Germain Villa : né en 1903 à Bettola (Emilie-Romagne, Italie) ; domicilié à Albert (Somme) ; Cafetier ; arrêté comme communiste le 25 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 17 septembre 1942.

Gerolamo Villa (dit Germain) est né le 25 novembre 1903 à Bettola, province de Piacenza (Emilie-Romagne, Italie).
Il habite au 8, avenue de la République à Albert (Somme), où il tient un café avec son frère et sa belle-sœur Clémentine : le « Café de l’Industrie » au moment de son arrestation (il s’agit d’un petit bâtiment à un étage).
Il est le fils de Cesarina Cesari et d’Antonio Villa.
D’après son frère aîné, Fortuné (Fortunato) Villa , entrepreneur de transports (1), il fonde un club cycliste en 1936, puis un club de photo.
Il pense que son frère était communiste (anarcho-syndicaliste nous écrit la Mairie d’Albert, mais il est plus vraisemblablement communiste, dans la mesure où le café du 8, avenue de la République à Albert, sert de lieu de rendez-vous pour les militants communistes d’Albert.
En 1936, associé à Fortunato et son épouse Clémentine (Clémentine Petit née en 1903 à Paris 17e), Gerolamo Villa, il gèrent le débit de boisson dit « Café de l’Industrie » où ils habitent avec la mère de Clémentine.
Germain Villa et son frère Fortunato, ressortissants italiens, sont internés comme « étrangers suspects » au camp du Vernet (Ariège), dans la mesure où l’Italie a déclaré la guerre à la France.
Il est possible qu’ils aient fait partie du petit nombre d’étrangers non Espagnols en 1939 ou qu’ils aient fait partie du contingent de 1800 italiens  internés le 16 mai 1940 après la déclaration de guerre de l’Italie à la France, le 10 juin 1940. Les conditions au camp du Vernet sont très dures. « A leur arrivée, les internés avaient le crâne tondu et étaient dépouillés de leurs objets personnels. Ils étaient en permanence sous la surveillance des Gardes Mobiles arpentant le camp baïonnette au canon. Soumis à des travaux humiliants et inutiles, ils étaient sous la menace constante de châtiments corporels en cas de « mauvaise volonté » (in APRA).

Amiens, chars allemands sur la route de Paris

La « drôle de guerre » prend fin le 10 mai 1940 avec l’attaque allemande aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Belgique. Le 20 mai, les Allemands de la 1ère  Panzerdivision occupent Albert. L’ancien aérodrome d’Albert-Bray est alors utilisé par la Luftwaffe. L’armistice est signé le 22 juin 1940. Les conditions d’occupation sont très dures. Albert et la Somme font partie de la « zone interdite » interdite d’accès à leurs populations de retour d’évacuation. Dès l’été 1940, une poignée d’hommes et de femmes forment les premiers groupes de Résistance dans le contexte de la défaite militaire, de l’occupation, de la mise en place du régime de Vichy. Au PCF, dans la clandestinité depuis septembre 1939, les premières structures sont opérationnelles à l’automne 1940. En novembre 1941 des tracts communistes sont diffusés dans les rues d’Albert et le 30 décembre 1941, un contremaître allemand est tué. En mai 1942, les communistes d’Albert fabriquent et diffusent clandestinement un journal : « L’Exploité albertin ». Six Albertins seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 : Cavigioli Émile, Dessein Florimond, Fletcher John, Pignet Ernest, Pignet René et Villa Gerolamo.

Le 21 décembre 1940, le commissariat spécial d’Amiens note que Germain Villa est « rentré à Amiens depuis deux mois environ ».
Son nom et celui de son frère figurent sur une liste d’anciens communistes pouvant être interné administrativement en cas de distribution de tracts.

Le 25 octobre 1941, les frères Villa sont arrêtés avec cinq « personnes de l’arrondissement de Péronne arrêtées par l’autorité allemande ». « Il est à noter que les sieurs Villa … ont été arrêtés par ordre des autorités françaises, mais qu’en raison de leur nationalité italienne, ils ont été transférés à Compiègne », qui est un camp géré par la Wehrmacht. Ils sont arrêtés à la même date qu’Emile Cavigioli et Maurice Dessein tous deux métallos chez Potez à Méaulte, près d’Albert.
Gerolamo Villa et son frère sont remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci les internent fin octobre 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Germain Villa est immatriculé à Compiègne sous le numéro « 2055 » et Fortunato sous le matricule « 2056 ». Nous ne savons pas précisément quel a été le sort de Fortunato Villa après le départ de son frère pour Auschwitz. Mais grâce à M. Jean Marie Declercq, chargé des Affaires culturelles à la Mairie d’Albert, et à notre ami Marc Savini, chercheur italien, nous savons qu’il a survécu à son internement : il est en effet décédé en 1974 à Noisy-le-Grand (1).

Fin 1941, plusieurs familles de la Somme (des villes d’Albert, Belloy, Friville, Mers, Oust-Marest) ont sollicité François Brinon, délégué général du gouvernement français pour les territoires occupés, afin de connaître le sort de leurs proches arrêtés entre les 20 et 23 octobre 1941 et internés à Compiègne entre les 23 et 28 octobre, et demander leur libération. Brinon a questionné le préfet de la Somme qui lui répond le 26 décembre 1941 pour ceux d’Albert « ces personnes qui, en raison des renseignements défavorables recueillis au cours de l’enquête (ex-militants communistes), n’ont pas fait l’objet d’une demande de libération à la Feldkommandantur 580 d’Amiens ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Gerolamo Villa est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro « 46 192 » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Gerolamo Villa meurt à Auschwitz le 17 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 3 page 1276).
Lire dans le site
Les dates de décès à Auschwitz.
De nombreux déportés d’Auschwitz (dont 148 «45 000») sont déclarés morts aux dates des 17 au 19 septembre 1942 à l’état civil d’Auschwitz : il est vraisemblable qu’il sont morts dans les chambres à gaz de Birkenau, gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée dans les blocks d’infirmerie.

  • Note 1 : son frère Fortunato Villa est né le 30 mai 1896 à Bettola. Décédé le 13-10-1974 à  Noisy Le Grand. Il est homologué au titre la Résistance française, comme appartenant à un des mouvements de Résistance (Vincennes 16/P/594821). Je remercie notre ami Marc Savini, chercheur italien, qui a pris contact avec la municipalité de Bettola pour connaître sa date de décès.

Sources

  • Eugène Garnier et André Faudry ont témoigné de sa présence à Auschwitz.
  • Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en février 1992.-
  • Renseignements venant de Fortunato Villa, frère de Gerolamo (1992), recueillis par M. Jean Marie Declercq, chargé des Affaires culturelles (Mairie d’Albert, 9 mars 1992).
  • «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Paris 1995 (basés essentiellement sur les certificats de décès, datés du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, relatifs aux détenus immatriculés au camp d’Auschwitz. Ces registres sont malheureusement fragmentaires.
  • © The Central Database of Shoah Victims’ Names 
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Archives départementales de l’Aisne, commissariat régional aux Renseignements généraux, partis politiques des départements voisins : Ardennes, Somme et Oise .
  • Recensement 1936, Albert AD 80.

Notice biographique rédigée en juillet 2011, complétée en 2015, 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *