Matricule « 45.721 » à Auschwitz

René Lamboley : né en 1920 à Saint-Denis (Seine / Seine-St-Denis) où il habite ; monteur-ajusteur ; membre des Jeunesses communistes ; arrêté le 6 décembre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 6 décembre 1942.

René Lamboley est né le 24 mai 1920 à Saint-Denis (Seine / Seine-St-Denis).  Il habite au 14, puis au 16, passage Meunier à Saint-Denis (1) au moment de son arrestation.

Montage et photo © Pierre Cardon
Les tréfileries Mouton

Il est le fils d’Eugénie Kerrulen (née en 1886 à Louargat, Côtes du Nord) et de Georges Lamboley son époux.
A 16 ans, René Lamboley est apprenti chez Jeumont (ateliers de construction mécaniques) où son grand-père Alexandre Lamboley est ajusteur.
Il vit alors seul avec sa mère qui est alors  manœuvre chez Christofle à Saint-Denis.

Après avoir passé un CAP d’ajusteur, René Lamboley est embauché comme ajusteur-monteur à la Plaine-Saint-Denis, à la Tréfilerie Mouton de Saint-Denis.
Il est membre de l’équipe de football du Club Sportif Ouvrier Dyonisien affilié à la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (F.S.G.T.), qui devient en 1936 l’Olympique Dyonisien et prend place au Stade Auguste Delaune.
Il est adhérent aux Jeunesses communistes avant-guerre.
Après le 26 septembre 1939, date de l’interdiction des organisations communistes, il poursuit ses activités militantes (collages, inscriptions, distributions de tracts, etc.).
Selon Jean-Pierre Besse (notice du Maitron), il est mobilisé fin 1939 ou début 1940.

Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Pantin. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). A Saint-Denis la Wehmarcht installe un Frontstalag à la caserne des Suisses, qui fonctionne en réseau avec le Frontstalag 111 de Drancy et le camp de Romainville.

Démobilisé, René Lamboley reprend contact avec ses camarades de la Jeunesse communiste et ses activités clandestines. C’est d’ailleurs au cours d’une distribution de tracts qu’il est arrêté par des policiers français avec plusieurs de ses camarades, le 2 septembre 1940, rue des Ursulines à Saint-Denis lors d’une distribution de tracts entre la rue des Ursulines et la rue Catulienne. Sont arrêtés en même temps que lui Fernand Devaux, Guy Gaillard, Hammon, et Georges Philipidès. Ils sont d’abord conduits au commissariat de secteur, à Saint-Denis. René Lamboley est écroué  le 4 septembre 1940 au quartier allemand de la Santé.
Libéré en octobre, probablement le 23, il est de nouveau arrêté 9 novembre 1940 par des policiers français lors d’une rafle qui touche des dizaines de communistes du département de la Seine. Fernand Devaux se souvient qu’il y avait avec René Lamboley et lui, Pierre Primel de Saint-Denis et Camille Watremez  de Pierrefitte. Ils sont rassemblés le 10 novembre à la prison des Tourelles et emmenés le jour même au camp de « séjour
surveillé » d’Aincourt, près de Mantes en Seine-et-Oise (aujourd’hui dans les Yvelines – 78) ouvert spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les
communistes arrêtés par le gouvernement de Vichy. Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.
Sur la liste « des militants communistes « concentrés » reçue par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur
internement (C 331/7). Pour René Lamboley on lit les mentions : « 20 ans. A été arrêté pour distribution de tracts. Continue son activité.», suivies de son adresse. C’est la même formulation que pour Fernand Devaux.

Il y est avec Fernand Devaux à la « DJ », « le dortoir des
jeunes ».

