Eugène Degdier Collection © Roger Pélissou, rescapé, photo reproduite par la FNDIRP .
Eugène Degdier : né en 1909 à Paris 14è ; domicilié à Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; employé, pâtissier, cantonnier ; communiste ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné au camp d’Aincourt, aux maisons centrales de Fontevraud et de Clairvaux, aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 octobre 1942.

Eugène, Théodore, Désiré, Degdier est né le 1er janvier 1909 au 5, rue Jonquoy à Paris 14è. Il habite au 8, impasse des Sentiers à Fresnes (Seine / Val-de-Marne), au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Marguerite Chabrier, 38 ans, sans profession et d’Eugène, Théodore Degdier, 28 ans. Son père détaché à la poudrerie de Sevran en 1915, meurt le 11 décembre 1916 à Mably (Loire). Son fils est adopté par la Nation le 2 mars 1921.
En 1926,Théodore Degdier est employé chez Hachette.
En 1930, il est inscrit sur les listes électorales de Fresnes, avec la profession de pâtissier.
En 1931, il habite au 4, impasse des Sentiers à Fresnes, avec sa mère, âgée de soixante ans et les trois enfants de sa sœur Marthe (née en 1906) épouse Desouches (Lucienne, née en 1925, Gisèle, née en 1928 et Henri né en 1930).

élections municipales partielles des 27 juin et 4 juillet 1937

Eugène Degdier est embauché comme cantonnier à la ville de Fresnes. Il est membre du Parti communiste.
A la déclaration de guerre, Eugène Degdier, conscrit de la classe 1929 est mobilisé le 30 août 1939.
Le conseil municipal de Fresnes est suspendu par le décret Daladier du 4 octobre 1939 « jusqu’à la fin des hostilités » et remplacé par une « délégation spéciale » désignée par le Préfet. Et le 9 février 1940 le conseil de préfecture prononce la déchéance des élus communistes de Fresnes.
La « délégation spéciale » de Fresnes révoque Eugène Degdier, connu comme communiste, de ses fonctions de cantonnier le 20 avril 1940. la révocation prend effet le 1er mai 1940.

Le 13 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht occupent Créteil et Fresnes le 16 juin (elles investissent la prison). Le 14 juin elles sont entrées dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Eugène Degdier est démobilisé le 7 août 1940.

Connu comme militant communiste, Eugène Degdier est arrêté par la police française le 5 octobre 1940, ainsi que douze membres du Conseil municipal de Fresnes déchu en 1940, et d’autres militants communistes de la commune, dans le cadre de la grande rafle organisée avec l’accord de l’occupant par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de l’ancien département de la Seine. 210 élus, cadres du parti et de la CGT sont ainsi arrêtés. Lire dans le site « La municipalité communiste de Fresnes décimée par Vichy et par l’occupant nazi ».

Eugène Degdier est emmené au Dépôt de la Préfecture puis interné, avec ses camarades, au camp de «séjour surveillé» d’Aincourt ouvert spécialement, le 5 octobre 1940, par le gouvernement de Vichy pour y enfermer les communistes arrêtés.
Lire dans le site Le camp d’Aincourt .

Renseignements généraux : exposé des motifs de son internement administratif

Sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940» reçue des RG par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Eugène Degdier on lit : « 31 ans. Communiste notoire. Participe à la propagande clandestine».

42 internés d’Aincourt adressent fin octobre une réclamation au président de la Commission de vérification quant à la validité de leur internement. Parmi eux trois Fresnois : Henri Boulay, Eugène Degdier et Géry Denizou. Le 10 novembre 1940, le Préfet de Police de Paris fait savoir au Préfet de Seine et Oise que « ces demandes ne sont susceptibles d’aucun examen. En effet, les personnes
actuellement internées au centre de séjour surveillé d’Aincourt, par les soins de la préfecture de Police, l’ont été en application de la Loi du 3 septembre 1940, qui ne prévoit pas de commission de vérification. De plus, le décret du 20 novembre 1939 qui avait institué cette commission de Vérification a été abrogé par décret du 4 octobre 1940, c’est-à-dire antérieurement à son premier arrêté de concentration ».

