Emile Bourset, Auschwitz, le 8 juillet 1942

Matricule « 45291 » à Auschwitz

Emile Bourset : né en 1889 à Plou (Cher) ; domicilié à Orly (Seine / Val-de-Marne) ; manœuvre, concierge ; communiste ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 10 août 1942.

Emile Bourset naît le 7 juin 1889 au hameau de Gros bois, commune de Plou dans le Cher. Au moment de son arrestation, il habite au 87, rue des écoles à Orly (Seine / Val-de-Marne).
Il est le fils de Catherine Duverger, 34 ans (1850/1928), ménagère et de Jean Bourset, 39 ans (1850/1928), journalier, son époux, tous deux domiciliés au Gros-bois à Plou. Ses parents se sont mariés à Plou le 30 octobre 1876.
Il a eu huit sœurs et frères : Marie (1877-1877), Louise (1878-1879), Marie 1881), Juliette (11/03/1883) Marie-Louise (1884-1964), Ernestine (1892), Albertine (1895). Son frère Auguste, né le 6 avril 1887 à  Plou, est tué pendant les combats en Serbie le 14 mars 1917 (bataille de Monastir).
Emile Bourset est domestique de ferme à Plou chez le métayer François Chamoiseau en 1906 et 1910. Selon son registre matricule militaire, il a une instruction de niveau 3 (« possède une instruction primaire développée »). Il mesure 1m 63, a les yeux et les cheveux marron, le visage ovale et le menton rond. Conscrit de la classe 1909 pour le canton de Charost, il est appelé au service militaire le 4 octobre 1910, qu’il effectue d’abord au 80ème Régiment d’infanterie, matricule 1809. Il passe ensuite au 86ème Régiment d’infanterie, puis à la 50ème brigade d’infanterie le 17 février 1912 en attende de démobilisation. Il y demeure jusqu’au 25 septembre 1912, date à laquelle il est placé dans la réserve avec un « certificat de bonne conduite ». Il retourne à Plou.
Le 27 avril 1913, il a quitté le Cher pour la région parisienne et travaille comme manœuvre. Il habite alors au 24, route de Vitry à Choisy-le-Roi avec son frère aîné Auguste. Le 27 juillet 1913, il déménagent au 18 ter, rue Rollin Regnier à Choisy-le-Roi.
Le 3 août 1914, c’est la déclaration de guerre : il est mobilisé au 29ème Régiment d’Infanterie. Du 6 août 1914 au 11 août 1918 il va être « aux armées », c’est-à-dire sur le front. Il passe du 29ème RI au 86ème d’Infanterie. Le 3 février 1916, il est rattaché au 119ème RI de Bourges et le 22 juin 1916 au 28ème RI.  Son frère Auguste est tué pendant les combats en Serbie le 14 mars 1917. 

Le village après les combats de 1918

Pendant l’offensive de Picardie menée par l’ensemble de la 1ère armée et les Anglais (du 8 au 12 août 1918), Emile Bourset est blessé à la cuisse gauche par un éclat d’obus le 12 août 1918 à Roye-sur-Matz (plaie pénétrante, avec de nombreuses séquelles : il sera pensionné de guerre). Du 12 août 1918 au 11 août 1919, blessé de guerre hospitalisé, il est affecté au 95ème RI jusqu’à sa mise en congé de démobilisation.

Le 27 juillet 1919 à Plou, Émile Bourset épouse Jeanne, Octavie Paupert, née le 8 janvier 1894 à Vauclaix (Nièvre) et domiciliée à Paris 17ème.
Le couple s’installe au 6, rue Thiers à Choisy-le-Roi le 10 août 1919, un an avant la
naissance de leur premier enfant, Paulette, le 21 décembre 1920. L’enfant décède le
26 juillet 1921. Le 3 octobre 1921, le couple déménage au 2, place Carnot à Choisy. Leur fils Jean naît le 14 mars 1922, et leur fille Jeannine, le 13 avril 1926. Emile Bourset travaille toujours à cette époque comme manœuvre.
Le 24 novembre 1925, il reçoit une pension de 480 F correspondant à 20 % d’invalidité. Le 6 décembre 1927, il se voit décerner un certificat provisoire de combattant délivré par le 95ème RI (celui-ci est vérifié le 24 novembre 1938).

Emile Bourset dans le jardin de la maison  d’Orly avec ses enfants, Jeannine et Jean. Collection © Aurélie Venau

Ces deux éléments (pension et titre d’ancien combattant) vont lui permettre d’accéder ultérieurement à un « emploi réservé » dans la fonction publique communale.
La famille déménage au 40, rue des Bons Amis à Orly.
Emile Bourset
est membre du Parti communiste et militant.
Le 25 septembre 1935, il est rattaché à la dernière classe de la réserve, étant père de deux enfants et classé sans affectation, « maintenu à disposition du Ministre de la Guerre pour la Défense passive ».

Le 5 octobre 1936, la famille emménage dans le logement de fonction de l’Ecole des filles, au 87, rue des Ecoles (aujourd’hui avenue de la Victoire) à Orly, où Emile Bourset a obtenu un emploi « d’homme de service aux écoles », concierge.

