Julien Massé : né en 1921 au Kremlin-Bicètre (Seine / Val-de-Marne) ; domicilié à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne) ;  jeune communiste ; arrêté le 1er mai 1941 ; condamné à 13 mois de prison ; écroué à la maison d’arrêt de Fresnes ; interné aux camps de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 3 octobre 1942.

Julien Massé est né le 10 août 1921 au Kremlin-Bicètre (Seine / Val-de-Marne).
Il habite au 17, rue Boieldieu à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne), au moment de son arrestation.
Il est le fils aîné de Marie, Josèphe Vaillant, née le 3 décembre 1893 à Scaër (Finistère), domestique de culture chez René Ligour et de François, Corentin Massé, né  à Scaër le 22 juillet 1896, terrassier, son époux (décédé en 1948).
Ses parents se sont mariés le 19 février 1919, à Scaër (Finistère). Son père est démobilisé le 24 septembre 1919 et rentre à Scaër. le jeune couple vient ensuite en région parisienne et séjourne à l’hôtel Chez Barrès au 156, avenue de Fontainebleau au Kremlin Bicêtre, où naît leur premier enfant, Julien.
La famille déménage ensuite à Villejuif en mars 1922, au 70, rue de la Pompe. Puis en 1927 ils déménagent à Vitry-sur-Seine 
habite dans une courette, au 37, sentier des Malassis.

17, sentier Boieldieu,

Cette même année, ils ont déménagé dans la rue voisine au 17, sentier Boieldieu, un petit pavillon. En 1931, dans le pavillon voisin habite son oncle Charles Vaillant, né comme ses parents à Scaër en 1896, son épouse Marie Louise et leurs sept enfants.

Julien Massé a deux frères : Charles Eugène (né 2 mars 1927 à Vitry, marié avec Lucette Renard… L’employé du recensement en 1936 l’a baptisé Charlemagne), et François Théodore (né le 22 décembre 1930 à Vitry), et une sœur Simone, Marie (née le 23 novembre 1928 à Vitry).
Julien Massé est célibataire. Il travaille comme manœuvre chez Morin, au 128, rue d’Alésia à Paris 14è.
Il adhère aux Jeunesses communistes en 1935.
  En 1938, féru d’aviation, il est membre de l’aéroclub des Aiglons d’Ivry.
A la déclaration de guerre en septembre 1939, conscrit de la classe 1941, il n’est pas mobilisable.

Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Ivry, et Vitry le 15 juin.  L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Julien Massé est arrêté le 1er mai 1941 à son domicile pour détention et collage de papillonsLors de son
arrestation il déclare qu’il « militait aux J.C. avant la dissolution ». Il est interrogé par la 
la Brigade spéciale des Renseignements généraux (lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux).

Registre de la Brigade spéciale des RG. 2 mai 1941

Son nom était mentionné sur le registre de police établi avant guerre par le commissariat de Vitry comme : «militant inscrit aux jeunesses communistes, Groupe des Malassis (un quartier de Vitry). Son nom est accompagné des deux croix rouges soulignées (XX) attribuées « aux militants notoires et dangereux s’étant faits remarquer particulièrement ».
Lire l’article du site Le rôle de la police française dans les arrestations des 45000 d’Ivry et de Vitry.

Julien Massé est transféré au Dépôt de la préfecture de police de Paris, puis inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 (1), il est incarcéré à la Santé le 3 mai 1941.
Le 23 janvier 1942, il est condamné par la Section spéciale auprès du tribunal de la Seine à treize mois de prison et cent francs d’amende. Son avocat sera fusillé comme otage en septembre (2).
Julien Massé est transféré à la maison d’arrêt de Fresnes où il est incarcéré jusqu’à l’expiration de sa peine, le 25 février 1942. Mais à cette date, il est maintenu en détention en attente de son internement administratif (3), ordonné le 26 mars 1942.
Le 16 avril, il est transféré au centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) Ce camp (le Frontstalag n° 202 en 1940 et 1941) était devenu le 5 janvier 1942 le Centre de séjour surveillé français n° 15.  Julien Massé y reçoit le matricule 83.
Lire dans le site : Le camp de Voves

Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France. Julien Massé figure sur la première liste. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».
La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, arrivés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag  122)  les  10  mai et  22  juin  1942,
87 d’entre  eux seront déportés à Auschwitz.
Le 10 mai 1942, il est remis aux autorités allemandes à leur demande au sein d’un groupe de 81 internés de Voves (4). Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à la déportation de 14 vitriots, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une
déportation d’otages
».

Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Julien Massé est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Le numéro « 45 857 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Julien Massé meurt à Auschwitz le 3 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 3 page 787).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Julien Massé a été déclaré Mort pour la France. La mention Mort en déportation est apposée sur son acte de décès (arrêté du 10 novembre 1994 paru au Journal Officiel du 11 janvier 1995). Cet arrêté qui corrige le précédent (6 juillet 1942 à Compiègne) mentionne néanmoins une date erronée : décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz. Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil de la municipalité d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).

Son nom est honoré sur la plaque située place des martyrs de la Déportation à Vitry, inaugurée à l’occasion du 50ème anniversaire de la déportation : « 6 juillet 1942, premier convoi de déportés résistants pour Auschwitz – 1175 déportés dont 1000 otages communistes – Parmi eux 14 Vitriots ».

Son nom est également inscrit sur le monument situé place des Martyrs de la Déportation à Vitry : A la mémoire des Vitriotes et des Vitriots exterminés dans les camps nazis.

  • Note 1 :  A la suite de la signature du pacte germano-soviétique le 23 août, le président du conseil Daladier signe le 26 août 1939 un décret interdisant de parution du journal L’Humanité. Le 26 septembre 1939, Daladier signe un décret-loi prononçant la dissolution du Parti communiste. Le 18 novembre 1939, un nouveau décret-loi prévoit l’extension des mesures d’internement prises à l’encontre des individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique sur décision du préfet. Classée secret, la circulaire n°12 du 14 décembre 1939, signée Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, fixe les conditions d’application du décret du 18 novembre 1939 (décret Daladier) qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique. Pendant l’Occupation, le gouvernement du maréchal Pétain poursuit la lutte anticommuniste dans le cadre du décret Daladier. La circulaire de Peyrouton, ministre de l’Intérieur, le 19 novembre 1940 permet d’élargir l’internement administratif : la découverte de tracts « extrémistes » sur le territoire d’une commune entraînera l’internement administratif des militants communistes notoirement connus, à moins qu’ils ne soient déjà poursuivis judiciairement en vertu d’une procédure dument engagée. (AN FIA-3678). Lire l’article très documenté et illustré sur le blog de Jacky Tronel (Histoire pénitentiaire et justice militaire) : Circulaire d’application du décret-loi du 18 novembre 1939 |et le chapitre VII (les chasseurs) de l’ouvrage de Jean Marc Berlière et Franck Liaigre Le sang des communistes, Fayard.
  • Note 2 : Le 20 septembre 1941, trois avocats communistes, Georges Pitard, Michel Rolnikas, Antoine Hajje sont fusillés au Mont-Valérien. Tous trois avaient en charge la défense de militants communistes, de résistants et ils avaient tenté, jusqu’à l’extrême limite, de remplir leur tâche. Trois lettres nous sont restées. Dans celle de Pitard, adressée à sa femme, on peut lire : Moi, je m’en vais fier de mon passé, fier de ma vie. Je n’ai jamais fait que le bien, jamais pensé qu’à soulager la misère… Vois le bâtonnier, je n’ai pas la possibilité de lui écrire ; dis-lui que je crois avoir honoré l’Ordre des avocats… S’adressant au bâtonnier, Antoine Hajje écrit : Nous allons à la mort satisfaits d’avoir, en toutes circonstances, accompli notre devoir, tout notre devoir (…). Nous mourons prématurément, mais c’est pour la France. Nous en sommes fiers. Je dis adieu à une profession que j’ai aimée ; j’aurais été
    jusqu’à la fin le défenseur de la dignité humaine et de la vérité
    . Quant à Michel Rolnikas, il écrivit à sa compagne : Dis à mes amis qu’une balle aura percé mon cœur, mais qu’on ne m’aura pas arraché l’idéal qui m’animait.

Sources

  • Camp de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
  • La Résistance à Vitry, brochure édité peu de temps après la Libération par la municipalité, sans date. 
  • De l’Occupation à la Libération, témoignages et documents, brochure éditée par la Ville de Vitry-sur-Seine, pour le 50ème anniversaire de la Libération, Paillard éd. 1994. 
  • © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Archives en ligne du Val de Marne, recensements de Vitry (1926 à 1936).
  • © Registre de police du commissariat de Vitry. Musée de la Résistance Nationale : (mes remerciements à Céline Heytens).
  • Recensements de Vitry, 1931 et 1936. Liste électorales.
  • Registre matricule militaire de François, Corentin Massé, Quimper, classe 1916 Ml 2707.

Notice biographique rédigée en 2003, mise en ligne en 2008, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45 000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Un Commentaire

  1. Merci pour cette recherche qui laisse une trace et peut être une reconnaissance d’un combat et un sacrifice de vies pour qu’aujourd’hui nous vivions en paix ! Je pense que même sa famille ne connaissait pas le détail de son extermination !

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