Marcel Névraumont avant-guerre Archives municipales de Maisons Alfort
Marcel Névraumont le 8 juillet 1942

Matricule « 45922 » à Auschwitz

Marcel Névraumont : né en 1889 à Reims (Marne) ; domicilié à Maisons-Alfort (Seine / Val-de-Marne) ; cordonnier ; conseiller municipal communiste ; arrêté le 25 juillet 1940, relâché, arrêté le 7 octobre 1940 , interné aux camps  d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 13 août 1942.

Marcel Névraumont est né à Reims au 5, impasse du Pavois, le 29 novembre 1889.  Marcel Névraumont habite au 41, rue du Chemin-Vert à  Maisons-Alfort au moment de son arrestation.  Il est le fils de Marie, Emilie, Azélia Bocquillon, âgée de 31 ans, née en 1857 à Ballay (Ardennes), sans profession et de Joseph Névraumont, âgé de 31 ans, né le 18 août 1858 à Suxy (commune de Chiny, province belge de Luxembourg), son époux, valet de chambre.
Il a une sœur ou demi-sœur, Adèle Bocquillon, née en 1884 à Bellay, et trois frères : Auguste, Joseph, né en 1888, Raymond, né en 1895 à Reims, Joseph, Robert, né à Ballay en 1896.
Marcel Névraumont est cordonnier. Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m63, a les cheveux châtains, les yeux bleus, le front ordinaire, le nez et bouche moyens, menton rond et  visage ovale. Au moment de l’établissement de la fiche, il a été employé de bureau, puis
cordonnier. Il est domicilié chez ses parents au 41, rue du Chemin vert à Maisons-Alfort au moment du recensement pour le conseil de révision.
Conscrit de la classe 1909, il devance l’appel et signe un engagement de cinq ans à Commercy, le 1er juillet 1909 pour le 6ème Régiment de Hussards. Libéré du service actif le 8 juillet 1914, « certificat de bonne conduite accordé », il est maintenu au corps (article 39 de la loi de 1905). Le 1er août 1914 la mobilisation générale est décrétée. Il est alors mobilisé le 3 août, et rejoint le Régiment de cavalerie légère d’Orléans. Le 16 janvier 1917, il est transféré au 97ème Régiment d’artillerie lourde. Il est à nouveau transféré, au 500ème Régiment d’artillerie, le 1er mai 1918, et ce jusqu’au 22 septembre 1919.
Démobilisé, il retourne à la vie active et habitera à partir de 1929 au 41, rue du Chemin Vert à Maisons-Alfort.  Il est nommé sous-officier de réserve en 1937.
«Fils d’un valet de chambre, Marcel Névraumont, artisan cordonnier, fut élu le 12 mai 1935 conseiller municipal communiste de Maisons-Alfort sur la liste conduite par Albert Vassart. Il fut déchu de son mandat le 16 mars 1940 par la préfecture de la Seine pour appartenance au Parti communiste. Marcel Nevraumont fit partie de ceux qui organisèrent la manifestation du 25 juillet 1940 pour reprendre la mairie de Maisons-Alfort» (Le Maitron).

Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Procès verbal d’arrestation

Le 25 juillet 1940, après les manifestations des ex-élus communistes (1) des villes de Maisons-Alfort et d’Alfortville contre les délégations spéciales mises en place en octobre 1939 par le gouvernement Daladier, neuf « meneurs », dont Marcel Névraumont, sont arrêtés par la police pour « attroupement de rue et manifestation non approuvés par les autorités allemandes« . Ils sont conduits du commissariat du 12ème arrondissement de Paris au Dépôt de la préfecture de Police de Paris, puis à la maison d’arrêt de la Santé.
Ils sont élargis le 4 octobre sur intervention des autorités allemandes.
Durant toute cette période la Préfecture de police effectue des démarches pour que les autorités allemandes ne contrecarrent pas la répression anticommuniste et demande aux commissariats de faire remonter toutes les affaires au cours desquelles les autorités allemandes ont fait libérer des communistes (2).
Et c’est ainsi que le 7 octobre 1940, le commissaire de police de Charenton rend compte au directeur des RG de l’arrestation des 9 meneurs le 25 juillet précédent. Il spécifie à son attention : « Il est à peu près certain que tous ces militants vont reprendre une activité. Leur arrestation s’impose donc ».
Marcel Névraumont et ses huit camarades sont de nouveau arrêtés le 10 octobre 1940, emmenés au dépôt et par décision du Préfet de Paris Roger Langeron,  sont « internés administratifs » (n° 347.685 pour Marcel Névraumont) au camp de «Séjour
surveillé
» d’Aincourt ouvert spécialement le 5 octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés (lire dans le site : Le camp d’Aincourt).
Le 6 septembre 1941,il est transféré avec 148 autres internés du camp d’Aincourt au CSS de Rouillé pour l’ouverture de celui-ci (3).

