Daniel Barberousse à Auschwitz le 8 juillet 1942

Matricule « 45 196 » à Auschwitz

Daniel Barberousse : né en 1920 à Saint-Cyr-l'Ecole (Seine-et-Oise / Yvelines), où il est domicilié ; dessinateur industriel ; jeune communiste ; arrêté le 25 décembre 1940, condamné à 3 mois de prison, interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 25 août 1942 (Cf note 1).

Daniel Barberousse est né Sente de Fontenay, le 3 juin 1920 à Saint-Cyr-l’Ecole (Seine-et-Oise / Yvelines), où il habite au 11, passage Danton, au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Emilie Germain, 18 ans, sans profession et d’Henri Barberousse, 26 ans, jardinier son époux.
Après le certificat d’études pratiques et deux ans de cours professionnels, Daniel Barberousse obtient le Brevet professionnel. Il est embauché comme dessinateur industriel aux établissements Eugène Bauche, au Chesnay.
Daniel Barberousse est adhérent des Jeunesses communistes. Il est secrétaire du cercle des Jeunesses communistes de Saint-Cyr en 1939, jusqu’à la dissolution des organisations communistes (26 septembre 1939).
N’étant pas mobilisable, il poursuit clandestinement son activité militante après l’interdiction des organisations communistes. Il est filé par la police qui le soupçonne d’être à l’origine des distributions de tracts dans la commune.

A partir du 14 juin 1940, l’armée allemande occupe le département de Seine-et-Oise. Le grand état-major allemand du Maréchal Von Rundstedt s’installe à Saint-Germain-en-Laye. Une Kommandantur provisoire est installée à Chatou, 20, avenue des Tilleuls dans les jours suivants. En novembre 1940, elle est déménagée au Vésinet. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Les Nouvelles de Versailles 1er avril 1945

Daniel Barberousse est arrêté le 25 décembre 1940 par la police française. Inculpé d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939, il est mis à la disposition du procureur de Versailles. Le 25 décembre 1940, Daniel Barberousse est arrêté par la police française pour activité communiste. La perquisition menée à son domicile entraîne la découverte de « 25 exemplaires ronéotypés du journal L’Avant-Garde n°16 de juillet 1940 ». Il est inculpé pour « reconstitution de groupement dissous », ainsi que six autres militants de Saint-Cyr (André Malié, Marcel Gauthier, Julien Stiquel, Albert Dugalès (qui sera lui aussi déporté à Auschwitz), Félix Clauze, Marcel Bertonazzi) .
Il est condamné par le tribunal correctionnel de Versailles le 21 mars 1941 à 3 mois de prison (et cent francs d’amende), qu’il effectue à la maison d’arrêt de Versailles.
On notera que les Nouvelles de Versailles rendent compte des peines frappant ces militants communistes pour « reconstitution de parti dissous », dans la rubrique « en correctionnelle », au milieu des condamnations pour vols ou bris de clôture !
A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, le préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevalier, ordonne son internement au CSS d’Aincourt le 27 mars 1941, en application de la Loi du 3 septembre 1940 (2). Il y est transféré le 28 mars. Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.

Comité des loisirs du bâtiment A2

Le 27 juin 1941, quatre-vingt-huit internés d’Aincourt, dont Daniel Barberousse, sont transférés au camp allemand de Compiègne (Le Frontstalag 122). Ils ont tous été désignés par le directeur du camp avec l’aval du préfet de Seine-et-Oise.
A Compiègne, il est affecté au bâtiment A2 et reçoit le matricule « 863 ».

Le 23 décembre 1941, son nom est inscrit sur la liste de recensement des 131 jeunes communistes du camp de Compiègne nés entre 1912 et 1922, «aptes à être déportés à l’Est», en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC IV – 198).

Daniel Barberousse fait partie du Comité des Loisirs du bâtiment A2, comme en témoigne le compte rendu reproduit ci-contre d’une réunion tenue le 29 avril 1942 (carnet de Guy Lecrux).
Lire dans le site :Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne. Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Daniel Barberousse est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. 

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Daniel Barberousse est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45196»
selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».

L’entrée du camp

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz

Le 12 août 1942, il entre au Revier (l’infirmerie du Block 20, le block des contagieux).
Daniel Barberousse meurt à Auschwitz le 25 août 1942 (1) d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, / Sterbebücher, Tome 2 page 52 et dans le © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
Sa mort à Auschwitz est également attestée par Henri Peiffer, rescapé.

