Gaston Pelletier, photo parue dans la brochure de 1945
Gaston Pelletier ; né en 1908 à Saint-Firmin (Saône-et-Loire) ; domicilié à Villejuif (Seine / Val-de-Marne), ébéniste, mécanicien chez Citröen, infirmier à l’asile de Villejuif ; communiste, secrétaire de cellule ; arrêté le 6 décembre 1940 ; ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.

Gaston Pelletier est né le 24 avril 1908 à Saint-Firmin (Saône-et-Loire) au 5, lieu-dit Les Caillots (recensement de 1911). Il habite au 22, rue Jean Jaurès à Villejuif (Seine / Val-de-Marne) au moment de son arrestation.
Gaston Pelletier est le fils de Mariette Lauriot (24 ans) née en 1884 à Marigny (71), et d’Eugène Pelletier (29
ans), né le 14 juillet 1878 à Montcenis (71), patron tailleur de pierre, puis marbrier.
Ses parents se sont mariés le 22 août 1903 à Saint-Firmin, où naît sa sœur aînée Yvonne, au hameau Bouvier, en 1905 (recensement de 1906).
A partir de 1913, la famille vient habiter à Paris, au 37, rue David d’Angers à Paris 19ème. Son père étant mobilisé en 1914, la famille revient habiter à Saint-Firmin, chez les grands parents au hameau des Caillots. En 1919, ils reviennent habiter au 37, rue David d’Angers. En 1926, Gaston Pelletier y demeure avec ses seuls parents, jusqu’à son mariage en 1927. Le registre de recensement indique qu’il est alors ébéniste.
Le 24 septembre 1927, à la mairie de Paris 19ème, il épouse Rachel, Yvonne Tabuteau, 23 ans, employée de commerce. Elle est née le 19 décembre 1904 à Passay (Seine-et-Oise / Essonne). Il est toujours ébéniste. Le jeune couple habite chez elle au 65, rue du Mont-Cenis à Paris 18ème.
Gaston Pelletier effectue en 1929 un service militaire d’un an (loi de mars 1928).
En 1931, le couple a déménagé à Villejuif (Gaston Pelletier s’inscrit sur les listes électorales à cette date) et habite au 12, rue du colonel Marchand.
Le registre porte comme profession : « mécanicien chez Citroën ». Son épouse est indiquée comme employée de commerce chez Poulain à Villejuif.

Le 22, rue Jean Jaurès

En 1936, ils ont à nouveau déménagé, au 22, rue Jean Jaurès, toujours à Villejuif. Gaston Pelletier a changé de métier : la profession indiquée lors du recensement est « infirmier à l’asile ». Son épouse, elle, travaille toujours chez Poulain à Villejuif.

L' »Asile » de Villejuif

Le 5 octobre 1935, Gaston Pelletier travaille comme infirmier à l’Hôpital psychiatrique de Villejuif (dit « l’Asile » d’aliénés). Il est titularisé à ce poste en juin 1936.
Il est membre du Parti communiste depuis 1936 et devient secrétaire de la cellule de « l’Asile ».
Il est mobilisé en septembre 1939.

Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Ivry, Vitry et Villejuif les jours suivants.  L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Dès sa démobilisation en 1940, « il reprend le travail illégal » (René Herz, in brochure « Villejuif à ses martyrs« ).
Le 15 novembre 1940, le Préfet sur proposition du directeur de l’Asile de Villejuif révoque 60 employés en vertu de la loi du 17 juillet 1940 (« les
magistrats et les fonctionnaires et agents civils et militaires de l’Etat pourront être relevés de leurs fonctions
». En vertu de cette loi, chaque établissement dresse la liste des agents « dont la manière de servir laisse à désirer ». Parmi eux de nombreux communistes et syndicalistes, dont Gaston Pelletier. Révoqué le 15 novembre 1940, il figure dès lors sur les listes dressées par les Renseignements généraux.
Gaston Pelletier figure avec 5 autres employés de l’Asile de Villejuif sur une liste de « fonctionnaires, employés des services publics, concédés et
assimilés, internés administrativement le 6 décembre 1940 par application de la Loi du 3 septembre 1940 
», est donc arrêté le 6 décembre 1940, en même temps que 8 militants communistes de Villejuif, « en vue de leur internement à Aincourt ». Il s’agit d’employés de l’Asile et d’employés communaux.
Ce sont, René Balayn (buandier à l’Asile, déporté et mort à Auschwitz), Henri Bourg, (infirmier à l’Asile, déporté à Dachau en 1944, rescapé), Raymond Ferrare, (Infirmier à l’Asile, ancien secrétaire du syndicat CGT des services publics-santé, déporté à Sachsenhausen, rescapé), Roger Gallois (infirmier à l’Asile, interné à Aincourt), René Herz, (infirmier à l’Asile, interné à Aincourt, libéré pour maladie. Responsable politique de Vitry et de Villejuif à l’insurrection). François Turbier, (égoutier, employé municipal, interné à Aincourt, Voves et Pithiviers). Dominique Ghelfi (aux Pupilles communistes dès 14 ans, membre des JC puis au Pc à 23 ans (employé au Kremlin-Bicêtre, il est domicilié avant guerre au 6 rue Guy Moquet à Villejuif. Replié à Paris il est également arrêté ce 6 décembre 1940 par un inspecteur du commissariat Maison-Blanche (13ème). Interné à Aincourt, Rambouillet, Gaillon, Compiègne. Il voit partir ses camarades villejuifois le 6 juillet 1942. Il est déporté le 17 janvier 1944, et reviendra de Buchenwald). Lire également dans le site l’article : Les fusillés, internés et déportés de Villejuif

Gaston Pelletier, d’abord conduit comme ses camarades à la caserne des Tourelles est interné avec eux le même jour à Aincourt.
(Lire dans le site : Le camp d’Aincourt).

