Notice de 2014. Problème technique… pour une notice plus récente, cliquez sur ce lien 
https://deportes-politiques-auschwitz.fr/2014/10/saintive-lucien_5/Lucien  

Lucien Saintive au camp de Rouillé

Lucien Saintive est né le 18 novembre 1910 à Paris (5ème).
Il habite au 98 bis rue Bobillot à Paris (13ème) dans le quartier « Maison
Blanche » au moment de son arrestation.

Il
est le fils de Zéline, Eugénie Buignet 33 ans, et de Charles, Auguste Saintive,
29 ans, ajusteur, son époux. Il a une sœur aînée, Irène née en 1908.

Lucien Saintive épouse Adrienne Mignot le 26 novembre
1932 à Paris 13ème.

Il est appelé au service militaire en 1930.

Le couple a
un fils qui
naît 
 en 1934.

Ils
habitent au 113 rue Nationale à Paris 13ème.

En
1936, Lucien Saintive travaille comme métallurgiste (soudeur) aux ateliers
Chaise et Cie – acquis par l’Omnium
Industrielle Métallurgique
en 1927 (1) 53 rue Lançon et rue Brillat Savarin
à Paris (13ème).

Lucien
Saintive est membre du Parti communiste.

Chez
Chaise, il milite avec René Anjolvy, qui quoiqu’habitant Gentilly, est
secrétaire à l’organisation du P.c. dans le 13ème arrondissement.

Le
24 août 1939, Lucien Saintive est mobilisé. Le 25 octobre, il est requis comme « affecté
spécial » (3) dans son entreprise qui construit des moteurs industriels et
agricoles et des motocyclettes, vraisemblablement reconvertis dans la
production de guerre.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht
entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse
d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire
allemand en France. 

Avec L’Occupation allemande, dès juillet 1940 dans le 13ème, Louis Chaput (sous la
responsabilité de Denise Ginolin) entreprend la réorganisation du Parti
Communiste dans l’arrondissement. Avec la démobilisation de Louis Le Corre et
de René Anjolvy, le secrétariat de section d’avant-guerre est presque au
complet. Une soixantaine de militants sont contactés et acceptent l’action
clandestine dans Paris occupé.

L’Humanité du 26 août 1940

René
Anjolvy a repris contact avec Lucien Saintive. Celui-ci a accepté et diffuse alors
L’Humanité clandestine dans son
quartier et des tracts provenant de « l’échelon
supérieur
 » (écrit Louis Chaput), le Pc du 13ème n’ayant
pas encore de matériel pour éditer ses propres tracts.

Lucien
Saintive est arrêté le 31 août 1940 par des gardiens de la Paix du commissariat
du quartier Maison Blanche pour avoir distribué
l’Humanité clandestine
dans la rue Auguste Lançon. Il est enfermé au Dépôt de la Santé jusqu’au 23
octobre et relâché comme un certain nombre de militants. Vraisemblablement filé,
il est arrêté à nouveau le 9
novembre 1940 pour avoir continué ses activités (tout comme Pierre Bourneix, arrêté
le même jour que lui et lui aussi relaxé).

Le
9 novembre, le Préfet de Paris ordonne l’internement administratif de 66
suspects d’activité communiste. Lucien Saintive fait partie de ces militants
arrêtés par la Police française. Il est transféré au camp de « Séjour
surveillé
 » d’Aincourt, ouvert le 5 octobre 1940 par le gouvernement
de Vichy pour y enfermer les communistes du département de la Seine. Lire
dans le blog Le
camp d’Aincourt
.

Il
est interné au Dortoir des jeunes (DJ), où il va rencontrer Fernand
Devaux
interné le même jour et plus tard Georges
Dudal
, du 13ème comme lui.

Aincourt, exposé des motifs de l’internement (RG)

Sur
la liste des « militants communistes
internés administrativement le 9 novembre 1940
 » reçue des
Renseignement généraux par le directeur du camp, figurent des mentions
caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Lucien Saintive on
lit : « 30 ans. A été arrêté
pour distribution de tracts. Continue son activité
 »

Lors
de la « révision trimestrielle » de son dossier,  le commissaire
Andrey, directeur du camp, émet un avis négatif sur une éventuelle libération
« suit les directives du parti communiste» écrit-il. Les « internés
administratifs » à Aincourt de 1940 et début 1941 n’ont en effet pas été
condamnés : la révision trimestrielle de leurs dossiers est censée pouvoir
les remettre en liberté, s’ils se sont « amendés »… Andrey, dont
l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables, même s’il
reconnait la plupart du temps la bonne tenue de l’interné, comme pour Lucien
Saintive.

