
Matricule « 45 950 » à Auschwitz
Natale Passeri : né en 1898 à Gualdo Tadino (Italie) ; domicilié à Homécourt (Meurthe-et-Moselle) ; manœuvre, puis chef d'équipe aux aciéries ; militant CGT, anarchiste puis communiste ; interné 15 jours le 15 juillet 1941 ; arrêté comme communiste en février 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.
Natale Passeri est né le 29 décembre 1898 à Gualdo Tadino (Italie).
Il habite au 5, rue Mirabeau à Homécourt (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation. Il est le fils de Carolina Benetti et de Luiggi Passeri, son époux.
On ignore sa date d’arrivée en France. Le dictionnaire des militants anarchistes nous apprend cependant qu’il est paysan « sans doute d’origine juive » et qu’il obtient la nationalité française, domicilié alors à Audun-le-Tiche.
Il est naturalisé par le décret du 12 mars 1929.
Il habite successivement à Fontoy, Audun-le-Tiche et Hayange (en Moselle).
Le 24 mars 1923 à Hayange, il épouse Magdalena Gustineani. Elle est née le 19 septembre 1901 à Nocera Umbra (Italie).
Elle obtient la nationalité française par le décret collectif du 12 mars 1929.
Le couple a quatre enfants. Angèle, Félicité, née le 6 mars 1926 et naturalisée le 12 mars 1929 par décret collectif ; Aldina née le 6 janvier 1929 à Audun, naturalisée le 12 mars 1929 par décret collectif ; Gustave, né le 5 septembre 1930 à Jarny et naturalisé à cette date (Loi du 10 août 1927, art. 1) ; Flavia née le 17 janvier 1931 à Fontoy et naturalisée à cette date (Loi du 10 août 1927, art. 1).

Natale Passeri a été embauché comme manœuvre, puis il devient chef d’équipe chez « Marine », complexe sidérurgique (Compagnie des forges et aciéries de la Marine et d’Homécourt) avant les grèves de 1936, auxquelles il participe. La famille Passeri habite alors au 5, rue Mirabeau.
Natale Passeri adhère à la CGT pendant les grèves de 1936. Il adhère également au Parti communiste Français.
Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Fin juin 1940, La Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la zone réservée allant des Ardennes à la Franche-Comté.
La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, pages 229-251). A Homécourt la Préfecture recense 1 sabotage de voie ferrée et 3 sabotages de freins de wagons, et à Auboué, commune voisine de deux kilomètres, 2 sabotages de lignes téléphoniques, 2 sabotages d’installations industrielles, 3 sabotages de voies ferrées.
Le 15 juillet 1941, Natale Passeri est interné pendant quinze jours à la Maison d’arrêt de Briey à la suite d’une distribution de tracts communistes et d’une spectaculaire action la nuit du 13 au 14 juillet 1941 (un drapeau tricolore de 4 mètres sur 4 est fixé sur un pylône installé non loin du viaduc traversant Auboué, ainsi que des inscriptions hostiles à Vichy et à l’Allemagne) : Auboué est à deux kilomètres d’Homécourt, et les militants communistes y sont surveillés.
Le sabotage du transformateur d’Auboué, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942). Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50
déportations.
Natale Passeri est arrêté dans la période qui suit le sabotage du transformateur d’Auboué et il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu (Frontstalag 122) à Compiègne en vue de sa déportation comme otage.
Sur proposition du Préfet de Meurthe-et-Moselle, la nationalité française lui est retirée : Décret du 3 août 1942, publié au Journal officiel du 18 août 1942, après examen au cours de la séance n° 485 du 21 novembre 1941 par la commission 2.
Note aux Archives nationales : « Cet individu a été intégré au corpus grâce à sa présence dans le fichier BB/27/1422-BB/27/1445, sa fiche est conservée au sein de l’article BB/27/1438″.
Son épouse Madeleine et leurs quatre enfants sont dénaturalisés en même temps que leur mari et père (décret du 3 août 1942, publié au Journal officiel du 18 août 1942, après examen au cours de la séance n° 485 du 21 novembre 1941 par la commission 2). Natale Passeri est l’un des 12 dénaturalisés du convoi du 6 juillet 1942 : lire Douze « 45.000 » dénaturalisés par Vichy
Depuis le camp de Compiègne administré par la Wehrmacht (le Frontstalag 122), Natale Passeri va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Natale Passeri est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45.950 ».Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 524 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz

Natale Passeri meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après les registres du camp, probablement après avoir été pris dans une « sélection pour la chambre à gaz ». Jacques Jung, seul rescapé du convoi habitant Homécourt, a témoigné de sa mort.
Sources
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948 », établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz (N°31657) (N°264).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1929/1945 » (Jean-Claude et Yves Magrinelli). Imprimerie SNIC, Jarville / 1985.
- Alfred Rossolini Résistance, engagement d’une cité ouvrière, Auboué 1936-1945. Wotan Ed. Nancy 2016
- Recensement de 1936 Homécourt.
- Mail de janvier 2020 de M. Dominique Vitali, son petit neveu. La photo est tirée du dictionnaire des militants anarchistes ilaliens / Franco
Bertolucci, « Gli anarchici italiani deportati in Germania durante il secondo conflitto mondiale »,


Notice biographique rédigée en 1997 (modifiée en 2001, 2016, 2018, 2019 et 2020), pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteure des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942« , Editions Autrement, 2005 et 2015, Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
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