Lors de la fermeture du camp des hommes, René Lamboley est transféré avec Philippe Jolès le 5 mai 1942 au camp d’internement français de Voves, près de Poitiers (Vienne).  Lire dans ce site : Le camp de Voves.  
Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France. René Lamboley figure sur la première liste. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».
Remis aux autorités allemandes à leur demande, celles-ci l’internent le 10 mai au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, René Lamboley est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

René Lamboley est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45721» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Selon le témoignage de Fernand Devaux, il est affecté au Block 18 et au Kommando DAW (kommando de fabrication de caisses de munitions) du camp principal. Il aide Fernand Devaux, extrêmement affaibli par ses premiers mois de détention, à entrer dans cet atelier fin octobre ou début novembre 1942.

René Lamboley meurt le 6 décembre 1942 à Auschwitz selon les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Ignorant sa déportation,
l’état civil français le déclare, après la guerre, mort à Compiègne le 6 juillet 1942.  L’arrêté ministériel du 16 décembre 1992 paru au Journal Officiel du 29 janvier 1993 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté qui corrige le
précédent qui indiquait mort le 6 juillet 1942 à Compiègne mentionne néanmoins encore une date erronée : décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz, soient les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude quand à la date réelle de décès à Auschwitz. Or celle-ci est maintenant connue ! Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

René Lamboley reçoit à titre posthume le grade de sergent dans la Résistance Intérieure Française comme « membre du Front National de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France ».

René Lamboley est homologué (GR 16 P 333964) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance dont les services justifient une pension militaire pour ses ayants droit.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué en ainsi que la mention « Mort pour la France ».
Son nom est inscrit sur le monument aux morts des déportés de la Résistance et sur le monument commémoratif concernant les Dionysiennes
et Dionysiens déportés entre 1940 et 1944.

  • Le 16 passage Meunier

    Note 1 : Fernand Devaux indique comme adresse le n°1 passage Meunier et le registre du camp d’Aincourt mentionne le n°16. On sait qu’une plaque commémorative a été apposée à son domicile à la Libération, mais elle n’existe plus, ni au 14, ni au 1, ni au 16, et on n’en voit aucune trace sur les murs. En tout état de cause, le recensement de 1936 indique que René Lamboley habite seul avec sa mère au n°14. Il est donc possible qu’après le remariage de sa mère avec Charles Georgler, mouleur, né le 31 mars 1905 à Saint-Denis, René Lamboley, sa mère, son beau-père et ses demi-frères aient habité la maison voisine au n° 16 (mention d’un mariage in le Maitron, notice de Jean-Pierre Besse, remariage dont nous n’avons pas trouvé trace dans l’acte de naissance de Charles Georgler, ni dans celui d’Eugénie kerrulien, l’année d’archive étant indisponible). Par ailleurs, au n° 4 du Passage Meunier subsiste une plaque en l’honneur d’Auguste Poullain « massacré par l’ennemi » en 1942. Il était le frère de Marcel Poullain, né à Saint Denis et déporté à Auschwitz

Sources

  • Plusieurs témoignages de Fernand Devaux, déporté dans ce convoi.
  • Archives municipales de Saint-Denis (consultées en 1988 par Fernand Devaux).
  • Archives en ligne de Saint-Denis (Ets Mouton).
  • Recensement de 1936, archives en ligne.
  • Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), archives du ministère de la Défense, Caen, fichier national et dossier personnel.
  • Liste (incomplète) des membres du convoi du 6 juillet 1942 reconstituée par numéros matricules en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporain (Ministère dela Défense, Caen).
  • Death Books from Auschwitz (Registres des décès d’Auschwitz), ouvrage publié par le Musée d’Etat (polonais) d’Auschwitz-Birkenau en 1995.
  • Photo du monument commémoratif concernant l’identité des Dionysiennes et Dionysiens déportés entre 1940 et 1944, Place de la
    Résistance. In © Les plaques commémoratives, sources de Mémoire.
  • Passage Meunier © photos Pierre Cardon.

Notice biographique mise à jour en 2013, 2019 et 2022 à partir de la notice succincte que j’avais préparée à l’occasion du 60ème anniversaire
du départ du convoi et publiée dans la brochure éditée par le Musée d’histoire vivante de Montreuil. Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour
Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000»
, éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et
coordonnées du  blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter ou la corriger, vous
pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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