Matricule « 46.216 » à Auschwitz
Louis Armand ; né en 1898 à Charleville (Ardennes) ; domicilié à Joeuf (Meurthe-et-Moselle) ; machiniste ; socialiste ; arrêté le 1er juillet 1941 ; arrêté comme otage le 7 février 1942 ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942
Louis, Félix Armand est né le 7 juillet 1898 à Charleville (Ardennes).
Il habite au 25, rue du Commerce à Joeuf (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Elisabeth Baun, 28 ans, sans profession et de Louis, Félix Armand (même prénoms que son père), 31 ans, journalier. Ses parents habitent à Hollerich (Grand Duché du Luxembourg).
Soudeur, puis machiniste, Louis Armand est conscrit de la classe 1918.
Il aurait dû être mobilisé par anticipation (en 1917), comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre, mais il n’a pu être recensé et mobilisé « pour cas de force majeure ». Charleville est en effet occupée par les Allemands dès le 2 septembre 1914 (elle devient capitale du 2ème Reich où Guillaume II s’installe le 16 septembre 1914), jusqu’à la fin du conflit.
Au moment de sa mobilisation, Louis Armand habite 5, rue Pierre de Bar à Joeuf (Meurthe-et-Moselle).
Il est incorporé au 91ème Régiment d’infanterie le 20 novembre 1919. Il passe au 79ème RI le 23 février 1920.
Il est démobilisé le 20 juin 1920. Le 11 octobre 1920, il habite 5, rue Pierre de Bar à Joeuf.
En juin 1921, il est au Luxembourg à Rollingergrund. En février 1923, il habite à nouveau Joeuf au 19, rue grande.
Le 11 septembre 1924, à la mairie de Joeuf, il épouse Emilie, Marie Greiffenberg, née Dautremont le 2 juin 1902 à Auboué et reconnue par son père François Greiffenberg, mineur. Le couple a deux enfants, André, né en 1926 et Pierre, né en 1929, tous les deux à Joeuf.
En 1928, ils habitent 25, rue du commerce à Joeuf. Louis Armand est manœuvre chez Marine-De Wendel. Ils sont également à cette adresse en 1931 et en 1936, il est machiniste à Joeuf (Meurthe-et-Moselle) chez Marine-De Wendel.
Il est membre du Parti socialiste SFIO. Pour son épouse, Louis Armand « était inscrit purement et simplement à la section socialiste, il ne s’occupait que de la jeunesse pendant les vacances scolaires ». Il est cependant considéré par la Préfecture comme le responsable des « Faucons rouges » (1) de Dombasle.
Lors de la mobilisation générale du 2 septembre 1939, Louis Armand est « affecté spécial » aux Aciéries de la Marne à Homécourt.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Louis Armand est démobilisé par la brigade de gendarmerie de Joeuf le 10 octobre 1940, où « il se retire ».
D’après un certificat établi après la guerre par le liquidateur du mouvement de Résistance « Libération Nord », il hébergeait et nourrissait des prisonniers de guerre évadés et des Lorrains qui fuyaient leur département de la Moselle, annexé par l’Allemagne, et les accompagnaient sur une partie du chemin.
Louis Armand est arrêté une première fois le 1er juillet 1941. Il est enfermé pendant deux semaines à la Prison de Briey, avant d’être relâché.
En février 1942, le sabotage du transformateur d’Auboué, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle.
Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Hans Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
C’est dans la suite des 20 premières arrestations que Louis Armand est arrêté une seconde fois par des Feldgendarmen, le 7 février 1942, en même temps que Louis Bresolin, Arsène Dautréaux, René Favro, Maurice Froment, Valère Henry, Charles Mary, Jean Pérot, Primo Pasquini, Joseph Schneider, Serge Schneider et Emile Tunési.
Il est interné au camp allemand de Compiègne (le Frontsatalag 122) en mars 1942.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Louis Armand est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46. 216 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Louis Armand entre à l’infirmerie d’Auschwitz le 18 ou le 19 septembre 1942.
Il meurt le 19 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 33). De nombreux déportés d’Auschwitz (dont 148 «45000») sont déclarés morts à ces mêmes dates à l’état civil d’Auschwitz : il est vraisemblable qu’il sont morts dans les chambres à gaz de Birkenau, gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée dans les Blocks d’infirmerie. Son camarade Jung, le seul rescapé d’Homécourt, en a témoigné.
Il est homologué « Déporté Résistant » le 1eroctobre 1955 (certificat de validation n° 34.864, décision ministérielle n° DIR).
- Note 1 : Proche de la SFIO ce mouvement de jeunesse n’était pourtant pas une organisation d’éducation pour le Parti. Opposés à la guerre en Espagne, les « Faucons Rouges » et les Jeunes socialistes sont dissous en novembre 1936, en raison de leurs critiques à l’égard de Léon Blum (in Wikipédia).
Sources
- Informations recueillies auprès de la mairie de Joeuf (en 1972) par Charles Dallavalle, ouvrier sidérurgiste aux usines Marine Wendel d’Homécourt avant guerre, Résistant et déporté.
- Bureau de la Divisions des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz (N°31892 et N°9).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
- Bulletin périodique de l’Association Mémoire du Pays de l’Orne Pagus n°10 (novembre 1992), page 26.
- Registre matricule militaire, Etat civil, archives en ligne des Ardennes.
Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
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