Robert Prunier le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Matricule « 46 024 » à Auschwitz

Robert Prunier :  en 1920 à Paris 5è ; domicilié à  l’Haÿ-les-Roses (Seine / Val-de-Marne) ; tanneur, jeune communiste ; arrêté le 4 décembre 1940 ; condamné à 10 mois avec sursis mais interné aux maisons centrales de Clairvaux et de Gaillon ; interné aux camps de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.

Robert Prunier est né le 14 novembre 1920 à Paris 5è.
Au moment de son arrestation, il habite au 47, rue Bronzac à l’Haÿ-les-Roses (Seine / Val-de-Marne) chez sa tutrice, Mme Anna Chastagnol, née Courteix, à Tarnac (Corrèze).
Il est le fils de Marie-Françoise Courteix, née à Tarnac (Corrèze) et de Victor, Charles Prunier son époux. Son père est né à Colombes le 7 septembre 1877. Il est commis épicier, puis cocher, puis cocher-chauffeur.
Robert Prunier est célibataire. Il a une sœur, Françoise, née en 1906  en Corrèze. Ils habitent tous deux avec leur père en 1926 au 22, rue de la Folie Méricourt à Paris Paris 11è.
En 1931, Robert Prunier est porté absent lors du recensement à cette adresse parisienne, où habite toujours son père. 
Lui travaille comme tanneur dans une des tanneries du Val-de-Bièvre. Son père décède le 21 juin 1936 à Paris Paris 11è.

A partir de cette date, enfant mineur, il est recueilli par le couple Chastagnol qui habite au 47, rue Bronzac à l’Haÿ-les-Roses, avec leur fils André, né en 1920 à Paris 14è, étudiant. Jean Castagnol est garçon d’hôpital à Bicètre, Eva Chastagnol est née Courteix. Celle-ci a deux sœurs prénommées toutes deux Marie-Françoise. Mais faute de mentions marginales concernant mariages et décès dans les registres, nous n’avons pas pu déterminer si Eva Chastagnol était la tante de Robert Prunier, ou une parente plus éloignée.
Robert Prunier est membre des Jeunesses communistes, selon le témoignage de Raymond Baudin, ancien maire communiste de l’Haÿ-les-Roses, déporté à Buchenwald, réélu maire à la Libération (témoignage du 20 mai 1946).
Conscrit de la classe 1940, Robert Prunier n’est pas mobilisable au moment de la déclaration de guerre, le 3 septembre 1940.

Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Le 3 décembre 1940 Robert Prunier est arrêté par la police française pour « activité communiste » (distribution de tracts) sur la commune de Gentilly, vraisemblablement  avec un groupe d’autres jeunes communistes d’Arcueil, Cachan et l’Häy-les-Roses (Roger Jardin (1), Lucien Girard et le voisin de Robert Prunier, Jean Paupy qui habite au n° 43 de la même rue). Sa fiche au DAVCC mentionne qu’il est arrêté « sur délation ».

Registre de la Brigade spéciale des RG le 6 décembre 1940.

Le mardi 3 décembre 1940, Robert Prunier est arrêté une première fois pour « activité communiste » (distribution de tracts) sur la commune de Gentilly, avec un groupe d’autres jeunes communistes d’Arcueil, Cachan et l’Häy-les-Roses (Lucien G., Roger J. et Paul Watel, fils d’Albert Watel, ainsi qu’ Henri Bockel, Jean Paupy, tous 2 déportés à Auschwitz avec Albert Watel et Robert Prunier).
Cette arrestation est opérée par la Brigade spéciale des RG.
Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.

Le 4 décembre Robert Prunier est inculpé par le commissaire de Gentilly – avec ses camarades – d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste). Robert Prunier est conduit le 5 décembre au Dépôt de la maison d’arrêt de la Santé, mis à la disposition du Procureur. Le 25 janvier 1941, la chambre des mineurs du tribunal correctionnel de la Seine (15è chambre) le condamne à dix mois d’emprisonnement avec sursis, comme ses camarades. Il est transféré au dépôt de la Préfecture de la Seine le 26 janvier 1941.
Excepté Henri Bockel, ils sont tous internés administrativement.

Il est transféré au dépôt de la Préfecture de la Seine le 26 janvier 1941, puis à la Maison centrale de Clairvaux le 27 février 1941, via la gare de l’Est. A leur arrivée à « l’arrêt Clairvaux » de la gare de Ville-sous-la-Ferté, ils sont transférés au camp par rotations d’un unique wagon cellulaire, escortés par des gardes mobiles (souvenirs de Pierre Kaldor et d’Henri Hannart).
Lire dans le site  : La Maison centrale de Clairvaux. Il y côtoie Emile Bouchacourt et Robert Lambotte qui vient de passer deux mois en cellule à Clairvaux.

Fiches de Robert Prunier et Jean Paupy à Gaillon

Le 11 avril 1941 les Renseignements généraux, adressent pour information aux services du nouveau Préfet de police de Paris – Camille Marchand – entré en fonction le 19 février 1941, une liste de 58 « individus » internés administrativement pour propagande communiste par arrêtés du Préfet de Police Roger Langeron, qui a cessé ses fonctions le 24 janvier 1941.
38 d’entre eux ont été condamnés pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (reconstitution de ligue dissoute / dissolution du Parti communiste).
Les RG mentionnent pour Robert Prunier, outre ses dates et lieu de naissance : « Arrêté le 4 décembre 1940 pour distribution de tracts et tentative de reconstitution de cellule, et condamné par la 15ème chambre à 10 mois de prison avec sursis ». 

Le 25 septembre 1941, Robert Prunier est transféré avec 36 autres détenus de Clairvaux au camp français de Gaillon (2) où il est interné administrativement (dossier 45.496). Il est au 2è étage du bâtiment F, chambre 6, lit 76.
Il s’y retrouve avec Emile Bouchacourt , Robert Lambotte et Jean Paupy.
Lire dans le site : la-Maison-centrale-de-Gaillon

Le camp de Voves in VRID

Le 2 mai 1942, Robert Prunier est à nouveau transféré, avec 61 autres internés de Gaillon, au Camp de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir), ouvert le 5 janvier 1942.
Lire dans le site : Le camp de Voves
Dans un courrier en date du 18 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans écrit au Préfet de Chartres « Le chef du M. P. Verw. Bez. A de Saint-Germain a ordonné le transfert de 28 communistes du camp de Voves au camp d’internement de Compiègne. Je vous prie de faire conduire suffisamment escortés les détenus nommés sur les formulaires ci-contre le 20-05-42 à 10 heures à la gare de Voves pour les remettre à la gendarmerie allemande ». ­
Le bruit court dans le camp qu’il va y avoir des fusillés : aussi, le 20 mai 1942 (3), lorsque des gendarmes viennent chercher Robert Prunier et les 27 autres internés pour les transférer au Frontstallag 122 de Royallieu à Compiègne, ils chantent la Marseillaise, comme ils l’ont fait pour leurs camarades partis le 10 mai. Dix-neuf d’entre eux seront déportés à Auschwitz.

Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Robert Prunier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est immatriculé le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Robert Prunier est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46 024» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée et reconnue (notes 4 et 5) parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

dessin de Franz Reisz, 1946

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz. Le ministère des Anciens combattants a fixé fictivement celle-ci au « 15 octobre 1942 » sur la base du témoignage de ses compagnons de déportation.
Emile Bouchacourt et Robert Lambotte qui l’ont côtoyé à Gaillon et Voves, certifient de sa mort à Auschwitz qui survient dans les premiers mois de leur déportation (en octobre certifie Robert Lambotte le 19 octobre 1945). Raymond Boudou de l’Haÿ-les-Roses a lui aussi témoigné de sa mort « en 1942 » à Auschwitz (octobre 1945).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Un arrêté ministériel du 10 décembre 1997 paru au Journal Officiel du 18 avril 1998 porte apposition de la mention « Mort en déportation » sur ses actes et jugements déclaratifs de décès et reprend la date fictive du 15 octobre 1942 à Auschwitz.
Robert Prunier a été déclaré « Mort pour la France » le 30 janvier 1948 et homologué comme « Déporté politique » à la suite des démarches entreprises par sa tutrice.

  • Note 1 : Roger Jardin est né le 30 avril 1923 à Paris 6è. Il habite chez sa mère au 37 sentier des Frettes, à L’Haÿ-les-Roses. Jeune communiste arrêté en même temps que Jean Paupy et Robert Prunier, il est déporté le 6 avril 1944 depuis Compiègne au camp de Mauthausen (matricule n° 62 584). Affecté au Kommando de Gusen, il est conduit le 4 janvier 1945 au château d’Hartheim près de Linz, centre d’extermination par le gaz (in Livre-Mémorial de la FMD).
  • Note 2 : Caserne au début du 20è siècle, le château de Gaillon est, à partir de 1941, aménagé en Centre de séjour surveillé, après avoir hébergé des réfugiés espagnols en 1939. De septembre 1940 à février 1943, sont internés sur arrêtés préfectoraux des politiques, essentiellement des communistes (130 hommes et 129 femmes), quelques gaullistes, 8 juifs et étrangers, des coupables d’infractions à la législation sur le ravitaillement (marché noir et abattage clandestin). On y interne les hommes de 1941 à septembre 1942, les femmes ensuite.
  • Note 3 : Les 10 et 20 mai 1942, 109 internés de Voves sont transférés sur réquisition des autorités allemandes au camp de Compiègne. 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi dit des 45 000 du 6 juillet 1942.
  • Note 4 : Lors de la séance d’identification de 122 «45 000» le 30 avril 1948 par les rescapés et familles des déportés du convoi, à partir des photos d’immatriculation de près de 500 de leurs camarades reçues de Pologne (Le Patriote Résistant N°20).
  • Note 5 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Archives de Caen du ministère de la Défense (dossier individuel).
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Archives de la Préfectures de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.
  • Extraits du mémoire de Maitrise d’Hervé Bertonchini «Le camp d’internement administratif de Gaillon», Université de Rouen, 1993.
  • © Internés au camp de Gaillon / Archives de la Préfecture de police / BA 2374
  • Death Books from Auschwitz (Registres des décès d’Auschwitz), ouvrage publié par le Musée d’Etat (polonais) d’Auschwitz-Birkenau en 1995.
  • Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
  • © Site Internet Legifrance.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collectionAndré Montagne.
  • © Le CCS de Voves. Archives départementales d’Eure et Loir.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en 2003, mise en ligne en 2012, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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