Matricule « 45 927 » à Auschwitz
Georges Niquet : né en 1903 à Saint-Ouen de Secherouve (Orne) ; domicilié à Maisons-Alfort (Seine / Val-de-Marne) ; employé municipal, chauffeur du maire ; communiste ; arrêté le 4 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 13 août 1942.
Georges Niquet est né le 3 avril 1903 à Saint-Ouen de Secherouve (Orne).
Il habite 11, rue de Brest à Maisons-Alfort (Seine / Val-de-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise Amandine Chandebois, 26 ans, domestique. Sa mère épousera Eugène Niquet le 26 novembre 1926, à Maisons-Alfort. Son mari a été blessé en 1914-1918 et amputé d’une jambe. Il est maraîcher. Il adopte Georges Chandebois qui a 23 ans. Celui-ci prend alors le nom de Niquet.
Georges Niquet se marie en avril 1930 (1). Le couple a deux garçons (dont André Chandebois, né avant la reconnaissance de son père par Eugène Niquet). Mais les parents divorcent.
Le 9 juin 1934 à Maisons-Alfort, Georges Niquet épouse en secondes noces Madeleine, Renée, Soulier, née en 1912. Elle est sténo-dactylo, rencontrée au bal des pompiers.
Membre du Parti communiste, Georges Niquet est employé communal : il est chauffeur du maire Albert Vassart, élu en mai 1935. Celui-ci est membre du Comité central, du bureau et du secrétariat du Parti communiste (voir sa biographie dans le Maitron).
Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Avec l’Occupation allemande, la police de Vichy surveille les anciens élus et militants communistes, procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande clandestine.
Georges Niquet est arrêté le 4 octobre 1940 au soir à son domicile par deux policiers français et emmené au commissariat de Charenton, en même temps que son camarade Lucien Frichot (qui est libéré après interrogatoire, mais sera arrêté de nouveau et déporté à Auschwitz avec lui). Georges Niquet pense n’être emmené que pour une simple vérification d’identité et qu’il sera de retour rapidement. Simone Frichot découvre dans la nuit qu’il s’agit d’une véritable arrestation et va prévenir Madeleine Niquet qui habite à six rues de chez elle.
Avec lui sont arrêtés des militants de Maisons-Alfort, Alfortville et Charenton : Bolze (et non Polze), ex premier adjoint au maire de Maisons-Alfort (déporté, rescapé, il sera conseiller municipal de 1944 à 1959), Roger Marivet (il sera déporté à Auschwitz), Charles Mestivier, André Lacombe, Scraye. Au lendemain ou au surlendemain de ces arrestations, la presse publie au mot près le communiqué ci-contre annonçant l’arrestation de 6 communistes, seul le titre diffère : L’Oeuvre, L’Echo de Nancy, Le Figaro, l’Egalité de Roubaix, l’Eclair, l’Action Française, le Petit méridional.
Georges Niquet est interné le 5 octobre 1940 au CSS d’Aincourt. Les arrestations de ces deux militants communistes connus des Renseignements généraux, ont lieu dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine (élus, cadres du Parti et de la CGT).
Georges Niquet est interné le 5 octobre par décision du Préfet de Paris Roger Langeron, avec ses camarades, au camp de «Séjour surveillé» d’Aincourt, en Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert spécialement, en octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés dans la grande rafle (lire dans le site : Le camp d’Aincourt).
Sur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940» reçue à sa demande par le directeur du camp auprès des renseignements généraux, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Georges Niquet on lit : « 37 ans. Ex chauffeur de l’ex maire communiste – Militant actif – est un des meneurs de la propagande clandestine ».
Le 6 septembre 1941, il est transféré au camp de Rouillé, au sein d’un groupe de 149 internés. Le 14 octobre, le directeur du camp demande au préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé un mois auparavant, dont celui de Georges Niquet.
Lire dans ce site : le camp de Rouillé
Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre. La réponse est strictement identique à celle faite au commissaire Andrey à Aincourt. Dans le document des RG classé par ordre alphabétique, on lit les motifs d’arrestation de Marcel Névraumont conseiller municipal de Maisons-Alfort, qui déporté à Auschwitz, y mourra le même jour que lui.
Le 9 février 1942, il fait partie d’un groupe de 52 internés communistes qui sont remis aux autorités allemandes à leur demande et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Fronstalag 122), via Poitiers. 36 d’entre eux seront déportés à Auschwitz avec lui. A Compiègne Georges Niquet reçoit le matricule n° « 3545 ».
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Georges Niquet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Georges Niquet est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 927» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Georges Niquet meurt à Auschwitz le 13 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 864 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) et relevé du Block 20, « l’infirmerie d’Auschwitz » du 13 août 1942. Il meurt le même jour que son camarade maisonnais Marcel Névraumont). En relevant ces dates sur le Totenbuch (livre des morts) André Montagne a noté qu’il y a – les 12 et 13 août – 205 morts dans les kommandos à l’appel du soir et 44 à l’appel du lendemain matin. Parmi eux treize « 45.000 » le 12 août et cinq le 13 août. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Un arrêté ministériel du 15 juin 1995 paru au Journal Officiel du 28 juillet 1995 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs. Le témoignage de compagnons de déportation a incité le Ministère à inscrire un mois fictif « décédé en septembre 1942 à Auschwitz ».
Après la guerre, le nom de Georges Niquet a figuré sur une plaque installée dans le cimetière et rendant hommage aux déportés maisonnais (aujourd’hui disparue).
Une cellule du PCF portera son nom dans les années 1950.
- Note 1 : une source indiquait un mariage en avril 1930 à Créteil, mais les tables décennales des mariages de Créteil ne mentionnent pas de mariage concernant Georges Niquet. Ni d’ailleurs à Maisons-Alfort dans les mêmes dates.
Sources
- Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en Juin 1992.
- Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
- Archives de la police / BA 2374 Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Camp de Séjour Surveillé de Rouillé : archives départementales de la Vienne(109W75).
- Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prevoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 241 à 3800) (DAVCC).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère dela Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Sterbebücher von Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Heftlings Krankenbau Auschwitz, Block 20 (« infirmerie »).
- Montage photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial © Pierre Cardon
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par
l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946). - Photo de Georges Niquet : © « Mémoire Vive », collection Marie Ayraud DR.
Notice biographique rédigée en 2003, mise en ligne en 2012, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com