  • Note 1 : L’arrêté du 11 août 2006 paru au Journal Officiel du 17 octobre 2006 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Daniel Barberousse porte une date et un lieu très différents « décédé le 30 juin 1943 à Munich (Allemagne) ».
    D’une part, son entrée au Revier du Block 20 et la date de décès de l’état civil d’Auschwitz qui correspondent bien à la terrible réalité du camp, nous incitent à maintenir la date du 25 août 1942. D’autre part, si nous savons qu’il y a eu en 1942 des échanges de matricules de déportés « sélectionnés » portés sur le corps de camarades décédés, afin d’échapper à la « sélection », ces échanges n’ont pu avoir lieu qu’en 1942 avant que les déportés du convoi ne soient tous tatoués. Mais c’est possible.  Si on admet l’hypothèse d’un échange de matricule, Daniel Barberousse aurait alors survécu jusqu’en 1943 ou jusqu’aux évacuations de 1944 sans qu’aucun de ses camarades ne le sache, en particulier lors de la quarantaine au  Block 11 où les quelques 130 survivants sont regroupés en 1943. Or, l’un d’entre eux, Henri Peiffer, a bien témoigné de sa mort en 1942. Par ailleurs nous ne connaissons pas de transferts individuels de « 45 000 » avant l’année 1944 qui auraient pu l’amener à Munich en 1943 ou à Leipzig en 1945. Mais là encore c’est possible et c’est une auttre hypothèse : compte tenu de sa qualification de dessinateur industriel, Daniel Barberousse a pu, comme David Badache, qui était ingénieur, être détaché à l’extérieur du camp fin 1942.

    L’Opprimé 23 / 11/ 1945

    On peut aussi penser que cette différence de date provienne d’une demande de renseignements de sa famille publiée à la Libération dans l’Opprimé du 23 novembre 1945, organe du Secours Rouge International.

Enfin on retrouve dans un document (13/12/1948) de l’US Army conservé aux archives internationales d’Arolsen (© International Center on Nazi Persecution, Bad Arolsen Deutschland) la mention d’un Daniel Barberousse (mêmes dates et lieu de naissance) « Wuerde am 6.7.1942 nacht Deutchland transportiert im september 1945 wurde er in einen russischen sanatorium in Leipzig gesehen.Traduction : « Barberousse Daniel né le 3-6-1920 à Saint Cyr l’Ecole – France. Il fut transporté en Allemagne dans la nuit du 6 juillet 1942. En septembre 1945, il fut vu dans un sanatorium russe à Leipzig ».  

Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» d’Auschwitz et celle – souvent fictive – portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Plaque au cimetière de Saint-Cyr-l’Ecole

Une rue de Saint-Cyr honore son nom et Daniel Barberousse est cité sur le site de la municipalité dans l’histoire de la ville : «Occupation allemande. La résistance s’organise… Petite ville, Saint-Cyr-l’Ecole paiera un lourd tribut à la libération du territoire. Jean François et André Cordier, 17 et 18 ans, fusillés, Daniel Barberousse, Roger Henry, morts en déportation. Bernard Chappelier, tué en mission en 1944».
Une plaque honore son nom au cimetière de Saint-Cyr. Elle donne une troisième date de décès (1943 à Munich, ce qui est peu plausible, car nous ne connaissons pas de transferts individuels de « 45.000 » avant 1944).

  • Note 2 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy en 1941. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources  

  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Archives de la police / BA 2374
  • Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), Edition informatique 2012.
  • Liste des jeunes communistes nés entre 1912 et 1922,aptes à être déportés à l’Est 23/12/1941 (archives du CDJC. XLIV-198).
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Témoignages de Guy Lecrux sur le camp de Compiègne.
  • Attestation de la mort de Daniel Barberousse (Henri Peiffer).
  • Fichier central ACVG, octobre 1993, Caen.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
  • © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
  • © Site Les plaques commémoratives, sources de Mémoire.

Notice biographique  rédigée par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6
juillet 1942
», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition de l’association «Mémoire Vive» sur les “45000” et “31000” des Yvelines. Installée sur le site en 2013, complétée en 2016 et 2018. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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