Roger Leprêtre : né en 1920 à Quincampoix (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) où il est domicilié ; ouvrier agricole, bucheron ; arrêté le 21 décembre 1941, condamné à 2 mois de prison ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.
Roger Leprêtre est né le 27 avril 1920 à Quincampoix (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), où il est domicilié, rue de Cailly, ou au Trait, au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Gabrielle Thierry, née le 10 février 1860 à Quincampoix, et d’Hyppolite, Eugène Leprêtre, né le 10 octobre 1863 à Quincampoix, son époux. Ses parents travaillent comme journaliers chez Mouchelet.
En 1926, la famille habite au n° 159, les Clos à Quincampoix.
Roger Leprêtre est employé comme ouvrier agricole à Grand-Camp (selon Louis Eudier), puis comme bûcheron à la scierie de Barentin.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès le 31 août 1940 les Allemands arrêtent des otages au Trait et à Duclair à la suite de sabotages de lignes téléphoniques. A partir de janvier 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes.Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Roger Leprêtre est arrêté le 22 décembre 1941 « pour avoir chanté l’hymne national anglais et l’Internationale » selon le témoignage de M. Henri Salleron, adjoint au Maire (19/12/1946), confirmé par René Demerseman et l’article de presse ci-contre.
Il est condamné par un tribunal français à deux mois de prison et il est incarcéré à la prison Bonne-nouvelle de Rouen.
René Demerseman se souvenait l’y avoir connu en cellule. A la fin de sa peine, Roger Leprêtre est remis – à leur demande – (probablement en janvier 1942 comme René Demerseman) aux autorités allemandes. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi.
Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Roger Leprêtre est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45 783 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il est affecté au camp principal d’Auschwitz I. René Demerseman se souvient qu’il lui a dit au camp : «en rentrant, j’adhérerai au Parti ».
Roger Leprêtre meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 711).
Ce certificat indique une cause fictive : «pleuropneumonia» (péripneumonie). Il faut savoir que les détenus chargés de remplir les certificats de décès à Auschwitz avaient ordre d’indiquer une cause naturelle choisie au hasard sur une liste de maladies.
Cent-quarante-sept autres «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942 et un nombre important d’autres détenus du camp ont été enregistrés à ces mêmes dates. Il est plus que vraisemblable qu’ils aient été tous gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail» opérée dans le camp d’infirmerie.
René Demerseman qui l’avait connu à la prison de Rouen, puis au camp de Compiègne, a témoigné de son état d’esprit à Auschwitz : « Jusqu’au dernier instant où j’ai pu parler avec lui, il ne parlait que la libération de son pays et de sa famille ».
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (parution au Journal Officiel du 29 septembre 1994) qui est rectifié à cette occasion «décédé le 18 septembre 1942 à Auschwitz, et non le 15 octobre 1942»).
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Quincampoix, dans le cimetière municipal.
Sources
- Témoignage de René Demerseman.
- Liste de déportés de Seine-Maritime établies à son retour de déportation par Louis Eudier in «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle et « statut » dossier consultée en octobre 1993.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948 », établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7.
- © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
- © Site Internet «Légifrance.gouv.fr»
- AD 76, recensements 1926 et 1936 à Quincampoix.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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