Le conseil municipal du Grand Vierzon, Marcel Perrin y est élu le 2 mai 1937
Une rue de Vierzon porte son nom

Matricule « 45.968 » à Auschwitz

Marcel Perrin : né en 1899 à Mehun-sur-Yèvre (Cher) ; domicilié à Vierzon-Ville  (Cher) ; céramiste puis métallo ; syndicaliste Cgt, communiste ; arrêté le 1er mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 14 août 1942.

Marcel Perrin est né le 25 septembre 1899 à Mehun-sur-Yèvre (Cher). Il habite 8, rue des Varennes, à Vierzon-Ville  (Cher) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Antoinette Beauvais, 27 ans, couturière et de Désiré Perrin, 26 ans, porcelainier, son époux. Ses parents habitent route de Foëcy à Mehun, puis en 1906  au 2 route de Paris à Vierzon-Villages. Il a deux cadets : Marguerite, née en 1903 et Désiré, né en 1905, tous deux à Vierzon-Villages.

Son registre matricule militaire indique qu’il habite Vierzon-Villages (Cher) au moment du conseil de révision et travaille comme cultivateur, puis journalier. Il mesure 1m 62, a les cheveux châtains, les yeux bleus, le front ordinaire, le nez petit, le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n° 2 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter). De la classe 1919, il est mobilisé par anticipation en avril 1918, comme tous les jeunes hommes de sa classe. Il est incorporé le 19 avril 1918 au 79ème Régiment d’infanterie. Le 10 février 1920, il passe à la 23ème section de Commis et Ouvriers militaires d’Administration (C.O.A.). Il est affecté à la 5ème section de C.O.A le 12 février 1921. Le 4 avril 1921, démobilisé, il est « renvoyé dans ses foyers » et se retire rue du Bas-de-la-Grange, à Vierzon-Villages. Il est « rappelé à l’activité militaire » à la 5ème section de C.O.A. : en effet en application du traité de Versailles, la première occupation militaire de la Rhur par l’armée française va avoir lieu en mai 1921 (les effectifs de l’armée du Rhin d’occupation passent alors de 100.000 à 210.000 hommes) : le gouvernement rappelle les réservistes. Marcel Perrin est donc « rappelé à l’activité » (article 33, loi 8 mars 1905). Il est renvoyé dans ses foyers le 2 juillet 1921.

Le 18 février 1922, Marcel Perrin épouse Louise, Maria Desseix à Vierzon-Villages. Elle est née le 3 août 1903 à Saint-Saud-Lacoussière (Dordogne). Le couple a un garçon (1) Jacques, Lucien, né le 17 septembre 1921 à Vierzon.
Marcel Perrin est céramiste, puis métallurgiste à l’usine d’aviation de Bourges (SNCAC). Il est militant syndical et membre actif du Parti communiste.
Lors des élections municipales du 6 mai 1935, il est candidat à Vierzon-Ville sur la liste du Bloc Ouvrier et Paysan, liste dirigée par Robert Crépat. Il recueille 490 voix au premier tour et 503 au deuxième. Ni la liste du BOP, ni celle de la SFIO ne sont élues.
En décembre 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Perrin est domicilié rue (chemin) des Varennes, à Vierzon-Ville.

La Dépêche du Berry 26/04/1937. Montage Pierre cardon

Le 8 avril 1937, le préfet du Cher François Taviani, publie un arrêté officialisant la réunification des quatre Vierzon. Ce qu’on appela le « grand Vierzon » était né.
Lors des élections du 2 mai 1937 qui suivent cette décision, Marcel Perrin est candidat sur la liste dirigée par Georges Rousseau intitulée  « 
Liste populaire du Grand Vierzon, présentée par le Parti communiste« , face à une « liste de Front populaire » Parti socialiste SFIO, Union socialiste et républicaine, et une liste dissidente d’anciens élus sortants. Le PPF s’était retiré. 

La Dépêche du Berry, 3 mai 1937

Le 2 mai, Marcel Perrin est élu conseiller municipal du Grand Vierzon, avec 3553 voix. La liste communiste étant élue dans son entier avec une moyenne de 600 voix devant la liste SFIO. Georges Rousseau est élu maire (3630 voix).
Le 27 août 1939, réserviste à la 5ème section de C.O.A il est « rappelé à l’activité militaire » dans le cadre de la mobilisation générale. Il arrive le lendemain au
détachement principal (magasin S = Station Magasin) du camp de Mignères (près de Montargis).

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Bourges dès le 19 juin 1940. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Avec un terrain d’aviation, une usine d’avions, des Etablissements militaires, Bourges ne suit pas la logique de la « zone de démarcation » – l’Yèvre prolongeant le Cher –  et reste en zone occupée. Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires », procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Marcel Perrin est démobilisé par le centre de Lavaur le 14 août 1940.

Dès septembre 1940, on note des actions de Résistance dans le Cher : sabotages, manifestations pour les salaires durant l’hiver (notamment grève à l’usine d’aviation et à la SNCF). Ces actions se poursuivent dans tout le département en 1941 et début 1942.

Marcel Perrin est arrêté par les polices française et allemande le 1er mai 1942, dans la même opération de représailles que  Roger GauthierMoïse LanoueRoger Rivet, et Maurice Trouvé qui seront déportés à Auschwitz dans le même convoi que lui, le 6 juillet 1942.

Selon Marcel Cherrier, un des dirigeants de la résistance communiste, ces arrestations touchèrent une quarantaine de militants communistes à Vierzon et une trentaine à Bourges. L’épouse de Marcel Perrin pensait que ces arrestations avaient été provoquées par le déraillement d’un train de munitions allemandes sur la ligne Vierzon-Bourges. Mais on sait désormais, qu’il s’agit en fait d’une rafle opérée en représailles à la fusillade contre deux gendarmes allemands à Romorantin le 30 avril 1942. 