Le 4 décembre 1940 il est transféré avec une centaine d’internés d’Aincourt, dont le Fresnois René Carpentier, à la Maison centrale de Fontevraud (Maine-et-Loire), considérée comme la centrale pénitentiaire la plus dure de France, avec celle de Clairvaux. Quatre-vingt militants communistes –
emprisonnés à Fresnes, la Santé ou Poissy avant la fin de la guerre, où il purgeaient de lourdes peines de prison – y ont été incarcérés depuis juin 1940, devant l’avancée allemande.
Il y côtoie Henri Asselineau qui sera déporté avec lui à Auschwitz, Gaston Bernard, Fernand Alby (maire du 13è à la Libération), Lucien Chapelain (maire adjoint communiste de Bondy), qui seront également déportés dans des camps de concentration allemands et qui témoigneront de la dureté du régime pénitentiaire à Fontevraud.

Clairvaux. La salle de discipline

De Fontevraud, il est transféré le 20 janvier 1941 à la Maison centrale de Clairvaux, via les gares de Saumur et d’Austerlitz, avec un groupe de militants d’abord internés à Aincourt. A leur convoi est adjoint à la gare de l’Est de Paris où ils ont été transférés par fourgon cellulaire, un groupe de militants communistes arrêtés dans le département de la Seine les 18 et 20 janvier.
A leur arrivée à l’ «arrêt Clairvaux» de la gare de Ville-sous-la-Ferté, ils sont transférés à Clairvaux par rotations d’un unique wagon cellulaire, escortés par des gardes mobiles (souvenirs de Pierre Kaldor et d’Henri Hannart).
Lire dans le site : La Maison centrale de Clairvaux.

Eugène Degdier est transféré avec René Carpentier au «Camp de séjour surveillé» de Rouillé (1) le 26 septembre 1941, au sein d’un groupe de 56 internés de Clairvaux. Ils y arrivent le 27 septembre 1941.
Lire dans ce site :  le camp de Rouillé ‎

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés (2) qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122). Le nom d’Eugène Degdier, orthographié Dedgier (n° 59 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.

Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Eugène Degdier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45 470 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Eugène Degdier meurt à Auschwitz le 18 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 217).
Un arrêté ministériel du 28 janvier 1988 paru au Journal Officiel du 10 mars 1988 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté indique néanmoins une date erronée « mort en novembre 1942 à Auschwitz ».

FNDIRP : attestation de Raymond Saint-Lary et Lucien Peiffer

Si dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé, voire seulement le mois) à partir des témoignages de rescapés (ici ceux de Raymond Saint-Lary et Georges Peiffer à la FNDIRP), afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés, il est souhaitable que le ministère prenne désormais en compte, par un nouvel arrêté, les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945, et qui sont
accessibles depuis 1995. Voir l’article : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Eugène Degdier est homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .
Eugène Degdier est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes  GR 16 P 165215.

  • Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles.(site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé).
  • Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq  ’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Plaquette-souvenir éditée par la municipalité de Fresnes.
  • Recherches menées en 1973 et 1974 auprès des militants et familles (archives des familles, état civil et recensements aux archives municipales) par Roger Pélissou, rescapé du convoi du 6 juillet 1942, qui vint habiter Fresnes à la Libération.  Il a fait reproduire certaines photos de famille © par la FNDIRP.
  • Souvenirs de René Denizou, fils de Géry Denizou.
  • Témoignages de Maurice Catinat, arrêté le 5 octobre 1940, ancien maire, d’Auguste Monjauvis et Roger Pélissou.
  • Archives municipales de Fresnes (21 avril 1993).
  • Archives en ligne de Paris, élections.
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Henri Hannart, « Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres) ».
  • Pierre Kaldor, souvenirs.
  • Liste du commandant du Centre d’Internement Administratif de Rouillé. 14 octobre 1941 / C 331-25. Noms des149 internés venant d’Aincourt. Archives de la Préfecture de Police.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • © Photo séance de punition à Clairvaux, collection Henri Manuel, Musée national des Prisons, ministère de la Justice.
  • © Site InternetMémorial-GenWeb.
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet Lesmortsdanslescamps.com

Notice biographique rédigée en 2007, mise en ligne en 2012, mise à jour 2015, 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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