Matricule « 45 567 » à Auschwitz
Georges Gallepie : né en 1896 à Arvert (Charente-Inférieure / Charente-Maritime) ; domicilié à l’Haÿ-les-Roses (Seine / Val-de-Marne) ; boulanger, vannier ; prisonnier de guerre évadé ; arrêté le 5 décembre 1940 ; interné au camp d’Aincourt, maison d’arrêt de Mantes, camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 3 décembre 1942.
Georges Gallepie est né le 2 mars 1896 au lieu-dit Bondignon à Arvert (Charente-Inférieure / Charente-Maritime) au domicile de ses parents. Georges Gallepie habite au 45, route de Paris (devenue rue Gabriel Péri) à L’Haÿ-les-Roses (Seine / Val-de-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Angeline Poirier, 30 ans et de Julien, Emile Gallepie, 30 ans, vannier, son époux.
Il a deux sœurs aînées (Angeline née en 1887 et Cécile, née le 17 novembre 1893), un frère, Marcelin et une sœur cadette Georgette (née le 23 octobre 1898). La famille habite au lieu-dit La Baume, puis au Boudignou.
Par sa fiche matricule militaire on sait qu’au moment de son conseil de révision il se déclare boulanger. Il mesure 1m 61, a les cheveux châtain noir et les yeux « châtain clair ». Il a un niveau d’instruction n° 2 (« sait lire et écrire »).
Conscrit de la classe 1916, il est incorporé par anticipation à compter du 9 avril 1915. Arrivé au corps le 10 avril 1915, il passera successivement aux 3è Régiment d’Infanterie Coloniale (23 octobre 1916), 2è RIC, 22è RIC (11 août 1917), 6è RIC (21 janvier 1918). Il est démobilisé à Marennes au 3è RIC le 6 octobre 1919, avec un certificat de bonne conduite. La commission de réforme lui accorde 10 % de pension en 1922 pour maladie contractée en service.
A partir de 1920, il vit avec Cécile Peureux, la sœur de Raymond Boudou, qui sera déporté avec lui à Auschwitz. Employée, elle est née le 17 novembre 1893 à Marennes. Elle est séparée de son mari, Jules Peureux épousé le 10 septembre 1915.
Le 6 mai 1922 Georges Gallepie et sa compagne Cécile Peureux-Boudou sont témoins au mariage de Raymond Boudou à la maire du 14è.
Le 14 octobre 1922, Georges Gallepie habite au 163, rue du Château à Paris 14è, à la même adresse que Raymond Boudou. Il s’agit d’un petit immeuble de cinq étages.
En février 1924, Georges Gallepie, qui travaille comme fondeur chez Citroën, est mentionné comme étant membre du comité de grève des Usines Citroën (rapport de police du 28 février).
Le 27 septembre 1934, il déménage à Vitry, au 28, rue de l’Argonne.
Il s’installe à L’Haÿ-les-Roses au 45, route de Paris, à la même adresse que celle de Gaston Boudou et sa famille (sa femme et ses deux enfants). Celui-ci est le frère de Raymond Boudou,
Membre de l’ARAC, Georges Gallepie fait partie de la délégation de l’Haÿ-les-Roses qui rend hommage à Paul Vaillant-Couturier et Henri Barbusse au cimetière du Père-Lachaise, le 4 septembre 1936.
En 1936, il est inscrit sur les listes électorales de l’Haÿ-les-Roses, avec la profession de vannier (mais sur les registres de recensement de la commune, il a indiqué boulanger). Il vit alors avec Cécile Peureux, qui est à cette date employée au chômage et le fils de celle-ci, Marcel Peureux, né en 1915, lui aussi vannier à l’Haÿ.
Il travaille à nouveau dans la métallurgie comme ébarbeur en 1938, chez Salmson à Billancourt.
Georges Gallepie est considéré par la Police comme un « meneur communiste très actif » (cette mention figure dans l’exposé des motifs d’arrestation transmis par les renseignements généraux au directeur du camp d’Aincourt).
A la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, Georges Gallepie est mobilisé comme « affecté spécial » au titre du tableau III à la société des « moteurs Salmson », 102, rue du Pont à Billancourt (il y travaille comme ébarbeur en fonderie). Ayant quitté l’entreprise, il est rayé de « l’Affectation spéciale ». Mais après la déclaration de guerre, Georges Gallepie est classé “affecté spécial” le 20 octobre, au titre de la fonderie Rollin à Paris où il a trouvé du travail. Puis il travaille chez le vannier Feyeux, au Kremlin-Bicêtre.
Le 7 novembre 1939 le commissaire de police de Gentilly, Marcel Cambon, ordonne une perquisition au domicile de Georges Gallepie. Seuls des journaux d’avant l’interdiction du PC son trouvés. Il n’y a donc pas matière à inculpation. Mais les communistes de l’Haÿ sont dans le collimateur des policiers. Georges Gallepie est rayé de « l’affectation spéciale » par mesure disciplinaire (décision du Général commandant la Région de Paris le 28 février 1940), comme la plupart des syndicalistes et/ ou communistes connus de la police.
Il est alors mobilisé au 107è Régiment d’Infanterie à Angoulême. Au début mars 1940, son camarade Raymond Boudou et des ex-élus dont l’ancien maire, sont arrêtés par la 1ère brigade de police mobile du commissaire Delrieu.
Le 107è RI combat et se replie après avoir repoussé plusieurs attaques allemandes.
Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Selon le témoignage de Raymond Boudou (voir document plus bas) « alors qu’il était soldat, il s’était évadé d’un camp allemand, puis rentré en France. Mais à la suite d’une dénonciation anonyme, il fut arrêté à nouveau par la Gestapo le 5 décembre 1940″. Ils se retrouvent alors au camp d’Aincourt« .
Ce témoignage de Raymond Boudou certifié devant le maire de l’Haÿ-les-Roses à son retour des camps, ne correspond cependant pas à celui de Cécile Peureux (la sœur de Raymond Boudou et compagne de Georges Gallepie) qui expliquera aux enquêteurs lors d’une perquisition en novembre 1940 que son conjoint a été – comme le Maire de l’Haÿ – arrêté dans son régiment fin mars 1940, incarcéré à la Santé, et s’est retrouvé dans la fameuse « colonne de Cépoy » (2) lors de l’évacuation des prisons militaires de Paris, et qu’il s’en évade le 19 juin à l’occasion d’une attaque de l’aviation allemande. Il revient alors à l’Haÿ où il se fait démobiliser fin juillet. Il reprend son travail comme vannier chez Feyeux, au Kremlin-Bicêtre.
Georges Gallepie est arrêté le 5 décembre 1940 (selon Raymond Boudou, mais sa fiche au DAVCC porte la date du 2 décembre). Il ne s’agit pas d’une dénonciation comme il le dit à son camarade Boudou à Aincourt, mais d’une rafle qui concerne 58 militants connus comme communistes de la région parisienne. D’abord conduit à la caserne des Tourelles (boulevard Mortier à Paris 20è), il y retrouve Raymond Boudou, arrêté le même jour que lui, avec lequel il aura le même parcours jusqu’à sa mort à Auschwitz.
Georges Gallepie et Raymond Boudou sont internés administrativement avec les 56 autres militants de la Seine au camp de « Séjour surveillé » d’Aincourt, ouvert le 5 octobre 1940 par le gouvernement de Vichy pour y enfermer les communistes des départements de la Seine et de la Seine-et-Oise.
Lire dans le site Le camp d’Aincourt.
Sur la liste « des militants communistes internés le 6 décembre 1940» reçue des Renseignement généraux par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Georges Gallepie on lit : «44 ans, meneur communiste très actif, 45 route de Paris à L’Haÿ-les-Roses».
Du 9 juillet au 22 août 1941, Raymond Boudou et lui sont tous deux transférés à la Maison d’arrêt de Mantes, « en raison de leur attitude au camp« . Ils sont peut-être ramenés à Aincourt. Le 9 mai 1942, ils sont remis aux autorités allemandes et transférés – au sein d’un groupe d’une quinzaine d’internés – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp de Compiègne, Georges Gallepie et Raymond Boudou vont être déporté le 6 juillet 1942 à destination d’Auschwitz.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Georges Gallepie est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Georges Gallepie est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 467» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (3) a été identifiée par des rescapés de son convoi (dont Raymond Boudou), lors de la réunion organisée par l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin « Après Auschwitz« , n°20 de mars-avril 1948).
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Georges Gallepie meurt à Auschwitz le 3 décembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 331 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il y est indiqué avec ses dates et lieux de naissance et de décès, avec la mention « Katolisch » (catholique).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
- Note 1: Elle est séparée de son mari, Jules Peureux, épousé le 10 septembre 1915. Le couple eut un garçon né en 1915 à Angoulême. Cécile Boudou-Peureux sera déportée dans le convoi de 111 femmes dirigées au camp de Ravensbruck, le 30 juin 1944. Elle y meurt le 1er mars 1945. Jules Peureux sera lui aussi déporté, depuis Compiègne, le 22 janvier 1944, vers Buchenwald. Il meurt à Mauthausen le 25 février 1945. Il est homologué FFI et RIF.
- Colonne de Cépoy : la Prison militaire de Paris (les prisons de la Santé et du Cherche-Midi) est évacuée sous escorte armée entre le 10 et le 12 juin 1940, sur ordre de Georges Mandel, ministre de l’Intérieur. Ils sont 1865 au départ de Paris. Le repli a pour but de transférer les détenus « dangereux » de la « prison militaire de Paris » au camp de Gurs (arrondissement d’Oloron) puis à Mauzac. Ils sont évacué par autobus de la TCRP, le 10 juin 1940. A Orléans, les gardiens du convoi apprennent que la maison d’arrêt est bondée ; le convoi repart donc jusqu’au camp des Grouës, proche de la gare des Aubrais, où 825 prisonniers, sont débarqués. Prisonniers et gardiens y resteront quatre jours, du 11 au 15 juin. Le séjour au camp des Grouës est marqué par les raids incessants de l’aviation allemande qui terrorisent détenus et gardiens. C’est pourquoi, le 15 juin, tout le monde repart. Mais cette fois, plus question d’autobus, le transfert se fera à pied et de nuit. Ils rejoignent le lendemain à Jouy-le-Potier des camions qui les conduisent à la base aérienne 127 d’Avord, près de Bourges. Ils y retrouvent un autre groupe d’Ile de France venu du camp de Cépoy, près de Montargis (Loiret). (…). Gardiens et détenus n’y restent que quelques heures, puis repartent en autobus jusqu’à Bordeaux, Mont-de-Marsan, Orthez et Gurs. Ils arrivent au camp en deux groupes, les 21 et 23 juin. Ils y resteront plusieurs mois, jusqu’au début de l’hiver (L’histoire du camp de Gurs, in © Amicale du camp de Gurs).
- Note 3 : 524 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande. Liste des communistes internés le 6 décembre 1940 (C 331/7).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Death Books from Auschwitz (Registres des décès d’Auschwitz), ouvrage publié par le Musée d’Etat (polonais) d’Auschwitz-Birkenau en 1995.
- Attestation de Raymond Boudou datée du 3 juin 1945.
- Mme Boudou, lettres à Roger Arnould, 1972.
- Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.
- Registre matricule militaire de Charente-Maritime (2015).
Notice biographique rédigée en 2003, mise en ligne en 2012, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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