Louis-Joseph Millérioux, photo candidature aux législatives de 1936
Louis Millerioux : né à Sainte-Gemme-en-Sancerrois (Cher), où il habite ; cultivateur ; communiste, membre du comité régional du PC ; arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 26 août 1942.

Louis, Marie, Joseph Millerioux est né le 13 février 1904 à Sainte-Gemme-en-Sancerrois (Cher), où il habite au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Joséphine Creuzil, 30 ans, ménagère, née en 1876 à Sainte-Gemme et de Louis, Marie Millerioux, 32 ans, cultivateur son époux, né en 1871 à Assigny. A sa naissance, ses parents habitent au lieu-dit la Raimbauderie.
Il a 2 frères cadets (Louis et Raymond, nés en 1905 et 1907) et une cadette (Hélène, née en 1909). En 1911, la famille habite au lieu-dit la Fontaine Odon.
Louis Millerioux est cultivateur à Sainte-Gemme.
« Il raconta dans «l’Émancipateur» du 4 août 1929, sous le nom de Jean d’Églantine, l’impression indélébile que lui laissa le départ en août 1914 des hommes, dont son père, en pleine période de travaux des champs. Dès l’âge de onze ans, il quitta l’école pour travailler dans les fermes comme domestique agricole, puis à la petite propriété familiale. » (Le Maitron).
En 1928, Louis Millerioux crée la cellule communiste de Sainte-Gemme dont il devient le secrétaire. Il est candidat au conseil général en 1931 (il n’obtient que 1,7 % des suffrages des électeurs inscrits). Il milite à la Confédération générale des paysans-travailleurs, participe activement à la propagande et à l’organisation de réunions publiques. « Il écrivit dans l’Émancipateur de nombreux articles sur la situation des paysans ». En 1930, il signe toujours ses articles Jean d’Eglantine, mais son nom et son adresse apparaissent en dessous de cette signature « pour tous renseignements et adhésions, s’adresser au camarade Joseph Millérioux, les Fouchards » à Sainte-Gemme (L’Emancipateur 6 février 1930).

L’Emancipateur 16/03/1935
Tract législatives 1936 candidats communistes du Cher

A cette époque, on le trouve donc prénommé Joseph Millérioux dans la presse communiste.
Il est devenu secrétaire du rayon de Sancerre, est candidat au conseil d’arrondissement dans le canton de Vailly en 1934 et aux législatives de 1936 pour la circonscription de Sancerre (il recueille 9,5 % des suffrages des inscrits. 

On notera que les trois autres candidats communistes de sa circonscription sont tous des militants connus : député, ancien député, maire et conseiller d’arrondissement). Situation que commente le journal nationaliste et royaliste d‘extrême droite violemment hostile au Front populaire, « l’Action française » du 17 avril 1936 en qualifiant le député sortant de « socialiste insignifiant » et écrivant pour Joseph Millérioux : « ce journalier aimerait faire des journées au palais Bourbon« . 

La Dépêche du Berry 20/04/1936

Il se désiste en faveur de Jean Castagnez, candidat SFIO.
Dans le département, la discipline du Front populaire a joué : à Bourges les candidats SFIO et Radical socialiste se sont désistés en faveur de Louis Gatignon, communiste (qui est élu), tandis qu’à Saint-Amand, Jules Bornet, communiste, s’est désisté pour le candidat SFIO (
Le journal des débats du 30/04/1936). 

Louis Millérioux signe dans l’Emancipateur des articles paraissant sous le titre « Tribune paysanne », où il fustige la crise du monde agricole et les expropriations des petits paysans causées par les grandes exploitations agricoles, ou leur difficultés à survivre face aux cultures intensives et mécanisées. 

Il est membre du comité régional du Parti communiste (région Cher-Indre), et à ce titre il est l’un des animateurs de la « Grande journée nationale en faveur du vote rapide des revendications paysannes » qui a lieu le 4 juillet 1937. 

L’Emancipateur du 2 /07/1937

Il est l’un des orateurs du meeting qui a lieu à Saint-Amand-Montrond ce jour là.
Il est candidat au conseil général en 1937 et délégué au congrès du Parti communiste (Arles 1937). «Millerioux demeura le dirigeant du Parti communiste dans le Sancerrois jusqu’à la guerre» (Le Maitron).

« Mobilisé au 48è régiment d’artillerie divisionnaire et cité à l’ordre du 84è RA, il fut démobilisé le 18 août 1940. La police le décrivait alors ainsi : « Taille 1 m 75, cheveux et sourcils noirs, yeux gris, visage ovale, nez long, bouche moyenne, front découvert, teint mat, corpulence assez forte ». Elle ajoutait : « Depuis la dissolution du PC il a cessé toute activité politique. Une perquisition opérée à son domicile le 7 mai 1941 n’a donné aucun résultat » (Le Maitron).