Liste des renseignements généraux envoyée au directeur du camp d’Aincourt

Dans la « liste des militants communistes internés administrativement le 6 décembre 1940 » reçue par le directeur du camp, on peut lire comme exposé des motifs pour Gaston Pelletier : « Infirmier à l’Asile de Villejuif. Se livre à une active propagande auprès de ses
collègues ». 
Le 5 janvier 1941, Gaston Pelletier écrit au Préfet de la Seine pour que  son épouse puisse toucher les trois mois de son
salaire restant à percevoir avant sa révocation. Le 6 septembre 1941, il est transféré au camp de Rouillé (1), au sein d’un groupe de 149 internés, chiffre de la circulaire du 14 octobre 1941. A cette date, le directeur du camp demande au préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé 4 mois auparavant, dont celui de Gaston Pelletier. Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre. Les
motifs de l’arrestation de Gaston Pelletier qui y figurent sont identiques à ceux mentionnés à Aincourt.

Exposé des motifs de l’internement : liste des RG envoyée au directeur du camp de RouilléDébut mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp
allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom deGaston Pelletier (n° 142 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.

Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Gaston Pelletier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.  Le numéro  » 45960 ?  » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon livre Triangles rouges à Auschwitz. Par ailleurs, la photo d’immatriculation correspondant à ce numéro possible est manquante et ne peut donc être comparée avec la photo parue dans la brochure de Villejuif en 1945.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Georges Dudal et Raymond Montégut ont tous deux – à la Libération – certifié du décès de Gaston Pelletier dans les premiers mois de leur arrivée. Comme Georges Dudal est resté à Birkenau jusqu’en 1943 et que Raymond Montégut a été affecté à Auschwitz I, aucun de ces deux témoignages – destinés à permettre l’accès à pension de la veuve de Gaston Pelletier – ne permet de connaître son affectation après le 13 juillet. On connaît par contre sa date de décès.

Gaston Pelletier meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from
Auschwitz
Tome 3 page 916 et site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau). Ce certificat porte comme cause du décès « Entzündung Herzbeutel» (inflammation du péricarde). L’historienne polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz». Il convient également de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18, 19, 20 ou 21 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp qui ont été enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés  ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les
blocks d’infirmerie. Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
Un arrêté ministériel du 8 juillet 1996 paru au Journal Officiel du 27 août 1996, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Gaston Pelletier.

Plaque à l’hôpital Paul Guiraud

Le nom de Gaston Pelletier est honoré sur une plaque à l’hôpital Paul Guiraud de Villejuif, et une plaque avait été apposée sur son domicile (elle a aujourd’hui disparu, mais on en voit encore la trace, en haut à gauche de la photo). Son nom est inscrit sur le monument commémoratif de la commune dressé en 1999 dans le parc Pablo Neruda.

Les 45000 de Villejuif © montage Pierre Cardon

Lire dans le site l’article Les fusillés, déportés et internés de Villejuif .

 Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «Centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Sources

  • Notes manuscrites de Gilberte Le Bigot, belle-sœur de Georges Le Bigot concernant
    chacun des 9 déportés à Auschwitz (1973).
  • Témoignage du fils de René Balayn (1973).
  • Archives en ligne de Paris (élections, mariages).
  • Archives en ligne de Villejuif (recensements 1931 et 1936).

  • « Villejuif à ses Martyrs de la barbarie fasciste« , brochure éditée par la Vie nouvelle sous l’égide de la
    municipalité et de la section communiste de Villejuif (1945-1946). Imp. M. Boivent. Les documents ont été rassemblés par René Herz, employé à l’Asile, arrêté le 6 décembre 1940, et interné à Aincourt (collection Pierre Cardon).
  • Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition informatique 2012.
  • Banque de donnée informatique du « Livre mémorial » de la FMD pour la vérification des lieux et dates de déportation des villejuifois cités dans la brochure de 1945.
  • Brochure « Des noms qui chantent la Liberté », ville d’Ivry 1994.
  • Remerciements à Madame Nathalie Lheimeur, service des Archives municipales de Villejuif.
  • Aincourt. Archives de la police / BA 2374.
  • Marcelino Gaton et Carlos Escoda, Mémoire pour demain, Graphein, 2000.
  • Villejuif à ses Martyrs de la barbarie fasciste. 50ème anniversaire de la Résistance (1940/1990).
  • Contre l’oubli, brochure conçue et réalisée par le service culturel de Villejuif, février 1996.
  • CDJC (Centre de documentation juive contemporaine)liste XLI 42, n°142.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7. Liste V, n° 31549 – Liste S, n° 266.
  • Témoignages de Georges Dudal, Raymond Montégut
  • Photo de l’hôpital psychiatrique de Villejuif, © site Patrimoine de France
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet Lesmortsdanslescamps.com
  • © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.

Notice biographique rédigée en 2003, installée en 2013 mise à jour en 2015, 2020 et 2022, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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