Marcel Perrin et Roger Rivet arrêtés à la suite de la fusillade de Romorantin

Nous savons en effet, grâce à un document allemand (in Musée de la Résistance de Bourges / 2016) que son internement à Compiègne fait partie des mesures de représailles allemandes à la suite de la fusillade contre deux Felgendarmen à Romorantin le 30 avril 1942 : Lire dans le site, l’article  : Romorantin le 1er mai 1942 : un Feldgendarme est tué, un autre blessé. Arrestations, exécutions et déportations.
Dans ce document la Sicherheitspolizei (Police de sûreté), Kommando d’Orléans répond au Préfet de Bourges : « En réponse à votre lettre du 19 janvier (1943) nous vous faisons connaître que MM. Perrin Marcel et Rivet Roger arrêtés à la suite de l’attentat de Romorantin, ont été conduits le 6.7.42 dans un camp situé en Allemagne ». Ces deux militants sont arrêtés le même jour que Louis Buvat.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1942, quatre jeunes FTP distribuaient des tracts et collaient des affiches à Romorantin lorsqu’ils sont surpris par deux Feldgendarmen. Un jeune, chargé de la protection des afficheurs, ouvre le feu. Un Feldgendarme est tué, l’autre grièvement blessé. Lire dans le site, l’article : Romorantin le 1er mai 1942 : un Feldgendarme est tué, un autre blessé. Arrestations, exécutions et déportations.
Les arrestations des 1er et 2 mai 1942 ont touché plusieurs départements de la région militaire (Cher, Loir-et-Cher, Loiret). Six jeunes otages communistes sont fusillés le 5 mai 1942 et cinq autres le 9 mai.
Marcel Perrin et ses camarades sont gardés dans les caves de la Mairie, à Vierzon, puis incarcérés à la prison de Bourges (« le Bordiot »), et, la veille du départ, dans la salle des Pas ­perdus en gare de Vierzon.
A la demande des autorités allemande, ils sont internés le 8 mai 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en vue de leur déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Perrin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a été pas retrouvée parmi les 522 photos que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Marcel Perrin est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45.968 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Marcel Perrin meurt à Auschwitz le 14 août 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, tome 3 page 919). Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération portait la mention «décédé le 15 août 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 8 mars 1997), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz

L’Emancipateur du 8 juin 1945

Le 8 juin 1945, le journal du Parti communiste du Cher, l’Emancipateur, rend hommage à ses camarades morts dans les camps. Sur cette liste figurent les noms de presque tous les militants déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz :
Buvat Louis, Germain Joseph, Kaiser Albert, Thiais Isidore, Faiteau Magloire, Jouffin Henri, Lanoue Moïse, Michel Lucien, Millérioux Joseph, Perrin Marcel, Rivet Roger, Trouvé Maurice. Les deux seuls chériens survivants du convoi sont le maire de Vierzon Gorges Rousseau et Roger Gauthier.

Marcel Perrin, déclaré « Mort pour la France » est homologué « Déporté Résistant ».
Il est homologué au grade de sergent au titre de la Résistance Intérieure Française (n° 16250) pour son appartenance au Front national.
Une rue de Vierzon porte son nom.

Son nom est inscrit sur une des 3 colonnes portant les noms des Déportés et résistants vierzonnais, près de la
médiathèque Paul Eluard, 10 Avenue Général De Gaulle – Mémorial inauguré en 2011. Et il est est honoré sur la plaque commémorative apposée dans la section du PCF à Bourges, 45 rue Théophile Lamy. « Honneur à nos morts tombés pour que vive la France » (relevé Memorial Genweb / Claude Richard).
Son épouse est décédée à Bagnolet en 1973.

  • Note 1 : Jacques, Maurice Perrin a 20 ans en 1942 : membre des Jeunesses communistes, il est arrêté le 15 janvier 1942. Handicapé physique, interné à Compiègne, il sera libéré le 23 novembre 1942. Il obtiendra le titre d’interné politique. Il est décédé à Vierzon le 1er janvier 1991.

Sources

  • Témoignages recueillis à Vierzon par Aimé Oboeuf, rescapé du convoi, à partir des souvenirs de Georges Rousseau et Roger Gauthier, du Cher, également rescapés du convoi.
  • Combattants de la liberté. La Résistance dans le Cher. Cherrier Marcel et Pigenet Michel. Éditions Sociales, 1976.
  • Témoignage de Maria Perrin (membre du comité national de la FNDIRP), sa veuve, pour qui son mari et une trentaine d’autres militants ont été arrêtés le premier mai 1942 en représailles à l’attentat commis contre les allemands sur la voie ferrée Vierzon-Bourges (1973).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Dessin de Franz Reisz,
    in « Témoignages sur Auschwitz »,
    ouvrage édité par l’Amicale des
    déportés d’Auschwitz (1946).
  • 12 juillet 2011 : courrier de M. Marcel Demnet (président de la section FNDIRP de Vierzon, ancien FTP, interné Résistant, qui en 1942 était employé à la mairie de Vierzon), à qui j’avais fait parvenir les biographies des 45000 du Cher et qui m’a transmis de précieux renseignements… et corrections. Il fut en 1945 directeur du service secrétariat, bureau militaire et élections chargé de régulariser l’ensemble des catégories de victimes civiles et militaires de la guerre 1939/1945. Il est décédé en 2018.
  • Camp de Mignères / Forum.
  • AD 18 : Etat civil, recensements 1906 et 1936 à Mehun, Vierzon-Villages et Vierzon-Ville. Coupures de presse. Recherches Pierre Cardon.

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2019 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à  deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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