© Wikipédia

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Bourges dès le 19 juin 1940. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).  Avec un terrain d’aviation, une usine d’avions, des Etablissements militaires, Bourges ne suit pas la « logique » de la « zone de démarcation » – l’Yèvre prolongeant le Cher –  et reste en zone occupée. Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy surveille les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires », procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

L’appel au Peuple de France numéro clandestin d’octobre 1940

Dès septembre 1940, on note des actions de Résistance dans le Cher : sabotages, manifestations pour les salaires durant l’hiver, grève à l’usine d’aviation SNAC, diffusion de l’Emancipateur ronéoté avec l’appel au Peuple de France en octobre 1940.
La police française perquisitionne son domicile
(ainsi que ceux d’une dizaine d’autres militants) le 15 décembre 1940
.

Louis Millerioux est arrêté vers 21 heures le 22 juin 1941 à Sainte-Gemme, par « un policier en civil et deux soldats allemands » (témoignage de sa mère), le même jour que Georges Rousseau (l’ancien maire communiste de Vierzon), Lucien Michel, Isidore Thiais, Joseph Germain et Magloire Faiteau (qui seront avec lui déportés dans le convoi du 6 juillet 1942).

Le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom de code «Aktion Theodorich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici prisons de Vierzon, de Bourges), ils sont internés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Louis Millerioux est détenu à la prison de la place de la Mairie à Vierzon, puis à celle de Bourges (dite « le Bordiot »).
Il est interné au camp de Royallieu à Compiègne le 27 juin 1941.
Le nom de Louis Millerioux figure avec celui de 43 autres militants sur une liste de communistes de la région militaire susceptibles d’être choisis comme otages. Parmi ces militants 6 d’entre eux seront déportés à Auschwitz avec lui : Faiteau MagloireGermain JosephMichel Lucien, Rousseau GeorgesThiais IsidoreKaiser (Keyser) Albert et son fils Jacques (condamné à un an de prison). Cette liste a été établie après un attentat « auf der Frontbuchland in Chartres » (contre une  librairie militaire de Chartres). Elle est datée du 24 octobre 1941 à Bourges (In document XLIV- 66, document du 22 avril 1942. Source CDJC. Echange de correspondances, datées du 04/09/1941 au 29/12/1941, entre la Feldkommandantur 668 de Bourges et l’état-major du chef du district militaire A à Saint-Germain-en-Laye, sur la finalisation (compléter par informations…) de la liste de 44 otages (tampon « Militärverwaltungsbezirk A » (district A de l’administration militaire allemande en France) tampon « Geheim » (confidentiel).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Louis Millerioux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet  1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro matricule à Auschwitz est inconnu : le numéro « 46 252 ? figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Louis Millerioux meurt à Auschwitz le 26 août 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 3 page 815).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte la mention «décédé le 1er septembre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est dommage que le ministère, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (JO du 21 décembre 1995), n’ait pas corrigé cette date, alors que l’ouvrage qui publie les relevés de l’état civil d’Auschwitz est paru cette même année et que le Musée d’Auschwitz répondait déjà aux questions des historiens et administrations.
Lire dans le site : Les dates de décès à Auschwitz.

L’Emancipateur 8 juin 1945

Le 8 juin 1945, le journal du Parti communiste du Cher, l’Emancipateur, rend hommage à ses camarades morts dans les camps. Sur cette liste figurent les noms de presque tous les militants déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz :
Buvat Louis, Germain Joseph, Kaiser Albert, Thiais Isidore, Faiteau Magloire, Jouffin Henri, Lanoue Moïse, Michel Lucien, Millérioux Joseph, Perrin Marcel, Rivet Roger, Trouvé Maurice. Les deux seuls chériens survivants du convoi sont le maire de Vierzon Gorges Rousseau et Roger Gauthier.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Sainte-Gemme.
Son nom est honoré sur la plaque commémorative apposée dans la section du PCF à Bourges, 45 rue Théophile Lamy. « Honneur à nos morts tombés pour que vive la France » (relevé Memorial Genweb / Claude Richard).

Sources

  • Liste d’otages (cote XLIV-66 au CDJC), établie le 24 octobre 1941, in document allemand du 23 avril 1942 établie à la suite de l’attentat du « Buchhandlung Front » (bibliothèque du Front), à Chartres (même région militaire).
  • Témoignage de sa mère sur son arrestation (Bureau des archives des conflits contemporains (DAVCC) Caen.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau des archives des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Note de Claude Pennetier. Reproduction de la photo (campagne électorale de 1936) de la notice de 2011 du Maitron et en ligne 2021.
  • Reproduction du journal « l’Emancipateur » : l’appel au Peuple de France (octobre 1940).
  • Photo Site Prine André
  • Archives en ligne du Cher, recensement 1906.

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2019 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à  deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

 

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