Fiches des Renseignements généraux adressée au directeur du camp de Rouillé  concernant Marcel Névraumont

Le 14 octobre 1941 le commandant du Centre
d’Internement Administratif de Rouillé s’adresse au Préfet dela Seine pour obtenir des informations concernant les 149 internés provenant du camp d’Aincourt arrivés à Rouillé le 6 septembre 1941. La réponse du 1er bureau des Renseignements généraux (circulaire n°13.571.D) lui arrive le 30 octobre (doc
C-331.24). Lire dans ce site :  le camp de Rouillé ‎
Le 9 février 1942, Marcel Névraumont fait partie d’un groupe de 52 internés communistes qui sont remis aux autorités allemandes à leur demande, et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Fronstalag 122). 36 d’entre eux seront déportés à Auschwitz avec lui.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Névraumont est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est immatriculé le 8 juillet 1942

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45922» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (4) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Marcel Névraumont meurt à Auschwitz le 13 août 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death books from Auschwitz, tome 3, page 860).

Bulletin municipal officiel de Paris (6/11/1944)

Le 21 août 1944, des représentants communistes des FFI prennent possession de la Mairie et se constituent en délégation spéciale : sous la présidence de Jean Marie Marceau, ancien conseiller municipal élu en 1935, ils nomment symboliquement au sein de cette délégation leurs camarades anciens élus municipaux, dont ils  connaissent la déportation, mais ignorent s’ils sont vivants : Bernhard (conseiller municipal Radical Socialiste en 1935, déporté, sera conseiller municipal de 1944 à 1947), Bolze (maire-adjoint en 1935, déporté, sera conseiller municipal de 1944 à 1959), Lucien Frichot (déporté à Auschwitz), Henri Hureau (déporté à Auschwitz), Victor Jardin (déporté à Auschwitz), Marcel Névraumont (déporté à Auschwitz), Raunet (Conseiller municipal en 1935, déporté), Fernand Saguet (deuxième adjoint au maire en 1935, déporté à Auschwitz), Verrier (conseiller municipal en 1935,
déporté). Le 19 novembre 1944, une seconde délégation spéciale est désignée par le gouvernement provisoire de la République Française. Elle est présidée par Saulnier, militant communiste. Le Comité local de Libération qui ignore son décès, l’a fait nommer à la Délégation spéciale, comme ses deux camarades Lucien Frichot et Victor Jardin, également morts à Auschwitz.
Le Comité local de Libération ignorant son décès, le désigne comme membre du Conseil municipal provisoire en novembre 1944.

  • Note 1 : En application de l’article 3 du décret du 26 septembre précédent, qui suspend les conseils municipaux à majorité communiste élus dans 27 communes de la Seine et 34 en Seine-et-Oise « jusqu’à la fin des hostilités » et les remplace par des  » délégations spéciales « . Fin juin 1940, période qui suit l’arrivée des Allemands à Paris, la direction communiste clandestine croit pouvoir obtenir de ceux-ci la reparution de L’Humanité et des démarches sont effectuées en ce sens. Parallèlement, elle suscite des manifestations
    en direction des villes administrées par des  » délégations spéciales  » depuis octobre 1939 sur les thèmes : « Pour la réintégration de nos élus propres et honnêtes » et « réintégrez les communistes ». De nombreux militants sont alors arrêtés par la police française.
  • Note 2 : « PC. La répression s’est exercée avec des moyens accrus. En effet, à la suite de démarches pressantes faites auprès de l’autorité occupante, la préfecture de police a pu obtenir qu’il ne soit pas mis obstacle à l’application des décrets-lois des 18 novembre 1939 et 3 septembre 1940 ». Rapport des Renseignements généraux du 7 octobre 1940.
  • Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé. Le 14 octobre 1941 le commandant du CSS de Rouillé s’adresse au Préfet de la Seine pour obtenir des informations concernant 149 internés provenant d’Aincourt et arrivés à Rouillé le 6 septembre (doc C-331.24).
  • Note 4 : 524 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.  Cartons Brigades Spéciales des Renseignements généraux (BS1), aux Archives de la Préfecture de police de Paris. Procès verbaux des interrogatoires.

  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès du camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français et du mouvement social, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Notice rédigée par Claude Pennetier.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
  • Registres matricules militaires.
  • Photo d’avant guerre in archives municipales / Maisons-Alfort, citées par Le Maitron notice de 2018.

Notice biographique rédigée en 2000, installé en 2012 mise à jour en 2015, 2020 et 2022, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *