Louis Briand : né en 1901 à Trézény (Côtes du Nord / Côtes d'Armor) ; domicilié au Grand Quevilly (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; douanier ; militant CGT et communiste ; arrêté le 21 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 23 août 1942 à Auschwitz.
Louis Briand est né le 13 février 1901 à Trézény (Côtes du Nord / Côtes d’Armor). Il habite au 12 rue Gustave Flaubert au Grand Quevilly (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) au moment de son arrestation (1).
Il est cultivateur comme ses parents jusqu’à son service militaire.
Louis Briand est le fils d’Anne Even, ménagère âgée de 36 ans et de Louis-Marie Briand, cultivateur, âgé de 32 ans.
Son registre matricule militaire indique qu’il habite Servel, un faubourg de Lannion (Côte du Nord / Côtes d’Armor) au moment du conseil de révision. Il mesure 1m 71, a les cheveux châtain et les yeux gris, le front haut et le nez moyen, le visage ovale.
Conscrit de la classe 1921, Louis Briand s’engage volontairement à 18 ans pour 3 ans dans les Equipages de la flotte le 24 novembre 1919 et arrive au 2ème dépôt des équipages à Brest le même jour.
Apprenti marin, puis matelot de 3ème classe le 14 janvier 1921. Il est « congédié » le 24 novembre 1922 (i.e. renvoyé dans ses foyers, avec le « certificat de bonne conduite » accordé, puisqu’il sera douanier).
Il intègre l’administration des Douanes et il est nommé à la direction de Lille en 1923.
Le 23 avril 1923 il épouse Mathilde Marie Le Sech à Brélévenez (Côtes du Nord / Côtes d’Armor). Elle est couturière, née le 13 mai 1903 à Lannion (Côtes du Nord). Le couple a une fille, Gilberte qui naît à Rouen le 30 avril 1933.
« Il comprit bien vite dans sa nouvelle situation que pour obtenir les modestes revendications chez les pettits fonctionnaires, il fallait lutter. Ardent syndicaliste il participa à toutes les mouvements lancés dans le pays par son syndicat. Il adhère au Parti communiste, et là aussi il se montre militant actif, accomplissant touts les tâches pour lesquelles il est désigné. En 1930, il est changé sur sa demande à Rouen. Il continue son activité syndicale et politique. » (F. Lauze in L’Avenir Normand du 3 mars 1947) .
Louis Briand est un militant très actif du Parti communiste et de la CGT.
A sa demande, il est muté à la direction de Rouen en 1930. Il y devient trésorier de la section syndicale de Rouen des douanes actives .
Il est versé dans la réserve de l’armée de terre en tant que douanier en 1932.
Il est mobilisé (décret de mobilisation générale) le 2 septembre 1939 et affecté en tant que soldat de 1ère classe au 23ème bataillon de douaniers. Il est versé au dépôt d’infanterie n°32 le 18 mars 1940.
Il « passe » au dépôt d’infanterie n° 31 le 25 avril 1940. D’après son registre matricule militaire il est dans la « zone des armées » du 10 au 26 juin 1940. Mais selon l’Avenir Normand de 1947, il est en fait à cette période envoyé au camp de Meuvaines , en prévention de Conseil de guerre, sur dénonciation pour activité communiste.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Louis Briand est démobilisé le 6 août 1940 par le dépôt de démobilisation de Marmande (Lot-et-Garonne).
A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Pendant l’Occupation, il est arrêté le 23 juin 1941 dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici la caserne Hatry de Rouen), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des «ennemis actifs du Reich».
A la suite du sabotage qui entraîne le 19 octobre le déraillement du train Rouen-Le Havre à Quevilly-Couronnes – tunnel de Pavilly (Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen), son nom est porté par la Feldkommandantur 517 sur une liste de 26 otages communistes «fusillables», adressée le 29 octobre 1941 au commandement de la région militaire A à St Germain en Laye (11 d’entre eux seront déportés à Auschwitz).
