Matricule « 45 595 » à Auschwitz

2 juillet 1938 : Joseph Germain  le jour de son mariage
Joseph Germain à Auschwitz le 8 juillet 1942
Joseph Germain : né en 1910 à Henrichemont (Cher) ; domicilié à Bourges (Cher) ; communiste ; arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.

Joseph, Eugène, Germain est né le 1er octobre 1910 à Henrichemont (Cher). Il habite 5, rue de la Corne à Bourges (Cher) au moment de son arrestation. Il est le fils de Marie-Louise, Alphonsine Merlin, 28 ans, et de Joseph Germain, 34 ans, tanneur, son époux. Son père décède le 27 février 1911.
Il est ouvrier métallurgiste aux Fonderies de Mazières à Bourges.
Il est membre du Parti communiste, militant.

Joseph Germain et Denise Blondeau son épouse

Il épouse Denise Blondeau le 2 juillet 1938 à Véreaux (Cher). Née le 6 décembre 1911 à Sancoins (Cher), elle est appelée familièrement « Chigresse ». Le couple a un fils, Robert, qui naît le 12 mars 1940 à Bourges (il est décédé en 1988).

© Wikipédia

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Les troupes allemandes occupent Bourges dès le 19 juin 1940 et Vierzon le 20. L’armistice est signé le 22 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Avec un terrain d’aviation, une usine d’avions, des Etablissements militaires, Bourges ne suit pas la logique de la « zone de démarcation » – l’Yèvre prolongeant le Cher –  et reste en zone occupée.

Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy surveille les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations.
Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Pendant l’Occupation, Joseph Germain mène des actions dans la région : diffusion de tracts, participation à l’organisation de manifestations pour les salaires et d’une grève à la SNCF.

A la suite de ces actions dans le département, Joseph Germain est arrêté le 22 juin 1941, à Vierzon, par des policiers français.
Le 22 juin 1941, c’est le jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (prisons de Vierzon, Bourges), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Le nom de Joseph Germain avec celui de 43 autres militants sur une liste de communistes de la région militaire susceptibles d’être choisis comme otages.
Parmi ces militants 6 d’entre eux seront déportés à Auschwitz avec lui : Faiteau Magloire, Germain Joseph, Michel Lucien, Millerioux Louis, Rousseau Georges, Thiais Isidore, Kaiser (Keyser) Albert et son fils Jacques (condamné à un an de prison). Cette liste a été établie après un attentat « auf der Frontbuchland in Chartres » (contre une  librairie militaire de Chartres). Elle est datée du 24 octobre 1941 à Bourges (In document XLIV- 66, document du 22 avril 1942. Source CDJC. Echange de correspondances, datées du 04/09/1941 au 29/12/1941, entre la Feldkommandantur 668 de Bourges et l’état-major du chef du district militaire A à Saint-Germain-en-Laye, sur la finalisation (compléter par informations…) de la liste de 44 otages (tampon « Militärverwaltungsbezirk A » (district A de l’administration militaire allemande en France) tampon « Geheim » (confidentiel).

Remis aux autorités allemandes à leur demande, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Joseph Germain est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Le 8 juillet 1942

Gérard Germain est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45.595 ».

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Joseph Germain meurt le 18 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 344). <<

Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Comme 148 « 45 000 » ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942 et que la mort d’un nombre important d’autres détenus du camp est enregistrée à ces mêmes dates, on peut penser qu’ils sont morts gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée sans doute dans les Blocks d’infirmerie.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.

Le 8 juin 1945, le journal du Parti communiste du Cher, l’Emancipateur, rend hommage à ses camarades morts dans les camps. Sur cette liste figurent les noms de presque tous les militants déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz :
Buvat Louis, Germain Joseph, Kaiser Albert, Thiais Isidore, Faiteau Magloire, Jouffin Henri, Lanoue Moïse, Michel Lucien, Millérioux Joseph, Perrin Marcel, Rivet Roger, Trouvé Maurice. Les deux seuls chériens survivants du convoi sont le maire de Vierzon Gorges Rousseau et Roger Gauthier.

Son nom est à nouveau cité dans « L’Emancipateur » du 6 novembre 1947 sous le titre : 11
novembre 1947 : « Honneur à nos morts, qui sont tombés pour que vive la France ».
La fédération du Cher du Parti communiste publie ainsi « la longue liste de ses martyrs, qui sont tombés dans les combats contre l’envahisseur nazi et ses valets ».
Suivent 96 noms, dont ceux des douze « 45 000 » morts à Auschwitz.

  • Note 1 : Après vérifications sur son acte de naissance, Joseph Germain est bien né le 3 octobre 1910 et non le 1er octobre, comme cela figurait sur les listes allemandes, date portée à l’enregistrement à Auschwitz, et que j’avais reprise dans la dernière édition de mon livre « Triangles rouges à Auschwitz »…
    Cette date erronée figure également au Journal Officiel JO1993p04107-04114, sur le site du Musée d’Auschwitz, sur le Sterbebücher von Auschwitz (livre des morts) p 344… Ainsi que sur plusieurs autres sites de mémoire.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Photo du mariage, transmise par Madame Nicole Blondeau, que je remercie vivement. Elle est la nièce de Denise Germain, née Blondeau, sœur de son père Pierre, qu’elle a connu dans les années 1970. Sur la photo du mariage, figurent 11 des 12 enfants du couple Blondeau-Barathon.

    Le 2 juillet 1938 à Véreaux (Cher).  
  • Liste d’otages du Cher : CDJC, cote XLIV-66 liste établie le 24 octobre 1941, in document allemand du 23 avril 1942.
  • Recherches et notes faites par Aimé Oboeuf, rescapé du convoi à partir des souvenirs de Georges Rousseau et Roger Gauthier, du Cher, également rescapés du convoi.
  • Combattants de la liberté. La Résistance dans le Cher. Cherrier Marcel et Pigenet Michel. Éditions Sociales, 1976.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz ( Liste V n° 31574, Liste S n° 130).
  • Archives en ligne du Cher pour confirmation de sa date de naissance (cote 3 E 6336, vue 226/286)

Notice biographique rédigée en décembre 2010, complétée en 2018, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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