Guy Gratiot in « Ivry fidèle à la classe ouvrière et à la France »
Guy Gratiot : né en 1921 à Paris 13è ; domicilié à Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne) ; mécanicien, emballeur chez Renault ; membre des jeunesses communistes ; arrêté le 26 septembre 1939, non lieu ; arrêté le 3 septembre 1941, non lieu ; arrêté comme otage communiste le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.

Guy Gratiot est né le 21 octobre 1921 à Paris (13è).  Célibataire, Guy Gratiot habite au moment de son arrestation dans le logement 323, dans les HBM du 173, route Stratégique (renommée après la guerre rue Marcel Hartmann) à Ivry-sur-Seine (Seine – Val-de-Marne).
Une deuxième adresse est indiquée sur sa fiche de police : «41 rue Molière, depuis le 15 février 42», le chiffre du mois étant peu lisible.
Il est le fils de Gabrielle Tavera, journalière et de René, Paul Gratiot, né le 29 avril 1896 à Paris 17è, boulanger, puis emballeur, son époux. Il est issu d’une fratrie de huit enfants (Renée, née à Paris en 1917, Jeanne en 1918, Guy en 1921, Roland en 1924 à Villejuif, Jacqueline en 1925 à Villejuif, Serge en 1930 à Paris 13è, Claude en 1932 à Ivry et Liliane en 1935, également à Ivry. Leurs parents se sont mariés le 16 décembre 1916 à Paris 13è.
En 1917, la famille Gratiot habite au 10, avenue des Ecoles à Villejuif, puis au 14, rue des Sorrières de cette même ville, à partir de la naissance de Guy.

Ils déménagent au 173, route Stratégique en 1930, appartement n° 295.
En 1936, Guy Gratiot travaille comme emballeur ou cloueur sur carton, aux usines automobiles Renault, à Billancourt. Sa sœur Renée est confectionneuse chez Brunet. Leur père est emballeur.
Il est membre des Jeunesses communistes. Un de ses camarades des Jeunesses communistes, Pierre Raunier habite avec ses parents l’appartement voisin, au n° 294 du 173, route Stratégique.

Selon les registres du commissariat d’Ivry (fiche établie le 6 septembre 1941), Guy Gratiot a été arrêté une première fois le 26 septembre 1939 pour reconstitution de cellule. Il est en effet un de ceux qui reconstituent clandestinement la cellule du Fort du Parti communiste, dont Jean Le Galleu est le responsable.  Son nom est mentionné avec les deux croix rouges attribuées aux «militants notoires et propagandistes». Il est libéré à la suite d’un non-lieu.

Fiche de police de Guy Gratiot

Registres et fiche de police : lire l’article du site Le rôle de la police française dans les arrestations des «45000».

Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Fin juin, le fort d’Ivry est occupé par l’armée allemande, la Maison de santé et de nombreux logements sont réquisitionnés. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Sans doute à la suite de filatures opérées par des inspecteurs de la Brigade spéciale des Renseignements généraux (Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux), Guy Gratiot est arrêté à nouveau le 3 septembre 1941 pour infraction au décret du 26 septembre 1939 interdisant les organisations communistes. Onze autres militants d’Ivry sont arrêtés en même temps que lui – dont Raymond BlaisPierre Raunier, qui seront déportés avec lui à Auschwitz – le frère de Pierre Raunier (Jules), Jean Le Galleu, responsable de la cellule (déporté à Mauthausen le 22 mars 1944, rescapé) et Roger Bézard qui sera torturé en 1944 et mourra des suites de ses blessures. Sept d’entre eux sont domiciliés dans les HBM du 173, route stratégique. Ils ont entre 17 et 24 ans. Les inspecteurs ont trouvé un revolver Colt au domicile de l’un d’eux. Quatre autres « mis en cause » habitant le 173, n’ont pu être arrêtés à cette date. Ils sont relâchés le 16 novembre 1941 à la suite d’un non-lieu : de nombreux habitants des immeubles HBM du «173» ont pétitionné pour obtenir leur libération. Selon le Maitron « Pour être libéré il signa le formulaire de la police déclarant « désapprouver l’action communiste clandestine sous toutes ses formes. Je prends librement l’engagement d’honneur de ne me livrer dans l’avenir, directement au par personne interposée, à aucune activité communiste. Paris le 16 novembre 1941 ».

Guy Gratiot est arrêté de nouveau le 28 avril 1942
par «les autorités allemandes», aidée de la police française, lors d’une rafle qui touche l’ensemble du département de la Seine (Rober Blais, tourneur chez Renault, est arrêté sur son lieu de travail le même jour).
Guy Gratiot est amené le jour même au camp de détention allemande de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). A Compiègne, il reçoit le matricule « 4038 ».

Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Guy Gratiot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est vraisemblable qu’il ait été enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 629» (reconnaissance vraisemblable par comparaison entre la photo d’avant guerre et la photo probable d’immatriculation).

Il ne s’agit pas de Guy Gratiot selon son frère.

En l’absence de références aux registres du camp, j’avais en effet proposé à la reconnaissance de la famille un numéro, le « 45 629 » compte tenu de l’ordre des listes alphabétiques presqu’entièrement reconstituées par mes soins. Cependant son frère ne l’a pas reconnu dans la photo du déporté portant ce numéro (trop de différences selon lui).

Guy Gratiot meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2 page 384). Après la guerre, l’état civil français n’ayant pas connaissance de ces registres fixe la date de son décès au 15 juin 1943 sur la base des témoignages (plus ou moins précis) de deux de ses compagnons de déportation.

Guy Gratiot est déclaré « Mort pour la France » le 27 juin 1946. Il est homologué comme «Déporté politique» le 25 juillet 1951 (la carte est au bénéfice de sa mère, Gabrielle Gratiot, 59, rue de Paris à Ivry.
La demande d’homologation comme « Déporté résistant » a été rejetée.

La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 3 février 1994 paru au Journal Officiel du 23 mars 1994). Cet arrêté porte toujours la date fictive du 15 juin 1943 : il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil de la municipalité d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Son nom est inscrit sur le livre d’or de la mairie «Déportés, internés, fusillés et morts aux combats» (Jean Pierre Besse).

Sources

  • Supplément au numéro 1319 du « Travailleur » d’Ivry.

    Ivry fidèle à la classe ouvrière et à la France, supplément au numéro 1319 du Travailleur d’Ivry, brochure, 120 pages, Ivry,
    1977,  p. 94 (photo).

  • Archives municipales d’Ivry (1988 et 1992).
  • Liste «de noms de camarades du camp de Compiègne», collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Mauthausen le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800) (BAVCC).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943,
    le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
  • © Site Internet «Légifrance.gouv.fr»
  • © Photo d’identité et photo de la fiche de police du commissariat d’Ivry / Musée de la Résistance Nationale à Champigny : tous mes remerciements à Céline Heyten.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
  • Archives en ligne de Villejuif et Ivry, listes électorales et recensements de population.

Notice biographique rédigée en 2007, mise en ligne en 2012, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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