Moïse Lanoue : né au Chagnot à Vierzon-Forges (Cher), où il habite ; métallo ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.
Moïse, Lucien, Alexis Lanoue est né au Chagnot à Vierzon-Forges (Cher) le 28 novembre 1911, où il habite au 1, quai de l’Etang au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Alice Laubier, 29 ans (1882-1975) et de Jules, Augustin Lanoue, 29 ans, journalier (1882-1915). Il a un frère aîné, Raymond, né en 1907.
Leur père, soldat au 10è Régiment de Chasseurs à pied est « mort à l’ennemi » le 6 juin 1915 à Noulettes (Pas-de-Calais).
Les deux frères deviennent pupilles de la nation (jugement du tribunal de Bourges le 24/09/1918).
Moïse Lanoue est célibataire.
Domicilié 14, quartier de la Pointerie à Vierzon, il effectue son service militaire au 95è Régiment d’Infanterie motorisé.
Moïse Lanoue est métallurgiste. Il est venu habiter Vierzon-Forges au 1, quai de l’Etang après 1936.
Il est membre du Parti communiste selon le témoignage des deux survivants de Vierzon du convoi des « 45.000 » (Roger Gauthier et de Georges Rousseau, ancien maire communiste de Vierzon).
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Bourges dès le 19 juin 1940 et Vierzon le 20. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Avec un terrain d’aviation, une usine d’avions, des Etablissements militaires, Bourges ne suit pas la logique de la « zone de démarcation » – l’Yèvre prolongeant le Cher – et reste en zone occupée. Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires », procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
M. Marcel Demnet écrit : « membre du Parti communiste clandestin et du Front national depuis sa création, il participait activement à la Résistance contre l’occupant en transportant et distribuant au sein de l’usine où il travaillait, des tracts et journaux anti-allemands. En outre il sabotait la fabrication des matériels concourant à l’effort de guerre ennemi et encourageait ses collègues de travail à faire de même« . Dès septembre 1940, on note des actions de Résistance dans le Cher : sabotages, manifestations pour les salaires durant l’hiver (notamment grève à l’usine d’aviation et à la SNCF). Ces actions se poursuivent dans tout le département en 1941 et début 1942.
Moïse Lanoue est arrêté par les polices française et allemande le 1er mai 1942, dans la même opération de représailles qui concerne Roger Gauthier, Marcel Perrin, Roger Rivet, et Maurice Trouvé qui seront déportés à Auschwitz dans le même convoi que lui le 6 juillet 1942.
Selon Marcel Cherrier, un des dirigeants de la résistance communiste, ces arrestations touchèrent une quarantaine de militants communistes à Vierzon et une trentaine à Bourges. L’épouse de Marcel Perrin pensait que celles-ci avaient été provoquées par le déraillement d’un train de munitions allemandes sur la ligne Vierzon-Bourges. Mais selon Marcel Cherrier, un des dirigeants de la Résistance communiste, il s’agissait d’une rafle opérée en représailles à la fusillade contre deux Felgendarmen à Romorantin le 30 avril 1942, ce que confirme M. Marcel Demnet (président de la section FNDIRP de Vierzon, ancien FTP, Interné Résistant).
Nous savons désormais, grâce à un document allemand qui est conservé au Musée de la Résistance de Bourges, que ses arrestations font bien partie des mesures de représailles allemandes à la suite de la fusillade contre deux Felgendarmen à Romorantin le 30 avril 1942.
Dans ce document la Sicherheitspolizei (Police de sûreté) Kommando d’Orléans répond au Préfet de Bourges : « En réponse à votre lettre du 19 janvier (1943) nous vous faisons connaître que MM. Perrin Marcel et Rivet Roger arrêtés à la suite de l’attentat de Romorantin, ont été conduits le 6.7.42 dans un camp situé en Allemagne ». Lire dans le site l’article : Romorantin le 1er mai 1942 : un Feldgendarme est tué, un autre blessé. Arrestations, exécutions et déportations .
Il est donc légitime de penser que Roger Gauthier et Moïse Lanoue, deux militants communistes de Vierzon arrêtés le même jour que lui, ont été arrêtés dans la même opération de police que Marcel Perrin, et Roger Rivet .