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Louis Briand est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros «45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45 301 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour quatre noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
De même, l’appel à reconnaissance d’une photo de l’un des numéros plausibles n’a pas été reconnue par son arrière petit-fils M. Dominique Dard (en novembre 2016). Elle a donc été supprimée de cette page. Il faut en déduire qu’il figurait sur la seconde sous-liste des « otages communistes » et a probablement été immatriculé sous le numéro « 46 224 » (dont la photo n’a pas pas été retrouvée).
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz
Louis Briand meurt à Auschwitz le 23 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 132).
Il est déclaré « Mort pour la France » le 1er février 1947, et il est homologué comme « Déporté politique » le 18 août 1954.
Par arrêté du secrétaire d’État aux anciens combattants du 18 septembre 1987, paru le 25 octobre 1987 au Journal Officiel (p.12477), il est décidé que la mention «Mort en déportation » devra être apposée sur ses actes ou jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté porte néanmoins une mention erronée : « décédé le 15 octobre 1942 à Auschwitz « (Pologne). Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Son nom est inscrit sur la plaque de la Rue des Martyrs de la Résistance au Grand-Quevilly. Y figurent également ceux de ses camarades déportés dans le même convoi que lui : Charles Bachelet, Louis Briand, Michel Bouchard, Maurice Guillot, Marcel Le Dret, Robert Mouchart, Jean Valentin, et Maurice Voranget. Cinq autres déportés sont honorés : René Blantron déporté le 27 avril 1944, décédé à Flossenbürg cette même année, Albert Chevalier déporté le 23 janvier 1943, décédé à Sachsenhausen fin avril 1944, Léopold Jeantet, Maurice
Son nom est honoré sur le monument installé dans la cour de la fédération du PCF de Seine Maritime (33, place Général de Gaulle, Rouen) : avec ce poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’ESPOIR et le Désespoir ».
- Note 1 : Sur une liste de la FNDIRP (reconstituée et très incomplète) du convoi du 6 juillet 1942, datant de l’immédiat après-guerre, on trouve également la ligne suivante, tapée à la machine : « Briand Louis 44 ans-Chatou » suivie de la mention manuscrite « Aincourt », portée très probablement par René Petitjean de Clichy, rescapé du convoi. Il s’agit sans doute d’une homonymie. Une fiche du fichier national du Bureau des Archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC) renvoie également à Chatou (Seine / Yvelines). Elle porte les renseignements suivants » Briand Louis, Domicile 40 bd République Chatou, A (arrêté) le 23-VI-1941: I (interné) Compiègne ; D (déporté) VII-1942. Res. La concordance de certains renseignements pourrait laisser penser qu’il s’agit d’une même personne mais l’article de l’Avenir Normand qui lui rend hommage en 1947 n’indique en aucune façon un passage en région parisienne. René Petijean était un militant du Parti communiste et de la CGT. Il est arrêté à son domicile à Clichy (Seine/ Hauts de Seine) par des policiers français, le 14 octobre 1940 « pour reconstitution de Ligue dissoute » (activité communiste clandestine). Il est d’abord emprisonné au camp de «séjour surveillé» d’Aincourt, près de Mantes dans le département de la Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise) ouvert spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la région parisienne par le gouvernement de Vichy. René Petitjean aurait donc connu Louis Briand à Aincourt.
Sources
- Registre matricule militaire.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Courriel de son petit fils, M. Dominique Dard (nov. 2016).
- Liste de Louis Jouvin (1972), Liste de Louis Eudier (p2), Liste de la CGT (p 2).
- Liste d’otages XL III 66, Centre de Documentation juive contemporaine (CDJC).
- Liste d’otages, traduction de Mme Lucienne Netter, professeur au lycée Jules Ferry, Paris.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en décembre 1992.
- Certificat de décès n° 76120 L.T. 2801 (Direction Départementale de la Seine Inférieure)
- Archives en ligne des Côtes d’Armor (Trézény).
- Registres matricules militaires.
Notice biographique rédigée rédigée en 2003 (complétée en 2012, 2016, 2017, 2020 et 2022, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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