Emile Poyen © Pascal Huyssen. D.R.
Emile Poyen : né en 1891 à Dieppe (Seine-Maritime) ; domicilié à Longueau (Somme) ; cocher, cheminot ; communiste ; arrêté comme otage le 7 mai 1942 ; maison d'arrêt d'Amiens ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 13 septembre 1942.

Emile Poyen est né le 9 novembre 1891 à Dieppe (Seine-Maritime). Il habite au 105, rue Victor Hugo à Longueau (Somme) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Victoria, Alexandrine Bertrand, 31 ans et d’Auguste, Joseph, Benjamin Poyen, 32 ans, marin pêcheur. Ses parents se sont mariés à Dieppe le 14 mars 1884.
Conscrit de la classe 1911, son registre matricule militaire nous apprend qu’il est cocher, habitant Dieppe au 29, rue Notre Dame . Il mesure 1 m 72, a les cheveux châtain clair, les yeux châtain-verdatre, le visage osseuc. Il a un niveau d’instruction de niveau 3 pour l’Armée (sait lire, écrire et compter. Instruction primaire développée ».
Le 10 octobre 1911, Émile Poyen est appelé au service militaire au 2ème  Régiment de Sapeurs puis au 3ème  Régiment du Génie à Rouen.
Il est inscrit sur les listes électorales de Dieppe en 1913, profession cocher, domicilié au 29, rue Notre Dame.
Il est maintenu au corps en raison du décret de mobilisation générale à la déclaration de guerre au 2ème Régiment du Génie, puis il va « passer » dans plusieurs régiments sur « décision inconnue » indique le registre matricule (souvent il s’agir de régiments décimés ou particulièrement éprouvés, dont les hommes sont répartis dans d’autres unités. Après des blessures les hommes sont également réaffectés). Il va ainsi être au 21ème Régiment du Génie, à nouveau au 2ème Régiment du Génie en 1917 et 1918. Il est dans une unité combattante pendant 1 an, 1 mois et 27 jours. Il passe dans la réserve de l’armée active après l’armistice, « certificat de bonne conduite accordé ». Il est « Affecté spécial » pour la réserve de l’armée active, à la 4ème section des Chemins de fer de campagne, comme employé de l’administration des chemins de fer.

La vigie de Dieppe février 1919

Le 15 février 1919 , Emile Poyen, encore mobilisé, épouse à Dieppe Henriette, Yvonne Guillot née le 31 mars 1898 dans cette commune. Elle est blanchisseuse. Ils auront trois enfants (Andrée, qui naît le 19 mars 1920, Yvette née le 1er août 1924, et Jean-Marie né le 23 novembre 1941).
Emile Poyen est membre du Parti communiste selon le témoignage d’enfants de déportés, ce que ne confirment pas les fiches de police. Il est cheminot, chauffeur de route au dépôt SNCF d’Amiens (agent SNCF n° 40198).

Amiens : chars allemands sur la route de Paris

Après la percée allemande à Sedan, les troupes allemandes se ruent vers Amiens. Située sur la Somme elle est le dernier obstacle naturel avant la Seine et Paris : la ville est un nœud ferroviaire et routier de première importance. Le 19 mai 1940, les Allemands sont aux portes d’Amiens. Malgré une résistance acharnée des armées françaises, Amiens est prise le 20 mai. La prise d’Amiens ouvre à la Wehrmacht la route de Paris et lui permet de poursuivre son offensive vers le sud. Les conditions d’occupation sont très dures. Dès l’été 1940, une poignée d’hommes et de femmes forment les premiers groupes de Résistance dans le contexte de la défaite militaire, de l’occupation, de la mise en place du régime de Vichy. Au PCF, dans la clandestinité depuis septembre 1939, les premières structures de résistance sont opérationnelles à l’automne 1940.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1942, une grue de relevage de 32 tonnes est sabotée au dépôt d’Amiens. La plaque tournante du dépôt d’Amiens saute le 11 mai 1942 (ce qui paralyse pour longtemps le trafic). A titre de représailles, les Allemands arrêteront au total 37 cheminots du dépôt d’Amiens pour ces deux sabotages.

«Camarades livrés par les traîtres, 1er mai 1942, disparus au camp d’Auschwitz, Poyen, Poiret, Baheu, Dehorter, Charlot, Boulanger, Morin, Allou»

Des policiers allemands (Gestapo) arrêtent Emile Poyen le 7 mai 1942 (8 autres cheminots du dépôt d’Amiens-Longueau sont arrêtés entre le 3 et le 20 mai et seront également déportés à Auschwitz avec lui : Roger Allou, Fernand Charlot, Clovis Dehorter, Paul Baheu, Fernand Boulanger, Albert Morin, Francois Viaud. Lire l’article du blog : Des cheminots d’Amiens-Longueau dans la Résistance.

Emile Poyen est transféré sans jugement fin mai 1942 de la maison d’arrêt d’Amiens au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Emile Poyen est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «46009 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il était donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves, même s’il est plausible. Il ne figure plus dans mon ouvrage « Triangles rouges à Auschwitz».

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Emile Poyen meurt à Auschwitz le 13 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 961).

Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé le 6 juillet 1942 à Birkenau (Pologne)» qui est la date du départ du convoi. Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 27 janvier 1998). Ceci était pourtant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.

Il est homologué (GR 16 P 489474) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un
des mouvements de Résistance.
Emile Poyen est homologué «Déporté politique» (L.A. 15749).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1998).

Rue Emile Poyen à Longueau

Une rue de Longueau honore son nom, qui est également inscrit sur le monument aux morts de la commune.

 Sources

  • Mme Jacqueline Jovelin, la fille de Clovis Dehorter m’a envoyé en octobre 1990 la photocopie d’une carte postale (manifestation du souvenir, après la guerre : sur la pancarte «Camarades livrés par les traîtres, 1er mai 1942, disparus au camp d’Auschwitz, Poyen, Poiret, Baheu, Dehorter, Charlot, Boulanger, Morin, Allou»).
  • «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Paris 1995 (basés essentiellement sur les certificats de décès, datés du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, relatifs aux détenus immatriculés au camp d’Auschwitz. Ces registres sont malheureusement fragmentaires.
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juillet 1992 et octobre 1993.
  • Photo d’Emile Poyen in site « Mémoire Vive », © Pascal Huyssen. D.R.
  • © www.premiumwanadoo.com/…la…/longeau/longeau.htm
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Sitewww.mortsdanslescamps.com

Notice biographique rédigée en juillet 2011, complétée en 2015, 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *