Etienne Pessot, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments (en application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille (ce qui explique pourquoi il ajoute Pessot au nom de sa compagne) et de recevoir des colis renfermant des vivres). Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943.
Lire dans le site : Le droit d’écrire pour les détenus politiques français.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français
survivants. Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Il est affecté au Block 9, lorsqu’il écrit une lettre à son amie Aîmée Coudert, à leur adresse de Cachan, le 17 mai 1944. Cette lettre est écrite en allemand (pour cause de censure) par un autre détenu (il s’agit le plus souvent de leur camarade Georges Brumm, qui est alsacien ou d’Henri Peiffer qui est Lorrain).
Le 3 août 1944, Etienne Pessot est à nouveau placé en “quarantaine”, au Block 10, avec les trois quarts des “45 000” d’Auschwitz pour être transférés vers d’autres camps (ce qu’ils ignorent).
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
Vingt-neuf « 45 000 » et deux autres français sont transférés le 28 août pour Flossenbürg, 30 autres pour Sachsenhausen le 29 août 1944.Un troisième groupe de trente quitte Auschwitz pour Gross-Rosen le 7 septembre. Trente-cinq « 45 000 » restent à Auschwitz.
Etienne Pessot est dans le premier groupe. D’Auschwitz, le 28 août 1944 ils sont dirigés sur Flossenbürg où il reçoit le matricule n°19 880.
Certains d’entre eux sont transférés dans d’autres camps : en janvier 1945 Etienne Pessot est transféré au camp de Leitmeritz (en Haute Bavière annexée) près de la frontière Tchécoslovaque avec Georges Hanse et Camille Salesse. Ce kommando qui a compté jusqu’à 5000 détenus, dépend de Flossenbürg.
Le kommando est lié à l’usine Elsabe et au projet « Richard » (construction d’une usine souterraine).
« En avril 1945 commença la liquidation du camp (…). Malgré tout, il resta environ 1200 détenus malades, qui ne furent libérés que les 9 et 10 mai 1945, par des unités russes de la 5e armée du Général A.S. Schadow » (in ALEI).
Etienne Pessot est rapatrié le 10 juin 1945.
Il épouse Aimée, Marcelle Coudert le premier septembre 1945 à Cachan. Elle est née le 25 janvier 1922. Le couple aura un enfant.
Avec trois autres rescapés (Lucien Matté, Jean Thomas et Raymond Saint-Lary) il témoigne de la mort à Auschwitz de plusieurs de leurs camarades, dont Georges Cora, René Faure et Paul Clément.
Sa santé est très affectée : selon Maurice Rideau, il avait servi de « cobaye » pour les « expériences médicales » des médecins d’Auschwitz.
Il est homologué « Déporté politique » en 1955.
Etienne Pessot meurt à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) le 8 février 1982.
Aîmée Pessot est décédée le 6 juillet 2000.
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Note 1 : Sur le document de police concernant son transfert au camp de Rouillé, il est écrit « 16, rue de Provigné ». Mais dans la liste du 22 mai 1942, le nom de la rue est rectifié.
- Note 2 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit
l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes. - Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
Sources
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
Fiche individuelle consultée en novembre 1993. - Extrait d’état civil, mairie du 14° arrondissement, 10 mars 1994. Etat civil en ligne, 2020.
- CDJC. Liste d’otages de Rouillé XLI 42, N° 146.
- Sur le camp de Leitmeritz extraits de la traduction du livre de Wolfgang Benz und Barbara Distel par © Alei-xpression.
- © Photo de wagon à Auschwitz, in Bulletin de l’Amicale des déportés tatoués du convoi du 27 avril 1944.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz
(1946). - © Tunel de Leitmeritz, mémorial de la Shoah Lettre d’Auschwitz et photos de famille : courriels de son petit-fils, M. Philippe Sardain (mai 2020).
Notice biographique mise à jour en 2010, 2012, 2015, 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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