Les arrestations des 1er et 2 mai 1942 ont touché plusieurs départements de la région militaire.
Six jeunes otages communistes sont fusillés le 5 mai, cinq autres le 9 mai 1942.
Moïse Lanoue et ses camarades sont conduits à la Mairie de Vierzon où ils sont enfermés dans une cave où ils retrouvent d’autres militants. « A 11 heures nous étions 31 ». Ils sont ravitaillés par leurs familles et la Croix-Rouge. « Les allemands nous laissèrent ainsi quatre jours. Puis ce fut l’interrogatoire. Des camarades furent libérés et les autres dont je faisais partie nous fûmes enfermés à la banque Barberon ». Le 8 Mai, à 6 heures, ils sont rassemblés dans la cour de la banque pour être emmenés par car à Compiègne après une halte la prison d’Orléans où un autre car amène d’autres militants du Loir-et-Cher (récit de Roger Gauthier publié en 1945 dans l’Emancipateur : De Vierzon à Auschwitz : martyrs du nazisme).
A la demande des autorités allemandes, ils sont emmenés en autocar, via Orléans et internés le 8 mai 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en vue de leur déportation comme otages. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Moïse Lanoue est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore le numéro d’immatriculation de Moïse Lanoue à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.
Le numéro « 45 728 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Moïse Lanoue meurt à Auschwitz le 23 octobre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, tome 2 page 692).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Toutefois pour l’état civil français, il est resté « décédé à Birkenau le 30 septembre 1942 » : dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé) à partir des témoignages de rescapés (ici Roger Gauthier), afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz
Le 8 juin 1945, le journal du Parti communiste du Cher, l’Emancipateur, rend hommage à ses camarades morts dans les camps. Sur cette liste figurent les noms de presque tous les militants déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz :
Buvat Louis, Germain Joseph, Kaiser Albert, Thiais Isidore, Faiteau Magloire, Jouffin Henri, Lanoue Moïse, Michel Lucien, Millérioux Joseph, Perrin Marcel, Rivet Roger, Trouvé Maurice. Les deux seuls chériens survivants du convoi sont le maire de Vierzon Gorges Rousseau et Roger Gauthier.
Moïse Lanoue est homologué « Déporté Résistant » le 4 mai 1953 : n° 1010 16527. Son nom est inscrit sur une plaque à la Section du PCF de Bourges : « Honneur à nos martyrs ».
Sources
- Fichier national du Bureau de la division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense « morts tombés pour que vive la France« . Il est également honoré sur le mémorial inauguré en 2011 à Vierzon, 10 avenue du Général de Gaulle, portant les noms des 156 vierzonnais morts dans les camps de concentration.
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- Photographie confiée par le neveu de Moïse Lanoue, Raymond Lanoue, à M. Marcel Demnet , qui me l’a transmise.
- Témoignages recueillis à Vierzon par Aimé Oboeuf, rescapé du convoi, à partir des souvenirs de Georges Rousseau et Roger Gauthier, du Cher, également rescapés du convoi.
- « Combattants de la liberté. La Résistance dans le Cher » Marcel et Pigenet Michel. Éditions Sociales, 1976.
- Témoignage de Maria Perrin (membre du comité national de la FNDIRP), veuve de Marcel Perrin : son mari et une trentaine d’autres militants ont été arrêtés le premier mai 1942 en représailles à l’attentat commis contre les allemands sur la route Vierzon-Bourges.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- SHD Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- 12 juillet 2011 et 5 septembre 2011 : courrier de M. Marcel Demnet (président de la section FNDIRP de Vierzon, ancien FTP, interné Résistant, qui en 1942 était employé à la mairie de Vierzon), à qui j’avais fait parvenir les biographies des « 45 000 » du Cher et qui m’a transmis de précieux renseignements… Il fut en 1945 directeur du service secrétariat, bureau militaire et élections chargé de régulariser l’ensemble des catégories de victimes civiles et militaires de la guerre 1939 / 1945.
- Site généalogique de Vierzon.
- Recensement de Vierzon-Forges (1936).
- La Dépêche du Berry 24/11/1933.
- Communication de M. Marcel Demnet, président de la FNDIRP de Vierzon (5 septembre 2011).
Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2019, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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