Matricule « 45 469 » à Auschwitz
Maurice Dessein : né en 1902 à Albert (Somme), où il est domicilié ; charpentier en fer ; militant CGT et communiste ; arrêté le 25 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 17 décembre 1942.
Florimond, Maurice (son prénom d’usage), Dessein est né le 7 mai 1902 à Albert (Somme) où il habite au 7, rue Marcel Vast au moment de son arrestation.
Il est le fils de Gertrude, Lucienne Arrachart, 45 ans, née en 1857 et de Florimond, Ernest Dessein, 47 ans, né en 1854, mécanicien, son époux. Ses parents habitent au 35, rue Duflos-Ferret à Albert.
Le 6 juin 1925 à Bouzincourt, (à 7 km d’Albert) il épouse Odette Olympe Droulin, sans profession. Elle est née le 1er avril 1906 à Ville-sur-Ancre (Somme / décédée à Marseille le 15 janvier 1994).
Le couple a un garçon, Guy, qui naît à Albert le 18 avril 1928 (1).
Maurice Dessein est charpentier en fer aux usines «aéroplanes Henri Potez» à Meaulte (à 2,5 km d’Albert). Henri Potez y a créé en 1924, la plus grande usine aéronautique du monde, sur 2,5 hectares (3200 employés en 1930). C’est de là que sortira le Potez 25, avion mythique qui fera les beaux jours de l’Aéropostale. L’usine est nationalisée en 1937 et devient la SNCAN (Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord), elle fabriquera le bimoteur Potez 63-11 le plus utilisé par l’armée de l’air en 1939/1940.
Maurice Dessein est membre du Parti communiste et adhérent à la CGT.
La « drôle de guerre » prend fin le 10 mai 1940 avec l’attaque allemande aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Belgique. Le 20 mai, les Allemands de la 1ère Panzerdivision occupent Albert. L’ancien aérodrome d’Albert-Bray est alors utilisé par la Luftwaffe. L’armistice est signé le 22 juin 1940. Les conditions d’occupation sont très dures. Albert et la Somme font partie de la « zone interdite » interdite d’accès à leurs populations de retour d’évacuation.
Dès l’été 1940, une poignée d’hommes et de femmes forment les premiers groupes de Résistance dans le contexte de la défaite militaire, de l’occupation, de la mise en place du régime de Vichy.
Au PCF, dans la clandestinité depuis septembre 1939, les premières structures sont opérationnelles à l’automne 1940. En novembre 1941 des tracts communistes sont diffusés dans les rues d’Albert et le 30 décembre 1941, un contremaître allemand est tué. En mai 1942, les communistes d’Albert confectionnent et diffusent clandestinement un journal : « L’Exploité albertin ». Six Albertins seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 : Cavigioli Émile, Dessein Florimond, Fletcher John, Pignet Ernest, Pignet René et Villa Gerolamo.
Des le début de l’Occupation, Maurice Dessein semble avoir eu une activité militante au sein du Parti communiste clandestin.
Il est arrêté le 25 octobre 1941 à son domicile par les polices française et allemande, comme communiste et pour « distribution de tracts anti-allemands » écrit son fils, à la même date qu’Emile Cavigioli, également métallo chez Potez.
Maurice Dessein est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 28 octobre 1941. «Pendant 9 mois » confirme son fils. Il reçoit à Compiègne le matricule « 2054 ».
Fin 1941, plusieurs familles de la Somme (des villes d’Albert, Belloy, Friville, Mers, Oust-Marest) ont sollicité François Brinon, délégué général du gouvernement français pour les territoires occupés, afin de connaître le sort de leurs proches arrêtés entre les 20 et 25 octobre 1941 et internés à Compiègne entre les 23 et 28 octobre, et demander leur libération. Brinon a questionné le préfet de la Somme qui lui répond le 26 décembre 1941 pour ceux d’Albert (Dessin, Villa et Cavigioli) « ces personnes, en raison des renseignements défavorables recueillis au cours de l’enquête (ex-militants communistes), n’ont pas fait l’objet d’une demande de libération à la Feldkommandantur 580 d’Amiens ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Dessein est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le prénom de Maurice. Il reçoit le numéro matricule « 45 469 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Maurice Dessein est mort à Auschwitz le 17 décembre 1942 d’après la liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Son acte de décès (transcription du 7 mai 1946 à la mairie d’Albert) indique : « décédé à Auschwitz le 16 novembre 1942″.
Il a été déclaré « Mort pour la France » (n° 1683, ACVG 19 février 1947).
Le titre de «Déporté politique » lui a été attribué (carte n° 110209244). La mention « Mort en déportation » a été inscrite sur son acte de décès (arrêté du 29 avril 1988, paru au Journal officiel du 10 mars 1988).
Pour l’élaboration du dossier, Eugène Garnier a délivré une attestation (le 1er avril 1954) témoignant de son activité comme résistant.
Le nom de Maurice Dessein figure sur la plaque commémorative dans la Mairie d’Albert.
En 1960, un article du journal local lui rend hommage. Mais les dates d’arrestation, de déportation et de sa mort à Auschwitz sont malheureusement toutes erronées.
- Note 1 : Son fils, Guy Dessein, a été homologué (GR 16 P 180848) au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance. Il est décédé le 15 décembre 2003 à Carnoux-en-Provence.
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par son fils unique Guy Dessin (5 avril 1991), qui habitait à l’époque à La Destrousse (Bouches-du-Rhône).
- Documents familiaux (photos, coupure de presse) provenant de Guy Dessin et de son cousin Albert Dessein (avril 1991).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en décembre 1992.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- M. Lalou, ADIRP d’Amiens (26 mars 1991).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en décembre 1992, Caen. Dossier de déporté N° 1683.
Notice biographique rédigée en juillet 2011, complétée en 2015, 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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