Henri Jouffin : né en 1916 à Saignes (Cantal) ; domicilié à Foëcy (Cher) ; ajusteur ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 16 octobre 1942.
Henri Jouffin est né le 3 octobre 1916 à Saignes (Cantal). Il habite au lieu-dit « Givry » à Foëcy (Cher), non loin de Vierzon au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Anna, épouse Jouffin, née en 1889 à Ménil et d’Henri Jouffin, né le 26 mai 1882 à Foëcy, jardinier. Son père est mobilisé au 416è RI au moment de sa naissance et il est fait prisonnier en avril 1918.
En avril 1921, la famille habite toujours à Saignes, au lieu-dit Layre.
En 1931, Henri Jouffin est reçu 9è ex-aequo sur 20 candidats à l’externat de l’Ecole nationale professionnelle de Vierzon (J.O du 2 août 1931 / la Dépêche du Berry 15 juillet 1931).
Il est reçu 40è sur 48 à la section normale de 1935 du diplôme d’élève breveté de l’Ecole de Vierzon (J.O. du 7 octobre 1935).
En consultant les collections de photographies de l’ENP Henry Brisson à Vierzon, nous avons trouvé un portrait d’une classe de quatrième année datant de 1934, sur laquelle figure un élève dont le visage fait penser à celui du déporté dont nous pensons qu’il pourrait s’agir d’Henri Jouffin qui est sorti de l’ENP à la session de 1935.
Il travaille comme ajusteur (établissement d’Etat) en 1936.
Henri Jouffin est un militant communiste, selon les témoignages recueillis par Aimé Oboeuf auprès de deux rescapés de Vierzon du convoi du 6 juillet 1942 (Roger Gauthier et Georges Rousseau).
Il habite à côté de Mehun-sur-Yèvres où réside Magloire Faiteau.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Bourges dès le 19 juin 1940. L’armistice est signé le 22 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Avec un terrain d’aviation, une usine d’avions, des Etablissements militaires, Bourges ne suit pas la logique de la « zone de démarcation » – l’Yèvre prolongeant le Cher – et reste en zone occupée. Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires », procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Dès septembre 1940, on note des actions de Résistance dans le Cher : sabotages, manifestations pour les salaires durant l’hiver (notamment grève à l’usine d’aviation et à la SNCF). Ces actions se poursuivent dans tout le département en 1941 et début 1942.
Henri Jouffin est arrêté par les polices française et allemande le 1er mai 1942, dans la même opération de représailles que Moïse Lanoue, Marcel Perrin et Roger Rivet qui seront déportés à Auschwitz dans le même convoi que lui (le 6 juillet 1942).
Selon Marcel Cherrier, un des dirigeants de la résistance communiste, ces arrestations touchèrent une quarantaine de militants communistes à Vierzon et une trentaine à Bourges.
Nous savons désormais, grâce à un document allemand qui est conservé au Musée de la Résistance de Bourges, que ces arrestations font bien partie des mesures de représailles allemandes à la suite de la fusillade contre deux Felgendarmen à Romorantin le 30 avril 1942 Dans ce document la Sicherheitspolizei (Police de sûreté) Kommando d’Orléans répond au Préfet de Bourges : « En réponse à votre lettre du 19 janvier (1943) nous vous faisons connaître que MM. Perrin Marcel et Rivet Roger arrêtés à la suite de l’attentat de Romorantin, ont été conduits le 6.7.42 dans un camp situé en Allemagne ». Ces deux militants sont arrêtés le même jour qu’Henri Jouffin.
Ce que confirme Marcel Demnet (ancien FTP, interné résistant). Dans la nuit du 31 avril au 1er mai 1942, de jeunes FTP distribuaient des tracts et collaient des affiches à Romorantin lorsqu’ils sont surpris par deux Feldgendarmen. Un jeune, chargé de la protection des afficheurs, ouvre le feu. Un Feldgendarme est tué, l’autre grièvement blessé. Lire dans le site, l’article : Romorantin le 1er mai 1942 : un Feldgendarme est tué, un autre blessé. Arrestations, exécutions et déportations.
Les arrestations des 1er et 2 mai 1942 ont touché plusieurs départements de la région militaire. Des otages communistes sont fusillés le 5 mai 1942. Parmi eux, le neveu de Roger Rivet de Vierzon, Jacques Rivet, fusillé le 5 mai 1942 à Saint-Jean-de-la Ruelle.
Henri Jouffin et ses camarades sont gardés dans les caves de la Mairie, à Vierzon, puis incarcérés à la prison de Bourges (« le Bordiot« ), et, la veille du départ, dans la salle des Pas perdus en gare de Vierzon.
A la demande des autorités allemandes, ils sont internés le 8 mai 1942 au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en vue de leur déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Henri Jouffin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.
Le numéro «45693 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami, du portrait d’immatriculation publié ci-dessus pourrait désormais en fournir la preuve.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Henri Jouffin meurt à Auschwitz le 16 octobre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, tome 2 page 520).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Son état civil mentionne toujours «décédé le 1er septembre 1942, à Auschwitz (Pologne)». En effet dans les années d’après-guerre, l’état civil français n’ayant pas eu accès aux archives du camp emportées par les soviétiques en 1945, a fixé des dates de décès fictives (le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé) sur la base de témoignages de rescapés (Roger Gauthier avait déclaré qu’il était mort « vers août 1942« ), afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Une rue de Foëcy porte son nom, qui est inscrit sur le monument aux morts, devant l’école.
Le 8 juin 1945, le journal du Parti communiste du Cher, l’Emancipateur, rend hommage à ses camarades morts dans les camps. Sur cette liste figurent les noms de presque tous les militants déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz :
Buvat Louis, Germain Joseph, Kaiser Albert, Thiais Isidore, Faiteau Magloire, Jouffin Henri, Lanoue Moïse, Michel Lucien, Millérioux Joseph, Perrin Marcel, Rivet Roger, Trouvé Maurice. Les deux seuls chériens survivants du convoi sont le maire de Vierzon Gorges Rousseau et Roger Gauthier.
Sources
- Recherches et notes faites à Vierzon par Aimé Oboeuf, rescapé du convoi à partir des souvenirs de Georges Rousseau et Roger Gauthier, du Cher, également rescapés du convoi.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en octobre 1993).
- 25 juin et 12 juillet 2011 : courrier de M. Marcel Demnet (président de la section FNDIRP de Vierzon, ancien FTP, interné Résistant, qui en 1942 était employé à la mairie de Vierzon) .
- © Site Internet Mémorial-GenWeb.
- ENP Vierzon, photographie Tourte et Petetin, Levallois.
Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2019 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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