Le
4 avril, puis le 31 mai, son épouse écrit au préfet de Seine-et-Oise, Marc
Chevalier, afin d’obtenir une autorisation de visite pour elle et son fils.

Le
6 septembre 1941, Lucien Saintive et 148 autres internés d’Aincourt sont
transférés au « CSS » de Rouillé (4) dans la Vienne (le camp est
ouvert à cette date pour désengorger Aincourt, surpeuplé).

Rouillé, exposé des motifs de l’internement (RG)

Le
14 octobre 1941 le commandant du Centre d’Internement Administratif de Rouillé
s’adresse au Préfet de la Seine pour obtenir des informations concernant les 149
internés provenant du camp d’Aincourt arrivés à Rouillé le 6 septembre 1941. 

A Rouillé, il est le troisième en partant de la droite.

La
réponse du 1er bureau des Renseignements généraux (circulaire n°13.571.D)
lui arrive le 30 octobre (doc C-331.24). Pour Lucien Saintive (écrit également
Saint-Yves) on lit, avec ses dates et lieu de naissance, adresse et date
d’arrestation, comme cause de l’arrestation « communiste actif, distributeur de tracts ».

Le Frontstalag 122

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du
camp de Rouillé (1) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au
camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122).

Le nom de Lucien Saintive (n° 164 de la liste) y
figure. Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (5) qu’il est
transféré au Frontstalag 122.
La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6
juillet. 

Pour comprendre la
politique de l’Occupant qui mène à leur déportation, voir les deux articles du
blog : La
politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) 
et «une
déportation d’otages
».

Cf Article du blog : Les wagons de la Déportation
Depuis le camp de Compiègne, Lucien
Saintive est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. Ce
convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages
communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus
du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel
d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants –
et de cinquante  « otages juifs « ). Il faisait partie des mesures
de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables,
aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste
clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à
partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du
transport : Compiègne-Auschwitz
6-8 juillet 1942.

Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont
présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers
sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp
souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros
« 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des
45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.

Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en
polonais à toute réquisition – sera désormais sa seule identité pour les
SS et les Kapos. Lire dans le blog : Le
KL Aushwitz-Birkenau

Son
numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est
inconnu. Lire dans le blog le récit du premier jour à Auschwitz : L’arrivée
au camp principal, 8 juillet 1942.
et 8
juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »
.
Le numéro « 46087 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le
convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la
liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être
considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques
successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et
d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus
dans mon dernier livre Triangles
rouges à Auschwitz
.

Après
l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y
sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp
annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13
juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS
ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz
I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés
au terrassement et à la construction des Blocks.

L’entrée de Birkenau

Affecté
à Birkenau, il est pris dans une sélection des « inaptes au
travail ». Georges
Dudal
, rescapé du convoi qui habitait le 13ème, a écrit l’avoir
vu partir pour la chambre à gaz. Ce témoignage est certainement l’un des tout
premiers sur Auschwitz, puisque Georges Dudal écrit à ses parents et camarades
le 8 mai 1945 depuis le camp de Dachau, qui sert de centre de rapatriement.

Georges Dudal, lettre de Dachau

Il
évoque ses camarades disparus « Où est ce pauvre Saintive, qui lors de son
départ pour la chambre à gaz me disait « Jo, je suis sûr que tu rentreras, tu es jeune. Tu raconteras comment et
combien j’ai souffert
 ».

Auguste
Monjauvis
également du 13ème et Fernand
Devaux
de Saint-Denis ont à leur tour témoigné de son décès à Birkenau.

On ignore sa date de décès,
qui est néanmoins antérieure au 18 mars
1943. A cette date on connaît en effet les noms
des 24 survivants de Birkenau, dont 17 reviennent à Auschwitz I et Lucien
Saintive n’est pas parmi eux. 
Une date de décès fictive a été
fixée par l’état civil français au 31 mars 1943.