C’est aujourd’hui l’Ecole élémentaire Jean Moulin.
Il obtient le 18 avril 1939 le statut de pupille de la Nation pour ses enfants

Selon le témoignage de sa femme en 1972, après l’interdiction du Parti communiste en 1939, Emile Bourset reste fidèle à ses convictions et maintient le contact avec ses anciens camarades communistes, en particulier Louis  ChevalierAdrien Raynal et Jean Woestyn (ce dernier en charge de la Caisse des Ecoles), anciens conseillers municipaux communistes (1)
et continue de diffuser la propagande du Parti communiste clandestin après l’occupation allemande.

Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  16 juin 1940 : les allemands s’emparent du terrain d’aviation d’Orly. Une douzaine de canons de 88 anti-aériens sont installés. Une tour de contrôle est construite.
Dès le 4 juillet l’escadrille Kampfgeschwader 51 sur Junker 88A part bombarder les environs de Bristol. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Le 5 octobre 1940, Emile Bourset est arrêté à l’Ecole par la police française, dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la région parisienne (Seine et Seine-et-Oise) : les militants parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et emmenés par cars au camp d’Aincourt.

Aincourt : Emile Bourset est au fond appuyé à la porte Collection © Aurélie Venau

Au total, plus de 300 militants communistes, syndicalistes ou d’organisations dites «d’avant-garde», sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940. Lire dans le blog : Le camp d’Aincourt

Après l’arrestation de son mari, Jeanne Bourset et ses enfants sont expulsés du logement de fonction et vont habiter au 40, rue des Bons-Amis à Orly (aujourd’hui rue Raymond-Simon)

Sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940» reçue par la direction du camp d’Aincourt, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Emile Bourset on lit : « Concierge des Ecoles d’Orly. Propagandiste actif ».

Réponse des renseignements généraux pour Emile Bourset

La famille qui a envoyé la photo de groupe ignore qui l’a prise. Madame Nelly Matthieu, petite nièce d’Adrien Raynal suppose que c’est peut-être son oncle, car il n’est pas présent sur la photo. Le 9 mai 1942, à la demande des « autorités d’Occupation », Emile
Bourset est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) au sein d’un groupe d’une quinzaine d’internés venant d’Aincourt ou Mantes. Ce même jour une vingtaine de communistes raflés dans le Cher et le Loir-et-Cher arrivent à Compiègne.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Lettre jetée du train par Louis Chevalier. il y mentionne Emile Bourset

Son camarade d’Orly, Louis
Chevalier
jette sur la voie depuis le wagon qui les emporte vers Auschwitz,
un message pour son épouse, Francine, dans lequel il écrit« je pars aujourd’hui avec Bourset, Raynal et Beauré, certainement pour l’Allemagne». Il s’agit d’Emile Bourset et Adrien Raynal, ses camarades d’Orly, et Albert Beauré, de Choisy-le-Roi.

Depuis le camp de Compiègne, Emile Bourset est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

L’immatriculation à Auschwitz

Emile Bourset est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45291» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.  Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Emile Bourset meurt à Auschwitz le 10 août 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 124 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec avec sa date de naissance et de décès, son lieu de domicile, avec l’indication « Katolisch » (catholique). Ce certificat de décès porte comme cause du décès « Herzanfall» (crise cardiaque). L’historienne polonaise Héléna Kubica a révélé comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique
médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz
».
Lire dans le site :
Des causes de décès fictives.
Il est déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique » le 15 janvier 1955 (n°159.999). Son épouse essaiera en vain d’obtenir le titre de « Déporté Résistant » (lire dans le site « La carte de « Déporté-Résistant ».
Emile Bourset est cependant homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 83559.
Un arrêté ministériel du 17 septembre 1987 paru au Journal Officiel du 28 octobre 1987 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur son jugement déclaratif de décès et reprend la date portée sur le certificat de l’état civil d’Auschwitz.
Son nom est honoré sur le monument commémoratif « habitants d’Orly décédés en déportation pendant la guerre 39-45 ».

  • Note 1 : Louis ChevalierAdrien Raynal seront déportés à Auschwitz dans le même convoi qu’Emile Bourset (voir leur biographies dans le site en cliquant sur ces liens). Jean Woëstyn, né le 8 mars 1891 à Puteaux est mort en déportation le 22 mai 1943 à Sachsenhausen ; verrier ; militant communiste ; conseiller municipal d’Orly (Seine, Val-de-Marne) de 1935 à 1940.
  • Note 2 : 524 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources 

  • Archives en ligne du Cher (état civil et registre matricule militaire).
  • Site © Généanet. Arbre généalogique de Maud Imbert, arrière-petite-fille d’Emile Bourset.
  • Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Lettre de Jeanne Bourset au « Patriote Résistant » journal de la FNDIRP, 6 janvier 1972 et réponse de Roger Arnould.
  • © Street view, école Jean Moulin rue de la Victoire
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Archives de la police / BA 2374
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne
  • Mes remerciements à l’arrière-petite-fille d’Emile Bourset, Aurélie Venau, qui m’a fait parvenir la photo du jardin d’Orly et celle du camp d’Aincourt, retouchées par son frère Florent.

Notice biographique rédigée en 2003, installé en 2012 mise à jour en 2015, 2020 et 2022, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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