Matricule « 45 431 » à Auschwitz

Cyrille De Foor : né en 1911 à Montataire (Oise), où il habite ; communiste ; arrêté le 16 juillet 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt, le 21 mars 1943.

Cyrille De Foor est né le 1er juillet 1911 à Montataire (Oise).  Il habite au 2, rue Lesiour dans cette même ville au moment de son arrestation. Il est le fils de Maria, Irma Van Hoecke, née en 1881 à Lootenhulle, non loin de Gand (Belgique) et d’Emile De Foor, ouvrier d’usine. La naissance est déclarée par Théophile Vispoel, né en 1881 en Belgique, manœuvre dans la métallurgie, avec lequel sa mère vit à cette date au 50, rue des Nations à Montataire, avec deux autres de ses enfants, nés De Foor, Emerance, née en 1904 à Montataire et Robert, né en 1909 à Creil.  Sa mère aura quatre autres enfants (Augusta, née en 1913, Albert, né en 1915, Gabrielle, née en 1918, et Gisèle, née en 1920) et habite au 48 bis rue des Nations en 1921.

L’usine Wallut de Montataire

Cyrille De Foor travaille dès l’âge de15 ans dans la métallurgie de Montataire : à l’usine Wallut en 1926, puis aux Forges de Montataire entre 1931 et 1936 comme lamineur.

Le 24 août 1935, il épouse Lucile, Fernande Deweerdt. Elle est plieuse à l’usine de confection «Aux 100.000 chemises» à Creil (in recensement de 1936).  Le couple habite au 2, rue Lesiour au moment de son arrestation. Il est un militant communiste, avant et après 1939.

Dès le début juin 1940, l’Oise est envahie par les troupes de la Wehrmacht. Nombre de villes et villages sont incendiés ou dévastés par les bombardements. Département riche en ressources agricoles, industrielles et humaines l’Oise va être pillé par les troupes d’occupation. Ce sont les Allemands qui disposent du pouvoir réel et les autorités administratives françaises seront jusqu’à la Libération au service de l’occupant (Françoise Leclère-Rosenzweig, in « L’Oise allemande »).

Le 1er décembre 1940 il est convoqué à la gendarmerie, et selon le rapport de gendarmerie,  il déclare ne pas renier ses idées.
Il est arrêté le 16 juillet 1941. Le même mois, sont arrêtés :  Marc Quénardel (de Montataire), Paul Crauet (4541) Georges Gourdon (45622), Marcel Bataillard (45203) et André Gourdin (45621), Gustave Prothais (46018), Jules Dubrulle, Paul Réau (46038), tous déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Il est remis à leur demande aux autorités allemandes qui l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), peu de jours après. Il est enregistré sous le numéro matricule 1310.

Le 18 septembre 1941, le commissaire spécial de la Sûreté nationale de Beauvais écrit à Paul Vacquier, Préfet de l’Oise, pour l’informer que « le Kreiskommandant de Senlis a demandé de lui transmettre une liste de quinze individus, choisis parmi les communistes les plus militants de la région creilloise, destinés, le cas échéant, à être pris en qualité d’otages. En accord avec le commissaire de police de Creil, la liste a été établie ». André Gourdin est inscrit en  position de cette liste avec la mention « déjà interné ».
Parmi les autres noms de cette liste, cinq d’entre eux seront comme lui déportés à Auschwitz : Marcel Bataillard, Paul Crauet, Georges Gourdon , André Gourdin,  Cyrille De Foor, Marc Quénardel.

Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais (1) a transmis au Préfet Paul Vacquier 66 notices individuelles concernant des internés au Frontstalag 122 à Compiègne, que le Préfet transmet au Feldkommandant. Parmi eux la notice de Cyrille Defoor « Militant actif et dangereux du Parti communiste dissous. N’a jamais renié les théories moscoutaires qu’il a déclaré reprendre le cas échéant ».18 autres de ces militants signalés les RG seront déportés à Auschwitz.

Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Cyrille De Foor est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45.431 »selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Cyrille De Foor meurt à Auschwitz le 21 mars 1943 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 300).
Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération (le 30 octobre 46, jugement déclaratif de décès)porte toujours la mention «décédé l’an 1943, le 15 mars à Auschwitz (Pologne)». Même pour une différence de quelques jours, Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le site : Les dates de décès à Auschwitz.

Une rue de Montataire porte son nom.

Cyrille De Foor est déclaré « Mort pour la France » le 6 mars 1947. La mention «Mort en déportation» a été ajoutée à son état civil le 23 novembre 1989. 

Note 1 : Georges Gourdon, rescapé du convoi, porte plainte à la Libération contre l’ancien commissaire de police de Creil et son secrétaire qui ont pris part à son arrestation et celle de Marcel Bataillard, Paul Crauet, , André Gourdin,  Cyrille De Foor, Marc Quénardel. . Ceux-ci sont condamnés à 15 ans de prison (ce type de peine sera levé au début des années 1950 par les lois d’amnistie votées par le Parlement).

Sources

  • Correspondance en mai 1991 avec Jean-Pierre Besse, historien, collaborateur du Maitron (communication de ses recherches aux archives départementales de l’Oise, séries M et W 8250, et auprès de l’état civil de la mairie de Montataire).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P consultées en 1992).
  • Photo de l’usine Wallut, © DR ministère de l’agriculture, conseil général et régional.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Photo de Cyrille De Foor d’après © Cédric Hoock in Mémorial Genweb 
  • Montataire, recensements de 1911 (vue 110), 1921 (vue 119) et 1936 (vue 22/ 128).

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2011, 2018 et  2021. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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