Gentil Potier à Auschwitz le 8 juillet 1942
Gentil Potier . carte souvenir PCF St Maur

Matricule « 46.003 » à Auschwitz

Gentil Potier : né en 1895 à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique) ; domicilié à Saint-Maur-des-Fossés (Seine / Val-de-Marne) ; serrurier ;  communiste responsable du CDH ; arrêté le 6 mars 1940 ; arrêté le 5 décembre 1940, interné aux camps d’Aincourt de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.

Gentil Potier est né le 22 juin 1895 à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique) au domicile de ses parents, rue des caboteurs.  Au moment de son arrestation, il habite au 29, rue du Pont de Créteil à Saint-Maur-des-Fossés (Seine / Val-de-Marne), un immeuble aujourd’hui rénové.
Il est le fils de Joséphine, Marie, Legeay 36 ans, ménagère, et d’André, Jean, Potier, 39 ans, chauffeur. Il a une sœur aînée, Joséphine, née le 2 mars 1894 à Saint-Nazaire. La famille habite ensuite au 8, rue des halles à Saint-Nazaire.
Gentil Potier est titulaire du Certificat d’Etudes Primaires.
Il est serrurier de formation. Son registre matricule militaire le décrit : 1m61, cheveux châtain clair, yeux bleus, front bombé, nez rectiligne, visage large. Gentil Potier, matricule militaire « 3534 » est mobilisé le 8 septembre 1915 et incorporé au 64ème Régiment d’Infanterie. Il monte au Front (« aux armées ») le 19 janvier 1916. Evacué le 19 février 1916 pour maladie (hospitalisation le 23 février). Il passe alors au 154ème RI le 21 juin 1916. Il monte au Front avec son régiment le 29 juin 1916, en est relevé le 17 juillet 1916 (date d’une hospitalisation pour maladie). Le 154ème remonte au Front le 2 octobre 1916 pour participer à la bataille de la Somme.

L’offensive de Sailly-Saillisel

Au cours de l’offensive et des combats pour Sailly-Saillisel, Gentil Potier est blessé à la cuisse (plaie en séton) par un éclat d’obus le 11 octobre. «Pour approcher du village, il fallait enlever les tranchées de Carlsbad, de Terplitz et de Berlin, ainsi que les ouvrages de défense : forteresses et nids de mitrailleuses de la lisière du bois de Saint-Pierre-Waast et fortifications dénommées Ouvrages Tripot, aux abords ouest du château de Sailly-Saillisel».  In ©  chtimiste.com/batailles1418/combats.
Gentil Potier est au dépôt de son régiment le 31 décembre 1916. Il est affecté au 2ème RI le 12 juin 1917. Il remonte au Front le 21 septembre 1917 et y reste jusqu’au 20 mai 1918 (date d’une hospitalisation pour maladie). Gentil Potier est démobilisé le 16 février 1919 au dépôt du centre démobilisateur du 65ème RI.
Il habite alors à Saint Nazaire chez ses parents au 8, rue des Halles.

Gentil Potier épouse Célestine Le Hazif à Saint-Nazaire, le 10 avril 1920. Elle est née le le 25 septembre 1897 à Locminé (Morbihan). Le couple aura deux enfants : Roger (Gentil, Roger), qui naît le 7 septembre 1921 à Saint-Nazaire et Monique qui naîtra en 1936.
Gentil Potier vient ensuite en région parisienne, où sa sœur, qui a épousé Gabriel Barad en 1916, habite à Saint-Maur. Gentil Potier trouve du travail aux établissements Duvivier et Compagnie de Saint-Maur. Sa sœur habite depuis 1921 au 35, rue du Pont de Créteil. La famille Potier Gentil s’installe le 29 janvier 1925 au 29, rue du Pont de Créteil à Saint-Maur-des-Fossés.

En janvier 1939, en application de la Loi de recrutement (article 59, 2 enfants équivalent à quatre années de classe, soit 1911), il est reclassé, rayé de l’affectation spéciale le 20 septembre 1939, et « passe sans affectation ».
Au moment de sa première arrestation Gentil Potier est manœuvre spécialisé chez Citroën à Javel (Paris 15ème).
Gentil Potier est membre du Parti communiste français, secrétaire des CDH (Comités de défense de L’Humanité) de Saint-Maur et à ce titre bien connu des services de Police.
On peut penser qu’après la dissolution du Parti communiste, le commissaire de police de Saint-Maur-des-Fossés ait ordonné en décembre 1939 une
perquisition à son domicile, comme il l’a fait pour Marius Adam.
En tout état de cause, Gentil Potier est arrêté le 6 mars 1940 à Saint-Maur (fiche au DAVCC), avec sa femme et son fils.
On ignore s’il est alors incarcéré ou condamné, relaxé ou évadé au moment de l’évacuation de la prison du Cherche-Midi, où sont incarcérés une partie des militants communistes arrêtés au début 1940.

Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

On sait qu’après la débâcle et l’Occupation allemande, Gentil Potier est à nouveau arrêté le 5 octobre 1940 par la police française dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la région parisienne : les militants parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et sont emmenés par cars à Aincourt. Le préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevallier, exécute une rafle identique à celle de Paris dans son département. Au total, plus de 300 militants communistes, syndicalistes
ou d’organisations dites «d’avant-garde», sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940. Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.

Aincourt : Liste des Renseignements généraux envoyée au directeur du campSur la liste « des militants communistes « concentrés » le 5 octobre 1940 » reçue par le directeur du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Gentil Potier on lit : « 45 ans, se livre à la propagande clandestine, 29 rue du Pont de Créteil à Saint-Maur ».
Comme plusieurs internés d’Aincourt mariés, Gentil Potier écrit à deux reprises (les 13 février et 6 mars) au Préfet de Seine-et-Oise pour solliciter pour son épouse une allocation de secours du bureau de bienfaisance. De son côté Célestine Potier sollicite une autorisation de visite.
Lors de la « révision trimestrielle » de son dossier, le 6 mars, le commissaire Andrey, directeur du camp, émet un avis négatif sur une éventuelle
libération de Gentil Potier : « est resté communiste, son internement n’a modifié en rien ses opinions » écrit-il. Les « internés administratifs » à Aincourt de 1940 et début 1941 n’ont en effet pas été condamnés : la révision trimestrielle de leurs dossiers est censée pouvoir les remettre en liberté, s’ils se sont « amendés »… Andrey, dont l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables, même s’il reconnait la plupart du temps la bonne tenue de l’interné, comme pour Gentil Potier.

Le camp de Rouillé @ amicale CVR

Le 6 septembre 1941, Gentil Potier fait partie des 150 internés qui sont
transférés au CSS de Rouillé dans la Vienne (le camp est ouvert à cette
date pour désengorger Aincourt, surpeuplé). Le 14 octobre, le directeur du camp
demande au Préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé un
mois auparavant, dont celui Gentil Potier. Lire dans ce site :  le camp de Rouillé ‎
Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre.

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au
camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122). Le nom de Gentil Potier (n°149 de la liste) y figure.

Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (1) qu’il est transféré au camp de Royallieu à Compiègne. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
A Compiègne, Gentil Potier qui reçoit le n° matricule « 5915 », est affecté à la baraque B 8.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Gentil Potier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Gentil Potier le 8 juillet 1942

Gentils Potier est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46003» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée (2) parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, ni sa date de décès. On peut néanmoins penser qu’il est ramené à Auschwitz I et affecté au Kommando Schlosserei (serrurerie), compte tenu de son métier de serrurier.

Gentil Potier meurt à Auschwitz. Le ministère des Anciens combattants a fixé fictivement sa date de décès au 15 novembre 1942 sur la base du témoignage d’un de ses compagnons de déportation (il s’agit d’André Faudry, de Saint-Maur, rescapé des camps).
Il est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté Politique ».
Un arrêté ministériel du 3 novembre 1997 paru au Journal Officiel du 27 janvier 1998 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs et reprend la date fictive du 15 novembre 1942 à Auschwitz.

Plaque en mairie (montage photo Pierre Cardon)

Son nom est honoré sur la plaque commémorative sise dans le Hall de la Mairie
« à la mémoire des fusillés et morts en déportation en Allemagne ».

Son épouse a déposé un dossier d’homologation au titre de la Résistance intérieure française, RIF (service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 487347 et GR 16 P 487348). Ces homologations n’ont pas abouti.

A la Libération, la Section du PCF édite, comme elle le fait pour les autres déportés ou fusillés communistes de Saint-Maur, une carte avec son portrait « Potier Gentil, mort à Auschwitz en 1942, secrétaire des C.D.H. de Saint-Maur, membre du Parti Communiste Français ».

Sur les six déportés de Saint-Maur du convoi du 6 juillet 1942 (Marius Adam, Yves Dumont, André Faudry, Raymond Monnod, Gentil Potier, Roger Prévot), seul André Faudry survivra. Georges Marin, rescapé qui vécut à Saint-Maur jusqu’à l’âge de 16 ans, sera lui aussi déporté dans le même convoi.

  • Note 1 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai 1942. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
  • Note 2 : 524 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1989 par André Montagne et en décembre 1993 par mes soins.
  • Registre matricule militaire de Seine maritime.
  • Archives de la Préfecture de police (RG77W 43).
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W. Dossier individuel.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Camp de Séjour Surveillé de Rouillé : archives départementales de la Vienne (109W75).
  • Liste du 22 mai 1942 (détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne). Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz :©Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
  • Carte postale deSailly-Saillisel ©chtimiste.com/batailles1418/combats.
  • © Site Internet Legifrance.
  • © Site Internet Geneanet. Photo de Gentil Potier reproduite par Claude Richard (Geneanet et Memorial Genweb.
  • Plaque du hall de la mairie, © Géneanet et montage Pierre Cardon.
  • Montage photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial ©Pierre Cardon.
  • Elections St Maur, 1932.

Notice biographique rédigée en 2003, installée en 2012 mise à jour en 2015, 2020 et 2022, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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