René Favro : né en 1921 à Auboué (Meurthe-et-Moselle) où il habite ; Mineur-accrocheur à la mine de fer d'Auboué ; membre des Jeunesses communistes ; arrêté le 7 février 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 21 septembre 1942
René Favro est né le 13 juin 1921 à Auboué (Meurthe-et-Moselle) où il habite au 322, Cité du Tunnel.
Il est le fils de Marguerite Kohl ou Bonmenbach, née à Esch-sur-Alzette au Luxembourg en 1892 et d’André Favro, né en 1883 à Monpantero (Piémont / Italie), mineur à l’usine d’Auboué son époux. René Favro vit maritalement avec Éliane, fille d’immigrés italiens. Le couple a deux enfant (René et Fosca née en 1927, elle aussi à Auboué.
En 1931, la famille habite au 297 Cité du Tunnel. La famille Magrinelli (1) habite l’immeuble voisin, au n° 296. En 1936, ils ont déménagé et ne semblent pas habiter Auboué. mais après cette date, René Favro habite au n° 322 de la même cité. Il est mineur-accrocheur à la mine de fer d’Auboué.
Il est membre des Jeunesses communistes, puis du Parti communiste clandestin.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé.
Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Le 17 juin l’armée allemande occupe Auboué. La Kommandantur est installée dans le logement de la directrice d’école, au dessus de la mairie. Puis elle sera installée à Briey. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
René Favro participe à des actions de sabotage avec le groupe d’Auboué (lire l’article sur le sabotage du transformateur d’Auboué en cliquant sur ce lien).
Assistant à une réunion clandestine après le couvre-feu, il échappe de peu à une arrestation le 22 juillet 1941. « Le 22 juillet, il (Camille Thouvenin, responsable régional du PC clandestin) est hébergé par la famille Foggi, aux cités du Tunnel à Auboué. Une réunion se tient entre 20 h et 22 h, heure du couvre-feu, à laquelle participent quelques militants : René Favro, Giovanni Pacci, et Mario Tinelli. Après avoir fait un examen de la situation, Thouvenin explique le maniement des explosifs ayant été mineur et artificier dans l’armée, en vue de réaliser le sabotage de l’usine Socoxyl de Briey, productrice d’air liquide pour la fabrication d’explosifs nécessaires aux mines. A 22 h, Mario Tinelli et René Favro quittent la réunion qui se poursuit avec G. Pacci. Vers 23 h, la maison est encerclée par la police allemande et française. C. Thouvenin tente de s’échapper côté jardins ; il est blessé par balle et appréhendé » (Jean-Claude et Yves Magrinelli, Op. cité, p. 230).
René Favro est arrêté le 7 février 1942 par des Feldgendarme, en même temps que Louis Bresolin, Arsène Dautréaux, Maurice Froment, Valère Henry, Charles Mary, Jean Pérot, Primo Pasquini (2), Joseph Schneider, Serge Schneider et Emile Tunési.
Serge Schneider est le fils de Joseph Schneider. Jeune communiste, il raconte leur arrestation : « Le premier jour de mon nouvel emploi (c’est à l’usine d’Homécourt que j’ai pu commencer le 5 février 1942), en rentrant à 17 h 00 deux camarades (Maurice Froment et René Favro) m’interpellent pour m’annoncer qu’il y avait eu sabotage du transformateur à l’usine d’Auboué par un groupe de nos camarades. Nous avons discuté quelques minutes puis rapidement, la maison fut cernée par la gendarmerie française et la police secrète. Ils ont envahi notre café (Joseph Scheider, licencié en 1938 de l’usine d’Auboué a dû prendre la gérance d’un café), personne ne devait bouger, perquisition dans toutes les pièces. Malheureusement ils ont trouvé dans ma chambre un paquet de tracts, un camarade n’était pas venu chercher le paquet deux jours avant. Etant encore à table avec mes deux camarades, nous avons été emmenés tous les trois dans la prison de la gendarmerie d’Auboué, puis le lendemain avons été transférés à la prison de Briey ». » Le 7 février un car nous attendait à la porte de la prison de Briey avec 16 camarades, dont mon père qui avaient été arrêté le matin. Une douzaine de «
feldgendarmes » nous entouraient pour nous conduire à la prison de Nancy. Mon père fut mis directement au secret, le reste de la troupe a été séparé en deux groupes pour occuper deux cellules« .
A la suite du sabotage du transformateur d’Auboué, Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages.
René Favro est est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 2 mars, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, René Favro est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau et le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
René Favro meurt à Auschwitz le 21 septembre 1942, selon les registres du camp.
Il est homologué « Déporté politique », au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Son nom est gravé sur la stèle en « Hommage aux Francs-tireurs Partisans Français d’Auboué, morts aux camps de déportation d’Auschwitz (Maurice Froment, Valère Henry, Charles Mary, Emile Tunési, René Favro, Joseph Schneider) et Oaranienbourg (Génaro Nanini, Wladislaw Koziol, Dario Mériggiola), située en bas à gauche du monument « Auboué à ses glorieux Fusillés Francs-Tireurs Partisans Français » – Square Jean Moulin près du vieux cimetière. Relevé Bernard Butet.
- Note 1 : Jean Claude et Yves Magrinelli, auteurs de plusieurs ouvrages sur la classe ouvrière et la Résistance en Meurthe et Moselle
- Note 2 : Primo Pasquini, né en 1923 à Jarny. Il est déporté depuis Compiègne le 28 avril 1943 au camp de Sachsenhausen. Rescapé.
Sources
- « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920-1945 » (Jean-Claude et Yves Magrinelli) presses SNIC, Jarville, 1985.
- Mme Do, fille de Charles Schneider (1973).
- Bureau de la Division (ou Pôle) des archives des
victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen . « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948 », établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. (N°32136). - Death Books from Auschwitz/ Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts) : Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Recencement 1921, Auboué, Meurthe et Moselle.
Notice biographique rédigée en 1997 (modifiée en 2001, 2016, 2018 et 2021), pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteure des ouvrages « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
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