Maurice Trouvé : né en 1920 à Vierzon (Cher), où il habite ; ouvrier charcutier ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 21 octobre 1942.
Maurice Trouvé est né le 30 décembre 1920 à Vierzon (Cher), où il habite, après son mariage, au 71, rue Etienne Marcel à Vierzon-Ville au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne Aimée Nicault, 27 ans, et de Louis Camille Trouvé, 30 ans, journalier, son époux (ils sont domiciliés rue Camille Desmoulin à Vierzon). Ses parents se sont mariés le 12 avril 1919.
En avril 1921, la famille habite à Vignoux-sur-Barangeon (Cher), au hameau de Fontenette. En septembre 1924, et en février 1931, ils sont installés au 71, rue Étienne-Marcel à Vierzon-Forges (Cher). Le 18 avril 1936, Armande, demi-sœur de Maurice Trouvé, se marie à Vierzon-Ville.
En 1936, à Vierzon-Forges, Maurice Trouvé habite avec sa mère, devenue veuve ; elle est contrôleuse aux Ateliers d’Estampage de la Vence.
Maurice Trouvé est apprenti chez un charcutier rue Étienne-Marcel.
Il est membre des jeunesses communistes depuis 1936.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Bourges dès le 19 juin 1940 et Vierzon le 20. L’armistice est signé le 22 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Avec un terrain d’aviation, une usine d’avions, des Etablissements militaires, Bourges ne suit pas la logique de la « zone de démarcation » – l’Yèvre prolongeant le Cher – et reste en zone occupée. Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires », procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Maurice Trouvé épouse Paulette Grosjean le 26 octobre 1940. Elle est née le 5 juin 1922 à Bayeul (Aude). Elle est coupeuse à Vierzon (elle est décédée en 1998). Le couple a un fils, Jacky, qui a un an au moment de l’arrestation de son père (il est décédé en 2003).
Maurice Trouvé adhère en 1940 au Parti communiste clandestin et devient membre d’un « triangle » dès septembre 1940. Il adhère au Front national en septembre 1941. Il est chargé de distribuer des tracts et publications appelant à la lutte contre l’occupant.
Dès septembre 1940, on note des actions de Résistance dans le Cher : sabotages, manifestations pour les salaires durant l’hiver (notamment grève à l’usine d’aviation et à la SNCF). Ces actions se poursuivent dans tout le département en 1941 et début 1942.Maurice Trouvé est arrêté par les polices française et allemande le 1er mai 1942. Il s’agit très certainement de la même opération de représailles que celle qui vise Marcel Perrin, et Roger Rivet
(représailles dont nous sommes certains depuis que nous avons eu connaissance d’une réponse – concernant ces deux militants arrêtés le 1er mai 1942 – de la Sicherheitspolizei « Police de sûreté » (SD) Kommando d’Orléans – au préfet (document ci-contre en date du 25 janvier 1943), ainsi que Roger Gauthier et Moïse Lanoue, qui seront déportés à Auschwitz dans le même convoi que lui (6 juillet 1942).
Cette arrestation s’inscrit dans la rafle des 1eret 2 mai 1942 qui concerne 140 communistes ou présumés tels (dont certains avaient déjà été arrêtés en 1940 ou 1941) dans trois départements (Cher, Loir-et-Cher, Loiret). L’épouse de Marcel Perrin pensait que ces arrestations avaient été provoquées par le déraillement d’un train de munitions allemandes sur la ligne Vierzon-Bourges.
Mais selon Marcel Cherrier, ce qui est confirmé par Marcel Demnet et la lettre de la SD d’Orléans concernant Roger Rivet et Marcel Perrin, cette rafle est opérée en représailles à la mort d’un Feldgendarme à Romorantin la nuit du 30 avril 1942.
Lire dans le site, l’article : Romorantin le premier mai 1942 : un Feldgendarme est tué, un autre blessé. Arrestations, exécutions et déportations. Les arrestations des 1er et 2 mai 1942 ont touché plusieurs départements de la région militaire. Six jeunes otages communistes sont fusillés le 5 mai 1942 et cinq autres le 9 mai. Parmi eux, le neveu de Roger Rivet de Vierzon, Jacques Rivet, fusillé le 5 mai 1942 à Saint-Jean-de-la Ruelle.
Le 2 mai, Maurice Trouvé est gardé dans les caves de la Mairie, à Vierzon, puis incarcéré à la prison de Bourges (dite « le Bordiot« ), et, la veille du départ, dans la salle des Pas perdus en gare de Vierzon.
A la demande des autorités allemandes, il est interné le 8 ou le 9 mai 1942 au camp de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), en vue de sa déportation comme otage. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Trouvé est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.
Le numéro «46160 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Maurice Trouvé meurt à Auschwitz le 21 octobre 1942, d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3, page 1258). Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Et lire De Vierzon à Auschwitz : martyrs du nazisme
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte toujours la mention «décédé en septembre 1942 à Auschwitz-Birkenau (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 3 juin 2001), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Le 8 juin 1945, le journal du Parti communiste du Cher, l’Emancipateur, rend hommage à ses camarades morts dans les camps. Sur cette liste figurent les noms de presque tous les militants déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz :
Buvat Louis, Germain Joseph, Kaiser Albert, Thiais Isidore, Faiteau Magloire, Jouffin Henri, Lanoue Moïse, Michel Lucien, Millérioux Joseph, Perrin Marcel, Rivet Roger, Trouvé Maurice.
Les deux seuls chériens survivants du convoi du 6 juillet 1942 sont le maire de Vierzon Gorges Rousseau et Roger Gauthier.
Maurice Trouvé est déclaré « Mort pour la France » le 5 novembre 1947.
Il est homologué « Déporté politique » le 23 décembre 1955.
Il est homologué au grade de sergent au titre de la Résistance Intérieure Française le 18 octobre 1950. Maurice Trouvé est homologué (GR 16 P 579355) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Sources
- Témoignages recueillis à Vierzon par Aimé Oboeuf, rescapé du convoi, à partir des souvenirs de Georges Rousseau et Roger Gauthier, du Cher, également rescapés du convoi.
- Témoignage de sa cousine, épouse de Roger Gauthier.
- Combattants de la liberté. La Résistance dans le Cher. Cherrier Marcel et Pigenet Michel. Éditions Sociales, 1976.
- Témoignage de Maria Perrin (membre du comité national de la FNDIRP), veuve de Marcel Perrin, pour qui son mari et une trentaine d’autres militants ont été arrêtés le premier mai 1942 en représailles à l’attentat commis contre les allemands sur la voie ferrée Vierzon-Bourges.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division (ou pôle) des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Registre matricule militaire de son père.
- Bureau des archives des Victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté).
- Communication de M. Marcel Demnet, président de la FNDIRP de Vierzon, ancien FTP, Interné résistant (5 septembre 2011).
- Photographie confiée à M. Marcel Demnet par © Pascal Trouvé, son petit fils (septembre 2011).
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Lettre de la Sicherheitspolizei d’Orléans : © Musée de la Résistance d’Orléans.
Notice biographique rédigée en décembre 2010, complétée en 2018, 2019 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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