Un arrêté ministériel du 10 décembre
1987 paru au Journal Officiel du 18 avril 1988 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et
jugements déclaratifs de décès et indique la date fictive de « février 1943 à Auschwitz ».

Lucien
Saintive est homologué comme « Déporté
politique
 » le 26 avril 1954.

Une plaque
commémorative a été apposée à la Libération sur les murs de l’entreprise
Chaise, rue Brillat-Savarin où travaillaient René Anjolvy, fusillé en 1941 et
Lucien Saintive, mort au camp d’extermination d’Auschwitz.

Une plaque,
disparue lors de la rénovation du quartier, avait été apposée au 113 rue
Nationale où il avait habité. Avec son nom était indiqué « Mort au camp d’extermination d’Auschwitz »
(M. Cottard, président de la société d’histoire et archéologique du 13ème).

  • Note 1 : Société fondée en 1925 sous la dénomination
    Omnium agricole et industriel, ayant acquis les Etablissements Chaise et Cie en
    1927 puis la Société anonyme des établissements Delachenal en 1930, cette
    société eut pour objet la participation et la prise d’intérêts dans des
    entreprises métallurgiques, ainsi que la fabrication de moteurs industriels et
    agricoles et de motocyclettes. Ses usines et son siège étaient situées à Paris,
    34-38 et 53 rue Auguste Lançon, et à Joinville, quai de la Marne. In
    Archives de la Banque nationale de crédit.
  • Note 2 : « L’internement
    administratif » a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939,
    qui donne aux Préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de
    nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé,
    « des individus dangereux pour la
    défense nationale ou la sécurité publique ». Ces camps étaient
    désignés Centres de séjour surveillés, mais aussi Centres d’internement
    administratif ou Camps de concentration. Ce décret est repris sous forme de loi
    par le gouvernement de Vichy, fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge
    le décret du 18 novembre 1939 et reprend ses termes exacts concernant
    l’internement administratif de « tous
    individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ».
    Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 3 : Affectés
    spéciaux : Lorsque des ouvriers travaillent dans une industrie jugée
    stratégique par les autorités militaires, celles-ci peuvent
    décider qu’ils seront AS (affectés spéciaux), c’est-à-dire requis sur leur
    lieu de travail au moment du conflit-mobilisation.
  • Note 4 : Le
    camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941,
    sous la dénomination de «centre de séjour surveillé»
    , pour recevoir 150 internés politiques
    venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste
    dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres
    venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. /
    In site
    de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 5 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le
    22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François,
    Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés
    (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit
    libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Fichier
    national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC
    ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en
    octobre 1992, dossier « statut » en 1993.
  • ©
    Généanet.
    Arbre généalogique
    de Serge Ravon.
  • Le 13ème
    arrondissement de Paris, du Front populaire à la Libération
    (EFR 1977) ouvrage
    collectif de Louis Chaput, Germaine Willard, Roland Cardeur, Auguste
    Monjauvis
    et son frère Lucien, pages 99 à 112.
  • Archives
    du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W.
  • Mémoire
    de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp
    d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université
    de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des
    Humanités
    .
  • Archives de la Préfecture de police / BA
    2374
  • Liste
    du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de
    Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
  • Témoignage
    d’André Deslandes.
  • Témoignage
    de Georges Dudal.
  • Les « Humanité » clandestines (26 août 1940). Collection Claudine Cardon-Hamet, co-auteur.
  • © Photo de Rouillé. Collection Fernand Devaux.
  • Montage photo du camp de Compiègne à partir
    des documents du Mémorial  ©
    Pierre
    Cardon

Biographiemise
à jour en octobre 2014 à partir de la notice rédigée en 2002 par Claudine Cardon-Hamet
pour l’exposition de Paris de l’association «Mémoire vive». Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur
des ouvrages : «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942
 »
Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille
otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942
dit des «45000»,
éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces
références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou
d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou
corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
Pensez à indiquer les sources et éventuellement les documents dont vous
disposez pour confirmer ces renseignements et illustrer cette biographie. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *