Louis Villeminot : né en 1890 à Hennezel (Vosges) ; domicilié à Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; manœuvre, garçon de magasin chez Flammarion ; communiste ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné au camp d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 23 août 1942.
Louis Villeminot est né le 16 juillet 1890 à Hennezel (Vosges) au hameau Sainte-Marie. Au moment de son arrestation, il habite au 38, rue Emile Zola à Fresnes (Seine / Val-de-Marne).
Il est le fils de Marie, Louise, Joséphine Villeminot, 18 ans, brodeuse, née le 14 avril 1873 à Hennezel.
Son registre militaire nous apprend qu’il mesure 1m 59, a les cheveux blonds et les yeux bleus, le front vertical et petit, le nez moyen, le visage ovale.
Au moment du recensement précédant le conseil de révision, sa mère est décédée. Le registre indique qu’il n’a pas de tuteur. il habite 48, rue Saint-Merri à Paris 4ème. Il est garçon de café, puis employé. Il a un niveau d’instruction n° 2 pour l’armée (sait lire et écrire).
Conscrit de la classe 1910, Louis Villeminot est « omis » (excusé) lors du recensement de sa classe. Il n’est appelé au service militaire qu’en 1912 et est incorporé au 18è Régiment de Chasseurs à cheval le 1er octobre 1912. Pendant qu’il effectue son service, la mobilisation générale est décrétée le 1er août 1914.
Il est mobilisé du 2 août 1914 au 11 août 1919.
En 1917, à Vauvillers (Haute-Saône), il épouse Maria Poirot, née le 19 août 1889 à Pont-du-Bois (Haute-Saône), non loin d’Hennezel. Le couple aura quatre enfants.
Louis Villeminot est démobilisé le 12 août 1919, « certificat de bonne conduite accordé ». Il retourne à la vie civile et habite à Vauvilliers où il est alors manœuvre.
Leur première fille, Odette naît le 16 août 1919 à Vauvillers. Le couple déménage en région parisienne : en 1920 à Puteaux au 6, rue Pitois (Seine / Hauts-de-Seine) où naissent Raymond, le 1er octobre 1920 et Marcelle le28 janvier 1925,puis à Fresnes en 1926, voie du Châlet, où naît André le 24 novembre 1928.
En 1936, Louis Villeminot est garçon de magasin aux établissements Auchays à Paris. En 1937, la voie du Châletest devenue rue Emile Zola. Ils y sont toujours domiciliés, au n°38. Puis il travaille chez Flammarion, rue Racine (Paris 6è). Louis Villeminot est garçon de magasin.
Il est adhérent du Parti communiste.
Après la victoire de la liste du Parti communiste conduite par Maurice Catinat (1) aux élections partielles des 27 juin et 4 juillet 1937, il s’implique dans la vie locale : il est membre du Conseil d’administration de la Caisse des écoles de Fresnes.
Le conseil municipal de Fresnes est suspendu par le décret Daladier du 4 octobre 1939 « jusqu’à la fin des hostilités » et remplacé par une « délégation spéciale » désignée par le Préfet.
Et le 9 février 1940 le conseil de préfecture prononce la déchéance des élus communistes de Fresnes.
Le 9 mai 1940, la « délégation spéciale » de Fresnes demande au Préfet de prononcer « la constatation de déchéance » non seulement des élus communistes siégeant au conseil d’administration de la Caisse des écoles, mais associe Louis Villeminot à cette demande d’éviction.
Le 13 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht occupent Créteil et Fresnes le 15 juin (elles investissent la prison). Le 14 juin elles sont entrées dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Son fils Raymond, qui est imprimeur au « Petit écho de la mode » rue Gazan, est filé par les Renseignements généraux en septembre 1940.
Des inspecteurs de la Brigade spéciale des Renseignements généraux (lire dans le site La Brigade Spéciale des renseignements généraux) s’attachent en effet à reconstituer l’organigramme des cercles des Jeunesses communistes avant guerre. Sur le document ci-dessus qui concerne les Jeunes communistes de Suresnes, son nom est mentionné ainsi que celui de Raymond Saint-Lary.
Louis Villeminot est arrêté par la police française le 5 octobre 1940, ainsi que douze membres du Conseil municipal déchu en 1940, et d’autres militants communistes de la commune, dans le cadre de la grande rafle organisée avec l’accord de l’occupant par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de l’ancien département de la Seine. 210 élus, cadres du parti et de la CGT sont ainsi arrêtés. µLire dans le site La municipalité communiste élue de Fresnes élue en 1937 décimée par Vichy et l’occupant nazi.
Louis Villeminot est emmené au Dépôt de la Préfecture puis interné, avec ses camarades, au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt ouvert spécialement, le 5 octobre 1940, par le gouvernement de Vichy pour y enfermer les communistes arrêtés.
Lire dans le site Le camp d’Aincourt .
Sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940» reçue par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7).
Pour Louis Villeminot on lit : « Vuilleminot : 50 ans. Communiste notoire. Participe à la propagande clandestine ».
Le camp est administré par le commissaire Andrey, qui multiple brimades et sanctions à l’égard des communistes. Pour protester contre le refus de visites qui leur est opposé, les épouses, mères, fils et filles des détenus de Fresnes signent le 29 mars 1941, avec leurs noms
et adresses (dont celui de Mme Villeminot et Odette, Raymond, Marcelle, André) une lettre adressé au Préfet de la Seine : « Nous venons solliciter de votre haute bienveillance, l’autorisation de rendre visite à nos maris et pères, qui (sont) internés administrativement à Aincourt (Seine-et-Oise). Attendu que les prisonniers de droit commun (criminels, voleurs) ont droit à des visites, nous ne pouvons comprendre que nos maris et pères, étant des hommes honnêtes, n’y ont pas droit. Espérant que vous voudrez bien prendre notre requête en considération. Veuillez recevoir nos salutations empressées». La lettre, enregistrée le 3 avril, est barrée de la mention : Rep : impossible, à Mme Soupion qui portera cette décision à la connaissance des co-signataires.
L’écriture de Madame Soupion étant parfaitement reconnaissable, c’est à elle que le chef de cabinet du Préfet charge le 11 avril le commissaire de la circonscription de Choisy-le-Roy
« d’avertir les pétitionnaires, en la personne de Mme Soupion, que le règlement intérieur du camp (ne permet pas) les visites au détenus ».
Le 6 septembre 1941, Louis Villeminot est transféré avec 148 autres internés d’Aincourt au CSS de Rouillé (2). Lire dans ce site : le camp de Rouillé
Alors qu’il est à Rouillé, les Renseignements généraux continuent de filer son fils « qui est absent depuis quelques jours du domicile de ses parents ».
Les Renseignements généraux mentionnent la situation difficile de sa mère, madame Odette Villeminot. « Sa mère ne se livre en ce moment à aucun travail rémunéré et n’a pour toute ressource que l’allocation de chômage. Outre ses occupations dans son ménage, Mme Villeminot consacre également une bonne partie de son temps à prodiguer des soins à sa fille, âgée de 16 ans, gravement malade et alitée depuis quatre mois« .
Le 14 octobre 1941 le commandant du Centre d’Internement Administratif de Rouillé s’adresse au Préfet de la Seine pour obtenir des informations concernant ces 149 internés provenant d’Aincourt et arrivés à Rouillé le 6 septembre (doc C-331.24).
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122).
Le nom de Louis Villeminot (n° 183 de la liste) y figure et c’est dans un groupe de 168 internés (3) qu’il arrive a Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .<
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Louis Villeminot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de l’arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 46 193 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Louis Villeminot meurt à Auschwitz le 23 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1276).
Un arrêté ministériel du 24 janvier 2012 paru au Journal Officiel du 1er avril 2012 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté indique désormais la date du 23 août 1942 et corrige le précédent qui indiquait mort le 15 novembre 1942 à Auschwitz.
Louis Villeminot est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 595389.
Louis Villeminot est homologué « Déporté politique ». Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Fresnes.
- Note 1 : Aux élections du 12 mai 1935 la liste d’Unité d’action antifasciste est élue. Maurice Catinat est désigné comme premier adjoint. Mais, le conseil de la préfecture annule l’élection au conseil le 26 juin 1935. « Maurice Catinat conduisit alors à un succès total une liste de vingt-trois candidats communistes aux élections municipales partielles des 27 juin et 4 juillet 1937. Il remplaça Arthur Tellier dans les fonctions de maire. Solidaire du Parti communiste lors du Pacte germano-soviétique, Catinat fut envoyé en séjour surveillé le 19 décembre 1939 » (Le Maitron, notice Jean Maitron, Claude Pennetier).
- Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 3 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
Erratum : c’est à la suite d’une erreur dans les premières listes des Fresnois déportés à Auschwitz établies en 1973 par Roger Arnould – et ce à partir du témoignage d’Auguste Monjauvis – que j’avais inscrit le nom de Louis Villeminot parmi la liste des conseillers municipaux de Fresnes en page 347 de mon ouvrage, «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 ».
Sources
- Plaquette-souvenir éditée par la municipalité de Fresnes.
- Recherches menées en 1973 et 1974 auprès des militants et familles (archives des familles, état civil et recensements aux archives municipales) par Roger Pélissou, rescapé du convoi du 6 juillet 1942, qui vint habiter Fresnes à la Libération. © Il a fait reproduire certaines photos de famille par la FNDIRP, dont celle de Louis Villeminot.
- Souvenirs de René Denizou, fils de Géry Denizou.
- Témoignages de Maurice Catinat, arrêté le 5 octobre 1940, ancien maire, d’Auguste Monjauvis et Roger Pélissou.
- Archives municipales de Fresnes (21 avril 1993).
- Archives en ligne de Haute-Saône et des Vosges.
- Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- 149 internés venant d’Aincourt. Liste du commandant du Centre d’Internement Administratif de Rouillé. 14 octobre 1941 / C 331-25. Archives de la Préfecture de Police.
- Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
- Photo de la fête des Ecoles 1938 : remise à Roger Pélissou (45957) par Georges Galbrun.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb.
- © Site Internet Légifrance.gouv.fr
- © Site Internet Lesmortsdanslescamps.com
- © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.
- Registres matricules militaires.
Notice biographique rédigée en 2007, mise en ligne en 2012, complétée en 2010, 2012, 2015, 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com